Le Québec résiste mieux à la crise mondiale que les États-Unis, ou que son éternelle rivale ontarienne. L'emploi a augmenté en novembre au Québec quand il plongeait en Ontario. Les spécialistes prévoient une récession technique pour le Québec, tandis que l'économie ontarienne sera clairement en recul.
Comment se fait-il que notre économie, dont la performance n'est pas exceptionnelle, semble vouloir s'en tirer relativement bien, ou plutôt moins mal? Je vous propose les fruits de ma réflexion sur le sujet, et quelques pistes d'explication de l'exception québécoise.
Le bouclier canadien. Il y a d'abord un phénomène canadien, dont le Québec profite comme la plupart des régions, à l'exception notable de l'Ontario. Le Canada résiste à la crise mieux que la plupart des pays industrialisés notamment parce que son système bancaire a échappé aux pires dérapages. Ici, les consommateurs n'ont pas été appauvris par du chômage massif ou une crise de l'immobilier. Les gens sont inquiets et prudents, mais ils ont autant d'argent dans leurs poches que l'an dernier, ce qui explique qu'il n'y a pas eu d'effondrement de la demande domestique.
Les limites de la dépendance. Le choc de la crise pour le Québec s'exprime surtout par nos exportations vers les États-Unis, notre principal marché extérieur qui compte pour le quart de notre activité économique. Mais même en récession, les Américains continuent d'acheter. Durant les 10 premiers mois de cette année, les exportations québécoises ont augmenté de 2,5%. C'est moins que d'habitude, certaines industries sont plus touchées, mais ce n'est pas une chute. N'oublions pas non plus qu'une baisse de 1% de nos exportations vers les États-Unis représente seulement un recul de 0,25% de notre PIB.
Le facteur temps. Une partie du choc de la crise américaine a déjà été absorbée. La crise immobilière et l'effondrement de l'industrie de la construction ont frappé il y a deux ans, avec un impact majeur sur notre industrie forestière. De la même façon, l'industrie manufacturière a été mise à mal par la hausse brutale du dollar canadien en 2006 et 2007, avec des pertes d'emplois importantes. Tant et si bien que les entreprises qui ont survécu à ce choc sont en bonne position pour résister.
La dévaluation du dollar. L'impact négatif de la contraction de la demande américaine a été compensé par la dévaluation importante du dollar canadien. À parité en début d'année, il est maintenant aux alentours de 80 cents. Cela peut permettre à nos exportateurs de réduire leurs prix aux États-Unis, et de maintenir leur volume de ventes.
La structure industrielle. Les industries sont affectées très différemment par la conjoncture. L'automobile est en crise, l'aérospatiale est encore en essor. L'Ontario, où se concentre l'industrie automobile, est donc frappée de plein fouet. Tandis qu'au Québec, grâce à l'aéronautique, les ventes manufacturières étaient en hausse au Québec en octobre.
Notre médiocrité relative. Les régions canadiennes les plus touchées sont celles qui ont connu l'euphorie économique des dernières années. L'Alberta est touchée par la baisse du prix du brut. Toronto, notre capitale financière, a roulé sur l'or en profitant abondamment de la frénésie financière. Parce qu'elle n'a pas connu de sommet, Montréal, qui n'est ni un grand centre financier ni un producteur pétrolier, ne peut pas tomber de haut. On le voit par le prix des maisons, qui augmente encore à Montréal, mais pas à Toronto ou à Calgary.
Le déclin démographique. Le Québec arrive au stade où sa population active va baisser. On connaît donc des pénuries d'emplois dans plusieurs industries, régions et métiers. Cette rareté de la main-d'oeuvre permet d'atténuer l'impact de la tourmente sur le marché du travail.
Les politiques gouvernementales. Tout le monde parle de l'importance d'injecter des fonds publics pour contrer le ralentissement, notamment par des travaux d'infrastructure. Le problème, c'est que les bulldozers risquent de se mettre à rouler quand la récession sera terminée. Sauf au Québec où le gouvernement Charest a annoncé il y a un an et demi un très vaste programme d'infrastructures qui a atteint son rythme de croisière à temps pour atténuer les effets du ralentissement.
Ces facteurs permettent de comprendre pourquoi le Québec a mieux résisté jusqu'ici. Est-ce que cela signifie que le choc de la crise sera moins fort ici, ou qu'il sera seulement retardé? Je penche pour la première hypothèse. Et c'est ma façon de vous souhaiter de joyeuses Fêtes.
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