Après onze ans d’hibernation politique, Michel Gauthier sort de sa grotte pour s’afficher partisan des conservateurs. Y a-t-il vraiment de quoi justifier toute l’effervescence enregistrée dans certains médias? Il y a très peu de gens qui se souciaient de l’opinion de l’ancien député péquiste et bloquiste la semaine dernière et il y a fort à parier qu’il en sera à nouveau ainsi la semaine prochaine.
C’est l’approche centralisatrice du gouvernement Trudeau qui aurait fait sortir l’intéressé de sa tanière pour venir vanter les mérites des gouvernements Mulroney et Harper qui, de son point de vue, traitaient mieux le Québec. Il semble que son hibernation ne lui a pas permis d’observer la dernière élection fédérale avec la ruée massive des Québécois vers le Parti libéral du Canada qui ont préféré tourner le dos aux néo-démocrates et aux bloquistes pour être sûr de se débarrasser de Stephen Harper.
Les penchants conservateurs de Gauthier devaient déjà être présents lorsqu’il était député. Il faut se rappeler que c’est Lucien Bouchard, député conservateur déçu du rejet de Meech, qui a fondé le Bloc avec quelques autres députés de même couleur, exception faite de Jean Lapierre et Gilles Rocheleau qui provenaient des libéraux. Quant au Parti québécois des années 80, il se présentait comme une coalition arc-en-ciel qui regroupait des candidats de différentes tendances dans le spectre politique gauche-droite. Il ne faudrait donc pas voir dans la sortie de Gauthier un virage idéologique, mais beaucoup plus sa renonciation personnelle au projet souverainiste en tentant de l’expliquer par le désengagement des autres.
Je suis loin d’être certain qu’il aurait eu droit au même espace médiatique s’il avait annoncé qu’il joignait les néo-démocrates ou qu’il retournait au Bloc. Les pérégrinations des partis indépendantistes ont le don de faire jaser beaucoup alors que celles des partis fédéralistes se perdent rapidement dans le décor. Avec le tiers de la population québécoise favorable à la souveraineté, Michel Gauthier aurait pu choisir de sauter dans la mêlée en affirmant vouloir raviver le projet indépendantiste, mais il n’aurait pas eu toute l’attention qu’il s’est mérité en faisant ses « sparages » au congrès conservateur.
Faute d’un Québec qui assume entièrement son destin, Justin Trudeau constitue un choix de moindre mal par rapport aux conservateurs d’Andrew Scheer et leur relent de droite religieuse. La détermination du premier ministre canadien à vouloir autoriser la culture du cannabis à son domicile, malgré les volontés contraires du Québec et du Manitoba, se révèle un des sujets épineux qui ont suscité la gronde de l’ex-chef bloquiste. Il a droit à son opinion, mais cette querelle entre Ottawa et Québec ne saurait justifier un retour en arrière avec les conservateurs.
L’ex-député pourra continuer de grommeler s’il ne souhaite pas retourner à son hibernation, mais je doute fortement de son influence sur la suite du monde.