Commission Bastarache

Qui dit vrai ?*

La version du clan Charest a-t-elle été forgée?

Chronique de Louis Lapointe

On m’a fait remarquer à juste titre que certaines contradictions dans les témoignages entre les camps Bellemare et Charest étaient tellement profondes qu’elles supposaient que l’un ou l’autre des protagonistes ait pu mentir. Un problème que j’ai soulevé dès le début des auditions de la commission sur la nomination des juges dans une chronique intitulée Quand le piège à cons se referme sur Jean Charest.
La récente découverte de l’agenda de Marc Bellemare par son épouse, la bâtonnière de Québec, Me Lu Chan Khuong, vient non seulement renforcer cette perception dans l’opinion publique, mais également accréditer la thèse selon laquelle Marc Bellemare aurait bel et bien rencontré Franco Fava à plusieurs reprises de même que Jean Charest à son bureau le soir du 2 septembre 2003, remettant ainsi en question les témoignages de ces derniers qui ont catégoriquement nié que de telles rencontres, où il aurait été question de nomination d’amis du PLQ à des postes de juges, aient pu avoir lieu.
Si la découverte de l’agenda de Marc Bellemare vient jeter un doute sur la sincérité de Jean Charest et de son entourage, elle soulève également de nombreuses questions d'ordre éthique et déontologique sur le rôle des avocats dans la préparation des principaux témoins qui soutiennent unanimement la thèse selon laquelle Marc Bellemare serait l’unique artisan de son propre malheur. La version du clan Charest serait-elle le fait d'avocats ou de spécialistes en relations publiques?**
Comme je le démontrais dans une récente chronique, Tous pour un!, la théorie de la cause du clan Charest consisterait essentiellement à établir que Marc Bellemare a accepté de nommer des libéraux à des postes de juges pour que sa réforme sur les tribunaux administratifs soit adoptée. Il n’y aurait eu aucune pression indue exercée par Jean Charest, des ministres et des organisateurs libéraux à l’endroit de Marc Bellemare, l'inverse de ce que ce dernier soutient.
Si Marc Bellemare dit la vérité lorsqu’il affirme sous serment qu’il a subi des pressions du premier ministre et des argentiers du parti libéral du Québec, ces derniers se seraient donc parjurés devant le commissaire Bastarache lorsqu’ils ont témoigné du contraire. Si tous ces témoins mentent sans se contredire avec autant d’aplomb, il a bien fallu que quelqu’un coordonne leurs témoignages !
Se pose alors l’inévitable question de la préparation des témoignages des témoins du clan Charest. Ont-ils été forgé et si c’est le cas, par qui ? Chose certaine, force nous est de constater que les témoins qui sont à l’origine de la théorie de la cause du camp Charest connaissaient très bien leur droit ! Le jupon ne dépasserait-t-il pas un peu trop, comme je l'illustrais ironiquement dans ma chronique du 24 septembre 2010, La commission Charest?
Malheureusement pour les collaborateurs du premier ministre, c’était avant que l’on découvre l’agenda de Marc Bellemare, un document qui, s’il s’avère authentique, remet non seulement en question la sincérité de Jean Charest et Franco Fava, deux avocats, mais soulèvent également plusieurs questions d’ordre éthique et déontologique sur la préparation de leurs témoignages. Ont-ils été forgés avec l’aide d’autres avocats ?
*Titre d'une émission de Télé-Métropole animée par Serge Bélair, décédé hier.
**La culture du secret

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 octobre 2010

    M. Lapointe, je partage votre analyse.
    Vous dîtes dans votre analyse : Si Marc Bellemare dit la vérité lorsqu’il affirme sous serment qu’il a subi des pressions du premier ministre et des argentiers du parti libéral du Québec,…N’ayant pas suivi tous les travaux de la Commission Bastarache, je me demande si le terme pression a été ou non défini. J’ai parfois l’impression que les gens d’influence auprès du gouvernement actuel et de leur ami Jean Charest ont une définition très différente de ce mot. Qu’un solliciteur de fonds du parti recommande un individu pour une nomination à titre de juge ne constitue pas pour eux une pression sur le ministre de la justice ou sur le premier ministre. C’est normal selon ce qu’on entend à la Commission, donc ce n’est pas une pression. Qu’est-ce qu’une pression exercée sur un ministre selon le juge Bastarache ? Je n’en ai aucune idée. Qu’est-ce qu’une pression sur un ministre pour les avocats présents à la Commission ? Je n’en ai aucune idée. On parle de quoi ? En plus, le juge Bastarache doit trancher pour dire s’il y a eu des pressions ou non alors que je ne sais pas clairement de quoi parle les uns et les autres ni le juge qui préside la commission. À moins que ce terme ait été clairement défini au départ et que j’en ai manqué l’explication. Merci pour votre article des plus intéressant.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 septembre 2010

    Ce sont tous des fédéralistes libéraux.
    Qu'ils se dévorent entre eux, quant à moi.