Le détourneur

Comment QS ferme les yeux sur les idéaux républicains

Tribune libre

Dans une récente sortie, le co-porte-parole de Québec Solidaire et député de Mercier a déclaré que « La meilleure façon d'empêcher la corruption serait d'instaurer un mode de scrutin proportionnel ». Ce faisant, monsieur Khadir a fait une bien maladroite récupération de l’actualité politique pour justifier son agenda politique … à lui.
Il est vrai qu’un système porportionnel permettrait l’émergence de petits partis politiques. Qu’ils soient à gauche ou à droite. Toutefois, rien ne garde ces petits partis politiques de la corruption. Même si monsieur Khadir lave plus blanc que blanc ces temps-ci, rien ne garantit qu’il ne sera pas approché un jour par des gens voulant un retour d’ascenseur. Spécialement si la formation de monsieur Khadir s’approche du pouvoir. Un gouvernement de coalition peut être corrompu. Voir même plus facilement corrompu. En effet, un gouvernement de coalition comprend des ministres isolés, car ils ne partagent pas tous la même idéologie. Les ministères sont plus fixes, car la stabilité du gouvernement en dépend.
Isolés, assurés de leurs postes, chacun de leurs côtés, les ministres peuvent prendre encore plus de libertés pour leurs amis. Les faits tendent à démontrer cela. Israel, qui possède un système proportionnel comme le propose monsieur Khadir, vient au 33 e rang de corruption, selon Transparency international, soit entre les Émirats Arabes Unis et la Dominique. Le Canada figure au 9e rang, précédé par les pays nordiques, la Suisse, Singapour, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Dans cette optique, monsieur Khadir fait délibérément fausse route, afin de pouvoir justifier 5 % de députés solidaires à l’assemblée nationale. Monsieur Khadir récupère maladroitement l’actualité et sépare le pouvoir horizontalement. Il passe outre les idéaux républicains de base, soit le principe de séparation des pouvoirs. En effet, ce concept est inexistant au Québec. Il se fonde sur une méfiance viscérale des élus, des « choisis », des décideurs, de ceux qui veulent notre bien à notre place. Ce concept pulvérise donc le pouvoir verticalement.
Une ou préférablement plusieurs entités législatives, soit qui créent les lois. Une entité exécutive, qui agit au nom du gouvernement, et une entité judiciaire qui décide de l’application du pouvoir gouvernemental. En élisant chacun de ces organes directement ou indirectement, mais surtout en les confrontant (Check & Balance), on obtient une fine ligne, sur laquelle nos élus doivent marcher. S’ils en tombent, une autre branche du gouvernement va compenser, soit par véto, jugement, nomination, élection ou une loi.
Il est particulièrement approprié, dans cette mesure, de décaler les processus électifs afin de donner le pouvoir au peuple le plus souvent possible. Le but étant d’éviter de longues périodes sans que la population puisse se prononcer sur quoi que ce soit.
Monsieur Khadir est également muet sur les élections de rappel ou la possibilité de rappeller les lois et décrets gouvernementaux. Ces instruments de démocratie directe permettent au peuple de rappeler à l’ordre leurs élus et de les renverser, lorsqu’ils errent et ce, n’importe quand. Ainsi, les élus vivent en permanence avec une épée de Damoclès sur la tête, les forçant à la probité, la transparence et la volonté démocratique du peuple.
On oublie également qu’une loi sur l’accès à l’information qui a des dents, beaucoup plus agressive et large, permettrait de faire plus de lumière sur les actions gouvernementales et donc, de mieux déceler la corruption. Le peuple a droit de savoir ce qu'on fait avec ses impots. À ce jour, les instances gouvernementales sont très fortes sur le crayon noir, dès qu’il vient le temps de poser des questions. On a qu’à penser au dossier René Lévesque du SCRS, débloqué que tout récemment.
Monsieur Khadir fait fit finalement des disparités géographiques et culturelles à l’intérieur d’un pays aussi immense que le Québec. En privilégiant un mode de scrutin proportionnel, monsieur Khadir ne fait plus de place aux régions. Les enjeux régionaux n’ont plus aucun sens, seule l’idéologie compte. On met donc à risque l’unité et l’universalisme même du pays, au nom de ce que monsieur Khadir pense être une sous-représentation de son parti politique. Voir même, on abandonne les régions, au nom de la cité. Advenant que le projet de monsieur Khadir voit le jour, les ghettos de Montréal auraient beaucoup plus de pouvoir dans ce Québec « pluraliste » pour citer QS. Plus que jamais, QS se distance ainsi de l’universalisme républicain. Plus que jamais, le Québec serait divisé entre Montréal et le Reste du Québec et réfleterait le communautarisme des ghettos (anglophones ou allophones).
Bref, en réclamant la proportionnelle au moindre coup de vent, monsieur Khadir ignore les grands penseurs. Il priorise SON agenda. Il ignore le contexte international, notamment les démocraties directes comme la Suisse. Il continue de favoriser la chape de plomb gouvernementale sur l’information. Il ignore les disparités régionales du Québec, au nom d’un communautarisme "pluraliste" à l’arrière goût douteux, un communautarisme aux antipodes des idéaux républicains modernes. Plus fondamentalement, monsieur Khadir ignore le débat de fond sur les idéaux québécois : Désirons nous continuer dans le peace, order & Good government ? Ou adopter des valeurs plus proches de nous ? Comme la liberté, la poursuite du bonheur et l'égalité ?

Squared

Frédéric Picard16 articles

  • 13 105

St-Jean-Sur-Richelieu

Membre de l'Union démocratique pour l'indépendance du Québec (UDIQ)





Laissez un commentaire



7 commentaires

  • Jean-Nicolas Denis Répondre

    23 novembre 2009

    Bonjour,
    Je tiens à vous faire remarquer que QS ne propose pas de remplacer notre mode de scrutin (majoritaire uninominal à un tour) par un mode de scrutin proportionnel, mais plutôt d'y inclure un élément de proportionnel.
    Ce qui a été décidé au congrès d'orientation c'est qu'il y ait 40% des députés qui soient élus à la proportionnelle, pas un processus compensatoire : si un parti reçoit 20% du vote total, mais qu'il n'a que 15% des députés, cette différence sera compensée par les candidats sur une liste. Au final, le parti qui aura 20% des votes aura 20% des députés ; celui qui a 5% des votes en aura 5%.
    En plus, il a été décidé que la distribution des candidats de liste se fera en fonction du vote des régions. En d'autres mots, si une région supporte très peu le Parti indépendantiste, par exemple, il y aura très peu de candidats de liste qui proviendront de cette région. Si une région supporte fortement le Parti vert, autre exemple, il y aura plusieurs candidats de liste qui proviendront de cette région. Voilà un excellent moyen pour assurer un poids minimal pour les régions.
    De plus, il a aussi été décidé qu'une réforme de la carte électorale devrait prendre un peu plus en compte l'élément de territorialité que ce ne l'est présentement. En d'autres mots, si QS faisait une réforme de la carte électorale, ce parti s'assurerait que le poids des régions augmente, puis que les circonscriptions comme la Gaspésie ou la Côte-Nord soient plus petites et un peu plus nombreuses. Voilà un autre moyen visant à assurer un poids minimal, mais plus important, aux régions. C'est comme ça qu'on peut leur assurer une meilleure vivacité et respecter leur importance.
    Et finalement, il ne faut pas oublier que Québec solidaire est présentement le seul parti à favoriser une décentralisation responsable des pouvoirs vers les régions. Ça c’est clairement la solution la plus cohérente pour aider ces milieux en difficulté, en leur donnant les ressources nécessaires pour leurs nouvelles compétences. Présentement, il y a un phénomène de décentralisation, mais des pouvoirs seulement : les régions se retrouvent sans ressources pour y répondre… QS est le seul parti à s’intéresser à ce problème bien concret.
    Conclusion : sans vouloir juger les intentions de l'auteur, il me semble évident que la position de Québec solidaire y est très mal analysée. Il faudrait relire les discours des porte-parole, étudier les propositions dans la plate-forme électorale, prendre en compte les décisions qui ont été prises lors du congrès d'orientation, s’intéresser aux documents d’analyse disponibles sur le site du DGEQ, vérifier les résultats de la dernière commission parlementaire sur la réforme du mode de scrutin, s’intéresser à ce que défend le MDN depuis plusieurs années, etc.
    Si une telle analyse était faite, il apparaîtrait : 1) que Québec solidaire propose un mode de scrutin mixte compensatoire, 2) que ce mode de scrutin est suggéré par le DGEQ, 3) que le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) soutient depuis très longtemps ce mode de scrutin, 4) que lors de la commission parlementaire sur la réforme du mode de scrutin la très grande majorité des participants ont supporté ce mode de scrutin, 5) qu'il assurait une place un peu plus importante aux régions, 6) qu'il serait bien plus favorable à une démocratie participative et citoyenne, puis 7) qu'il aiderait à réduire efficacement le cynisme politique au Québec, en faisant disparaître cet affreux discours sur le vote stratégique.
    En plus, il ne faut pas oublier qu'au départ le Parti québécois favorisait lui aussi l'introduction d'éléments de proportionnelle dans notre mode de scrutin. Cette réforme pro-démocratie a été plus ou moins abandonnée lorsque les dirigeants du PQ se sont rendus compte qu'ils pouvaient profiter du mode de scrutin actuel... L'Action démocratique du Québec (ADQ) a aussi supporté une telle réforme en faveur de la proportionnelle. Néanmoins, ironiquement, eux aussi, se rendant compte que le statu quo pouvait les avantager, ont finalement renoncé à cette réforme. Et de son côté, le PLQ a aussi envisagé cette réforme il y a quelques années (Benoît Pelletier en était responsable). Néanmoins, l'idée fut encore une fois oubliée sur une tablette... C'est dire à quel point ces partis veulent mettre fin au cynisme, favoriser la participation des citoyens à la prise des décisions, viser une décentralisation responsable des compétences et des ressources, bref favoriser la démocratie dans notre belle société.
    Merci.
    Jean-Nicolas Denis

  • Nosco Répondre

    19 novembre 2009

    J’ajouterai que compte tenu des circonstances, l’objectif visé par le changement du mode de scrutin ne devrait pas être d’augmenter la représentation des petits partis, mais plutôt de réduire le cynisme de la population et d’augmenter le taux de participation. Le nouveau mode de scrutin devrait permettre la formation d’un gouvernement représentatif du choix de la population. Et ceci, en tenant compte des régions comme vous l’avez si bien expliqué.

    Le mode de scrutin proportionnel mixte et compensatoire proposé par Québec Solidaire est trop compliqué. Je crois qu’il faut chercher des solutions simples où l’électeur pourra comprendre la portée de son vote sans passer par une mathématique douteuse de type « boite noire ». Je ne suis pas un expert, mais pourquoi ne pas tout simplement ajouter un deuxième tour au système actuel? De cette manière, on serait certain que le ou la candidate serait élu(e) par la majorité de la population (>50%). Il me semble que de cette manière Tremblay aurait perdu ses élections et on aurait Harel ou Bergeron au pouvoir de la ville. Je crois qu’il serait plus facile de faire accepter ce concept plutôt que celui proposé par QS.

    Pour ceux qui cherchaient la proposition de QS, la voici :
    « Étant donné la tradition parlementaire inspirée du régime britannique d’élection uninominal à un tour et la volonté claire de la population de conserver un-e député-e de circonscription, Québec solidaire propose d’établir dès maintenant un nouveau mode de scrutin mixte et compensatoire. Ce nouveau mode de scrutin permettra l’élection de 60% de la députation selon le mode actuel (uninominal à un tour) et les autres 40% selon les résultats proportionnels des différents partis politiques au niveau national qui auront recueilli au moins 2% des voix totales. »
    « Les électeurs et les électrices voteront deux fois sur le même bulletin : une première pour élire leur député-e de circonscription et une seconde pour le parti politique de leur choix. Le ou la candidat-e ayant obtenu le plus de voix dans une circonscription donnée se verra attribuer un siège à l’Assemblée nationale. Les sièges de compensation seront répartis entre chaque parti sur une base régionale, selon une formule et des paramètres à être établis ultérieurement qui devront faire le plus large consensus et assurer aux citoyens et aux citoyennes d’au moins trois quarts des territoires électoraux, l’accès à plus de deux député-e-s de compensation. » http://programme.quebecsolidaire.net/contributions/vers_un_nouveau_mode_de_scrutin_et_14
    Nosco

  • Frédéric Picard Répondre

    18 novembre 2009

    Merci de vos commentaires,
    Je rajouterai que je me méfie à ce point des "gens qui veulent notre bien à notre place" que je crois que la démocratie et la transparence doit s'appliquer aux partis eux mêmes.
    Ainsi, ce n'est pas au partis de choisir leurs candidats dans leurs comtés, mais bien à la population. J'en ai raz le ponpon des parachutages, des copinages, des couronnements bidons et autres astuces d'apparatchiks grassement payés grace à nos cartes à 5 $ et aux spaghettis immondes.
    J'aime bien le système américain, où ce sont les états, voir les comtés qui choisissent leurs élus, via des primaires. Je n'aime pas les caucus, par contre, car ce sont des processus facilement biaisables.
    Ainsi, les investitures, voir les courses à la chefferie devraient être supervisées par le DGEQ. De telle façon que cela permettrait à certains de pouvoir opérer à l'intérieur des partis, sans forcément être d'accord avec le cheuf. On permettrait ainsi des débats internes et de déceller la corruption à l'intérieur même des partis, via un financement interne connu. On aurait une saine démocratie et des palettes d'opinions diverses à l'intérieur même des partis.

  • Raymond Poulin Répondre

    17 novembre 2009

    La proportionnelle, partout où elle est appliquée, souffre d’au mois quelques graves défauts.
    a) Il faut établir un scrutin de liste et non par comté, de sorte que chaque parti présente X candidats sur la liste; or qui choisit le rang de chacun sur la liste? Le parti, de sorte que chacun doit avant tout son élection à la place que lui a assignée le parti sur la liste et non directement à ses électeurs, qui votent pour un parti et non pour un candidat nommément désigné. Ce défaut peut être partiellement corrigé par ce qu’on appelle un vote de préférence.
    b) La proportionnelle aboutit pratiquement toujours à des gouvernements de coalition, où chaque parti doit diluer son programme de gouvernement jusqu’à ne plus le reconnaître. Le programme du gouvernement ainsi formé devient un patchwork : un petit peu pour tous, presque jamais de mesures substantielles.
    c) Pour conserver leur accès au pouvoir, les partis formant la coalition comprennent rapidement qu’il leur faut se soutenir mutuellement. À moins de circonstances ou d’événements graves qui frappent durablement l’opinion publique, la coalition perdure d’élection en élection.
    d) Dans un pays comme le Québec, où une minorité importante peut influer notablement sur le résultat global en appuyant presque à 100% le parti qui se l’attache, la proportionnelle, mathématiquement, assure une rente de situation à ce parti, qui sera encore plus facilement élu qu’il ne l’est dans un scrutin uninominal, que ce scrutin soit à un tour ou à deux tours.

  • Marcel Haché Répondre

    17 novembre 2009

    Un député ou cinq,quelle différence pour Q.S.?Pour le P.Q. ? Pour le P.I.?
    Ce qui est important,c'est la véracité et la pertinence d'un discours.Si l'opposition ne peut se manifester à l'intérieure de l'Assemblée Nationale,si elle est crédible et pertinente,elle se fera entendre `l'extérieur du parlement.
    René Lévesque a été le chef du P.Q.particulièrement redoutable au moment de la montée du P.Q. sans pour autant être un élu.
    Que dire d'une poignée de députés péquistes en face d'une centaines de députés libéraux.Le discours de ces quelques députés était vrai et pertinent.
    Ce n'est pas pareil pour Khadir et Q.S.,évidemment.Pour le parti de la perfection,cela prendrait rien de moins qu'une Assemblée parfaite.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    17 novembre 2009

    @ Frédéric Picard:
    Dans le système actuel, il y a des candidats, des aspirants députés, pour chaque comté. Et le parti qui remporte le plus de comtés, est celui qui aura le privilège den gouverner.
    Vous écrivez qu'Amir Khadir nous dit que «la meilleure façon d’empêcher la corruption serait d’instaurer un mode de scrutin proportionnel»...
    Mais que veut-on dire exactement, par mode de scrutin proportionnel , et en quoi serait-ce si différent du système en vigueur aujourd'hui?
    Je ne suis pas expert de la question, mais il est vrai que Québec Solidaire semble y tenir mordicus, à ce mode de scrutin. Mais pourquoi?
    En outre, je me dis qu'avant de créer un tel changement, il faut toujours penser à ce que ça impliquerait, politiquement... Par exemple, est-ce que cela pourrait donner plus de poids au vote anglophone ou allophone, dans le cadre de futures élections?

  • Archives de Vigile Répondre

    17 novembre 2009

    Où Khadir veut-il nous amener ?
    C'est plutôt nébuleux : peut-être une république socialiste mondialiste !
    « Christophe Colomb fut le premier socialiste : il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait... et il faisait tout ça aux frais du contribuable. »
    Winston Churchill