Réforme du mode de scrutin: pas de consensus entre les partis

2006 textes seuls


La réforme du mode de scrutin : Il n'y a pas de consensus entre le gouvernement et l'opposition; Adoptera-t-on une loi ou tiendra-t-on une consultation populaire ?
La dernière séance publique de la Commission spéciale sur la loi électorale (CSLE), tenue le 11 avril, a permis de constater que les trois partis représentés à l'Assemblée nationale n'ont pu établir de consensus sur le contenu d'une réforme du mode de scrutin. Cette commission itinérante, qui a tenu plus de 30 de séances publiques depuis le ler novembre dernier, aussi bien au parlement que dans 16 villes à travers le Québec, a attiré la plus forte participation dans l'histoire du parlementarisme québécois. Elle a reçu 369 mémoires, a entendu 360 organismes et individus et a reçu plus de 1 100 expressions d'opinions par internet ou par la poste. Elle est assistée d'un comité citoyen consultatif composé de 8 membres qui doit présenter un rapport distinct.
La divergence entre le gouvernement et l'opposition péquiste s'est manifestée clairement lors de cette ultime séance. C'est le dévoilement par le Parti québécois de la formule qu'il préconise pour réformer le scrutin majoritaire actuel - qui aurait pour effet d'augmenter substantiellement le nombre de députés siégeant à l'Assemblée nationale - qui s'avère le principal élément de divergence. Par ailleurs, même si le ministre Benoît Pelletier, responsable du dossier de la réforme des institutions démocratiques, n'a pas participé à la séance la commission, il a confirmé à la Presse canadienne de son bureau qu'il n'y avait pas de consensus entre les partis. Il a aussi annoncé que la réforme électorale sera divisée en deux projets de loi. Le premier révisera en priorité les modalités du scrutin (vote par anticipation, révision des listes électorales, vote par correspondance, etc). Mais le projet de loi réformant le mode de scrutin ne serait débattu que l'automne prochain.
Après l'accession du Québec à la souveraineté
Lors de sa comparution le 11, le Parti québécois s'est dit opposé à ce qu'une loi tranche le débat. Il veut qu'il le soit par la population lors d'une consultation populaire qui aurait lieu après l'établissement d'un consensus entre les trois partis représentés à l'Assemblée nationale. Son porte-parole, le vice-président François Rebello, a fait savoir que si le PQ reprenait le pouvoir lors des prochaines élections, sans que la réforme du mode de scrutin ne soit adoptée, il remettra cette dernière après l'accession du Québec à la souveraineté alors qu'il la réalisera par le biais de la constitution qui comportera une réforme complète des institutions démocratiques du nouveau pays.
Il reprenait ainsi une déclaration faite en ce sens par la chef de l'opposition Louise Harel il y a quelques semaines. On se rappelle toutefois que l'ex-premier ministre Landry avait promis, lors de la dernière campagne électorale, que son gouvernement procéderait à la réforme mode de scrutin avant les prochaines élections si son parti était réélu. À la veille de la prise du pouvoir en 1976 et 1994, la plate-forme du PQ contenait aussi l'engagement d'effectuer cette réforme « dès la première année du mandat , Mais le caucus péquiste a plutôt bloqué le projet de loi que le premier ministre Lévesque s'apprêtait à présenter à l'Assemblée nationale en mars 1984 même si le programme du parti contenait cet engagement depuis 1969.
Le PQ veut ajouter plusieurs députés, mais combien ?
Par ailleurs, M. Rebello, a proposé « la mise en place d'un mode de scrutin mixte à compensation nationale selon les modalités suivantes: le maintien des 125 circonscriptions actuelles et l'élection d'autant de députés à la pluralité des voix ; l'ajout d'un nombre de sièges de compensation à déterminer avec un seuil d'obtention d'un siège de 4 % ; l'élection des députés de compensation à l'aide d'un deuxième vote sur des listes prévoyant une distribution régionale dans 17 régions administratives du Québec avec un nombre de sièges de liste par régions variable tout en s'assurant de la parité hommes-femmes. ».
Le porte-parole du Parti québécois m'a pas voulu préciser combien de sièges de compensation impliquerait sa proposition ni quel serait le ratio entre les types de sièges préférant « s'en tenir au niveau des principes pour le moment ». On sait que l'avant-projet de loi libéral propose 77 sièges de circonscription et 50 de compensation pour un total de 127 ; ce qui établit un ratio voisin de 60% /40%. Il est généralement reconnu par les experts en modes de scrutin que ce ratio est le minimum pour pouvoir obtenir une correction complète des distorsions causées par le scrutin majoritaire. Si on applique ce ratio minimum à la proposition péquiste, on aurait une Assemblée nationale composée de 208 députés au lieu des 125 actuels, soit 125 de circonscriptions et 83 de compensation !
En appui à cette proposition, le mémoire péquiste cite l'exemple de la Suède où le Parlement compte 349 députés. « Si on appliquait le ratio de la Suède, le Québec compterait 300 députés », affirme le document qui ajoute qu'en Nouvelle-Zélande il y a 121 députés pour la moitié moins d'électeurs qu'au Québec. Le PQ est le seul parti à proposer une augmentation aussi substantielle du nombre de députés. Les autres - ainsi que la très grande majorité des groupes et des individus ayant participé à la consultation - proposent un nombre de sièges voisin des 125 existant actuellement.
Faire participer les citoyens à la préparation du référendum qui devrait avoir lieu au cours de la prochaine année
Québec solidaire, qui a également présenté un mémoire le 11, a insisté sur la nécessité d'un référendum pour faire trancher la population. De plus, il ne veut pas que les parlementaires soient les seuls responsables du dossier d'ici la tenue de cette éventuelle consultation populaire. La présidente du parti, Alexa Conradi, a suggéré à ce sujet que le comité citoyen - qui a assisté la commission parlementaire jusqu'ici- participe « au minimum » au développement de la question, ainsi qu'à la mise en forme et de la préparation du débat qui va avoir lieu Elle a précisé : « Il me semble que la participation citoyenne et notamment le comité citoyen pourraient avoir un rôle de préparation du débat public avant même la tenue d'un référendum dans la sensibilisation et dans la préparation de cette consultation (...) pour s'assurer aussi que dans la population on n'ait pas l'impression que cette réforme avantagera un groupe plus qu'un autre. Il me semble que dans cette question-là, qui est très sensible, on sera toujours mieux servi si on élargit la consultation au-delà des partis politiques ».
Interrogée par le député libéral Gabias pour savoir si Québec solidaire préférait, comme le PQ, attendre l'accession du Québec à la souveraineté pour réformer le mode de scrutin ou voudrait qu'on passe à l'action immédiatement, la porte-parole du parti, Françoise David, a naturellement choisi la deuxième option souhaitant que le référendum ait lieu au cours de la prochaine année sans attendre les prochaines élections : « Tout souverainistes que nous sommes, nous ne pensons pas qu'il faille attendre ce jour où le peuple du Québec aurait décidé de devenir un pays souverain. On aurait aimé qu'un mode de scrutin faisant place à la proportionnelle soit mis en place pour les prochaines élections (,,.) Pourquoi diable faudrait-il attendre? Lorsqu'on veut procéder à des changements majeurs dans la vie politique d'une population, que l'on parle de changements démocratiques ou que l'on parle de changements constitutionnels, il faut être à la fois pressés et peu pressés, c'est-à-dire pressés de mettre les choses en route, pressés de consulter la population, de le faire correctement, et en même temps prendre le temps nécessaire pour qu'elles se fassent, ces réflexions-là, (...) Mais nous pensons que le plus vite nous pourrons avoir un mode de scrutin reflétant davantage l'ensemble des tendances politiques au Québec le mieux ce sera », a-t-elle précisé.
L'ADQ rejette les incitatifs financiers pour favoriser l'égalité des femmes
Un autre élément qui ne contribuera certes pas à la formation d'un éventuel consensus entre les parlementaires est l'opposition que l'Action démocratique a fait connaître, le 11, aux incitatifs financiers que l'avant-projet de loi propose pour favoriser l'égalité des femmes quant à la représentation politique, ainsi que l'équité dans la représentation des groupes ethnoculturels. Ces incitatifs ont reçu un accueil très largement majoritaire de la part des organismes et des personnes qui ont participé à la consultation. Plusieurs ont même suggéré de les bonifier.
La porte-parole de l'ADQ, l'avocate Catherine Morissette a dit que le parti était d'accord avec l'objectif mais qu'il ne croyait pas que ce soit la bonne solution parce que ce genre de quota transformerait les candidates en « femmes alibi ». Elle a précisé : « Au Québec, les partis politiques n'ont pas besoin d'incitatifs économiques ou autres pour présenter des candidats féminins ou issus de minorités culturelles, car politiquement, il est très payant de s'identifier à ces groupes. Ce sont plutôt ces personnes qui ne répondent pas à l'appel. Il faudrait plutôt se questionner sur les raisons qui empêchent ces gens de se porter candidats. Les raisons seraient très certainement d'ordre personnel et ou familial. À titre d'incitatif, une réforme parlementaire axée, par exemple sur la conciliation travail-famille serait beaucoup plus efficace ». a-t-elle précisé.
Par ailleurs, l'Action démocratique s'est jointe à Québec solidaire pour réclamer l'alternance obligatoire hommes-femmes sur les listes de candidatures des partis, mesure qui ressemble à un quota a noté Yohanna Loucheur, membre du Comité citoyen. À ce sujet, Québec solidaire veut que ce soit une femme qui soit en tête de liste dans 50% des cas si le nouveau mode de scrutin prévoit une compensation régionale L'ADQ s'est aussi jointe au Parti québécois et à Québec solidaire pour obliger les partis à se doter d'un plan d'action afin d'atteindre l'égalité de représentation pour les femmes. De plus, afin d'encourager les femmes à faire leur entrée en politique, le PQ demande un remboursement des dépenses acquittées par les candidates à l'occasion de leur première mise en candidature.
Publié par Paul Cliche le 13 avril 2006

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Membre fondateur du Mouvement pour une démocratie nouvelle et auteur du livre Pour une réduction du déficit démocratique: le scrutin proportionnel ; membre de Québec Solidaire; membre d’ATTAC Québec; membre à vie de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal.





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