Le Mouvement Démocratie nouvelle entamera à Montréal, le 21 octobre, une série de consultations sur la réforme du mode de scrutin afin que l’Assemblée nationale reflète mieux le vote populaire. Mais l’opération se fera sans l'appui du gouvernement, déplore le groupe.
Les libéraux avaient déjà tenu un tel exercice au début des années 2000, lequel s'était conclu par un échec. Mais le Mouvement Démocratie nouvelle (MDN) espère profiter du contexte préélectoral pour encourager les partis à prendre des engagements sur la question.
Le MDN, qui regroupe des organismes et des citoyens, espère s’arrêter dans 13 villes de différentes régions du Québec afin de consulter la population pour réformer l’actuel mode du scrutin majoritaire uninominal à un tour.
L’initiative dépend d’une campagne de sociofinancement qui est lancée dès aujourd’hui. L’objectif est d’atteindre la somme de 50 000 $. «On veut que la tournée soit portée par du financement populaire, explique le président du MDN Jean-Sébastien Dufresne. On veut montrer que ce sont les citoyens qui sont derrière cette volonté de changement.»
La consultation itinérante pourrait toutefois visiter moins de villes que prévu si l’objectif n’est que partiellement atteint. Après la métropole, des arrêts sont prévus à Québec, Gatineau, Rimouski et Saguenay.
Tous les partis d’opposition soutiennent ce projet. Ils ont notamment fait une sortie en décembre dernier pour réclamer un scrutin proportionnel aux élections de 2022.
«Le problème qu’on a, c’est que [...] la ministre [de la réforme des institutions démocratiques Rita de Santis] a clairement dit que ce n’était pas dans le programme du Parti libéral de ce mandat-ci», déplore M. Dufresne.
Le PLQ a participé à quelques réunions du MDN, mais dit n’avoir reçu aucune invitation à la consultation publique itinérante pour le moment.
«La réforme du mode de scrutin ne fait pas partie de nos priorités, qui sont la santé, l’éducation et la croissance économique pour tous les Québécois, de toutes les régions, reconnaît toutefois la ministre de Santis. Néanmoins, il y a toujours place à l’amélioration, par exemple en se penchant sur la carte électorale, sur le poids des régions par rapport aux centres urbains, etc.»
Une promesse de Jean Charest
Le MDN avait été créé en 1999 à la suite de l’élection de 1998, qui avait reconduit le Parti québécois au pouvoir puisqu’il avait obtenu davantage de sièges à l’Assemblée, alors que le PLQ avait remporté le plus de votes.
«Dès son premier discours inaugural, M. Charest avait proposé une réforme du scrutin», se rappelle Benoit Pelletier, qui a notamment été ministre de la Réforme des institutions démocratiques.
En 2004, un avant-projet de loi pour la réforme avait été déposé et une Commission spéciale de députés et de citoyens avait été créée. Des consultations publiques avaient eu lieu dans 16 villes et 379 mémoires avaient été déposés.
«Au début des années 2000, c’était un sujet dont on parlait beaucoup dans la société québécoise et c’était un engagement important du gouvernement, mais il y a eu un renversement de la volonté populaire», ajoute M. Pelletier.
Une des raisons qui ont fait reculer le gouvernement, selon l’ancien ministre, est la forte réaction négative de la population dans plusieurs régions du Québec.
«Je ne m’attendais pas à ça, c’est un peu comme si les régions avaient peur de perdre leur poids à l’Assemblée, dit-il. J’avais beau expliquer que non, ça ne passait pas.»
Dans un système proportionnel mixte compensatoire et régional comme le proposait le projet gouvernemental, il y aurait eu deux types de députés, soit ceux élus par les électeurs de leur circonscription et d’autres élus selon le pourcentage d’appuis populaires de leur parti. Le nombre de circonscriptions serait passé de 125 à 77.
«À l’intérieur même de l’Assemblée nationale, je faisais aussi face à de plus en plus de résistance de plusieurs députés, dont certains de mon parti, explique M. Pelletier. Ça devenait intenable. J’en suis venu à la conclusion qu’il fallait mettre fin à cette opération.»
Enjeu électoral
Cet épisode ne décourage pas le président du MDN.
Au terme des consultations, le regroupement publiera un rapport, en janvier. «À partir de ça, on veut que les partis prennent acte du rapport et prennent des engagements précis, dit-il. S’il y a un changement de gouvernement, ils ne pourront pas se défiler.»
«Il y a aussi l’expérience du fédéral avec Justin Trudeau, où les gens sont devenus très cyniques», ajoute M. Dufresne. Le premier ministre du Canada avait promis de réformer le scrutin lors de la campagne électorale, mais a, depuis, abandonné le projet.