Aucun processus indépendantiste n’est légal. Justifiés par le principe d¹intégrité territoriale, les états scindés changeront leurs lois pour prévenir leur morcellement. Dans un texte publié sur Vigile, le 21 février dernier, l’ex-Ministre des affaires intergouvernementales, Claude Morin, émettait de sérieuses réserves par rapport à l’acquisition de l’indépendance du Québec par rapatriement unilatéral de pouvoirs. Dans son argumentaire, Monsieur Morin utilisait principalement un respect légaliste du cadre constitutionnel canadien. Nous tenterons, dans ce texte, de démontrer que ce respect légaliste n’est pas justifié. Puis nous tenterons d’élaborer un plan qui, espérons-le, formera une base de départ pour une discussion plus libérée de nos entraves canadiennes.
Un vide constitutionnel
Aucun premier ministre du Québec n’a signé la Constitution du Canada. Pis encore, toutes les annexes de cette Constitution sont en anglais et n’ont jamais été adoptées en français. En 1982, le Canada est devenu indépendant. Il a sectionné pratiquement tous les liens avec le Royaume-Uni. Ce faisait, il a exclu le Québec de ce processus et a l’a laissé dans les limbes constitutionnelles. Rapidement et proactivement, le gouvernement fédéral a imposé son ordre juridique au Québec en utilisant la cour suprême. Toutefois, cet ordre est basé uniquement sur des traditions, des coutumes, des habitudes, mais surtout, le respect des Québécois vis-à-vis de leurs maîtres. Toutefois, le Gouvernement canadien cache une réalité désolante : Le Québec ne s’est jamais doté ni n’a adhéré à aucune constitution.
La séparation des pouvoirs s’élabore sur trois pouvoirs principaux : législatif, judiciaire et exécutif. Or nous devons constater à regret que les Québécois n’ont de contrôle que sur le pouvoir législatif (1). Chaque projet de loi québécois, pour devenir loi, doit être signée par un représentant du Canada. Les juges du Québec sont nommés, en partie, par le Canada. Puis, chaque décision de ces juges peut être appelée devant la Cour suprême du Canada. Cette situation a mené, entre autres, les Cours du Québec et la Cour suprême du Canada à violer les acquis de la Révolution tranquille et créer la crise sur les accommodements raisonnables.
Reconstruire le Québec
Le vide constitutionnel québécois doit être comblé par une Constitution québécoise omnipotente. Cette constitution doit faire table rase des Constitutions canadiennes. Elle doit permettre toute la flexibilité nécessaire pour que l’Assemblée nationale puisse rapatrier, un par un, les pouvoirs détenus de facto par Ottawa.
En adoptant une Constitution québécoise, imposant, entre autres, un système judiciaire québécois indépendant, un président du Québec élu, une Cour suprême du Québec, on évite les craintes légalistes de Monsieur Morin. On comble le vide juridique laissé par le mépris de Pierre-Elliott Trudeau. De plus, les craintes de dédoublement de frais mentionnées par Monsieur Morin restent, à ce stade, relativement mineures. En effet, en contrôlant le versement des salaires des juges et l’affectation des dossiers, Québec contrôle le cadre constitutionnel qu’ils appliqueront. De plus, un Président élu et une Cour suprême représenteront des frais qui seront relativement mineurs.
Cohésion, cohérence, carotte et bâton.
Une fois doté de systèmes judiciaires, exécutif et législatif indépendants, le Québec et ses organes (Municipalités, sociétés d’état, organismes subventionnés) auront un devoir de cohésion et de cohérence. C’est à dire, qu’ils devront ignorer le système judiciaire et exécutif canadien et appliquer uniquement le système québécois. Il devront former une masse impénétrable et donner l’exemple.
Le Québec aura un devoir de cohérence face à lui-même et appliquer l’ordre qu¹il aura créé. Rappelons que le gouvernement québécois est le plus grand employeur au Québec. Il possède un poids de facto très important. En imposant le respect au nouvel ordre constitutionnel, il créera une habitude.
L’important, dans ce processus, est de créer l’habitude législative du Québec indépendant. Une loi, sans application sur le terrain, n’est rien d¹autre qu’un bout de papier. À preuve, les gens roulent sur nos autoroutes à 115 km/h, pas à 100 km/h, sachant pertinemment que la sûreté du Québec n’appliquera le code de la sécurité routière qu’à partir de 120 km/h.
Heureusement, le Québec possède exclusivement le droit de faire appliquer les lois. Mentionnons que la Loi sur les huissiers de justice est une loi québécoise. Mentionnons également que la Sûreté du Québec et les forces de polices municipales, au Québec, sont d’allégeance québécoise. Le Procureur du Québec est chargé de faire appliquer le Code criminel du Canada. Ainsi, à toutes les étapes de son application, la loi canadienne, si elle veut être appliquée au Québec, doit passer entre les mains québécoises. En remplaçant le cadre canadien par le cadre québécois, on rend la loi canadienne désuète dans son application.
Je serai le premier à demander à mon employeur de ne plus prélever des impôts canadiens sur ma paie, sachant qu’aucun huissier de justice, aucune force policière ne viendra saisir mes biens. Concurremment, je serai le premier à demander à mon employeur d’augmenter mes impôts québécois, sachant que le gouvernement québécois sera en pleine possession des moyens pour appliquer les augmentations d’impôts reliés à son indépendance. Maintenant, imaginez un million d'indépendantistes demandant de cesser leurs cotisations d'assurance emploi et d’impôt fédéral !!! Cette stratégie a été adoptée par Gandhi, lors de la marche du sel et du Dharasana Satyagraha. Elle a été plutôt fructueuse.
De l’autre côté, il faudra créer des programmes à ce point avantageux qu’ils inciteront les citoyens à adopter le système constitutionnel québécois. On pourrait créer une Caisse d¹assurance emploi québécoise plus généreuse, un régime de pension plus généreux, etc. En développant l’appui populaire envers le nouvel ordre institutionnel et légal québécois, une nouvelle légitimité démocratique entièrement dédiée à l’État québécois se créera rapidement.
Conclusion
Le légalisme face à l’ordre constitutionnel canadien n’a pas lieu d’être. Jamais le Québec n’a adhéré à la Constitution canadienne. Il faut donc se départir des fantômes constitutionnels imposés par Ottawa. Le Québec, en employant tout son poids, possède les outils nécessaires pour adopter son propre cadre constitutionnel. Malheureusement, certains croiront que la population n’est pas prête à faire son indépendance, étape par étape, pas à pas. Certains veulent maintenir une gestion provincialiste de notre nation. D’autres veulent se complaire dans la critique péquiste pendant des décennies. Plusieurs sondages indiquent que la population est d’accord majoritairement (50 %+1) pour rapatrier les pouvoirs de l’état canadien. Ce sera lui faire honneur en adoptant un programme qui reflètera ses aspirations les plus légitimes.
Frédéric Picard - Membre de l’Union démocratique pour l’indépendance du Québec - UDIQ
(1) Ce pouvoir législatif lui même est contestable, les députés ayant l¹obligation de prêter serment à la reine du Canada. Ce lien a été particulièrement souligné par Daniel Turp
Refonder le Québec
Le vide constitutionnel québécois doit être comblé par une Constitution québécoise omnipotente
Tribune libre 2008
Frédéric Picard16 articles
St-Jean-Sur-Richelieu
Membre de l'Union démocratique pour l'indépendance du Québec (UDIQ)
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