Dominique Strauss-Kahn a été inculpé dimanche aux États-Unis. Il a été relâché hier, après avoir payé une caution d’un million de dollars.
Photo : Agence Reuters Mike Segar
Au-delà de sa dimension humaine et éthique, l'affaire DSK aura très certainement un impact significatif sur l'élection présidentielle française prévue en 2012. Déjà, depuis quelques jours, les principales forces politiques tentent de réagir à l'événement en s'efforçant de ne pas commettre de maladresses dans un dossier pour le moins délicat. Le retrait plausible de la candidature de DSK ouvre la porte à des élections mouvementées qui pourraient se traduire par des résultats surprenants et imprévisibles.
Bref, même s'il est encore difficile de mesurer l'impact de cette «affaire» sur l'ancien ministre des Finances de Lionel Jospin, force est de constater que les partis politiques, eux, n'ont pas le temps d'attendre la fin des procédures judiciaires. En ce sens, la scabreuse histoire de DSK aura eu pour effet de précipiter les hostilités en vue de l'élection présidentielle de 2012.
Une gauche divisée
Depuis la fin de la dernière période de cohabitation en 2002, la gauche est de plus en plus divisée, incapable de proposer une solution de rechange crédible à une droite qui, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, a fait preuve d'une solidarité partisane à la «britannique». D'ailleurs, la droite française est aujourd'hui unifiée sous un seul parti politique, l'UMP, et n'est plus une grande coalition comme au temps du RPR et de l'UDF. La droite semble donc avoir appris des grandes divisions des années 1990 qui ont opposé Édouard Balladur et Jacques Chirac.
Si la gauche, avec le Parti socialiste, est elle aussi relativement unifiée, elle est aux prises depuis maintenant presque 10 ans avec des luttes fratricides qui viennent miner ses chances de remporter l'élection présidentielle. Rappelons qu'il y a maintenant près de 16 ans que le Parti socialiste n'a pas remporté l'élection présidentielle, et que la nouvelle génération de Français qui ira voter en 2012 a bien peu connu l'époque de François Mitterrand.
En fait, depuis 2007, le Parti socialiste fait régulièrement les manchettes en raison de son incapacité à se trouver un chef qui saura les mener à la victoire. On peut penser, entre autres, à la contestation de l'élection de Martine Aubry au poste de premier secrétaire du Parti socialiste ou encore à la séparation fracassante de Ségolène Royal et François Hollande. C'est sans doute là que le retrait de Dominique Strauss-Kahn pourrait causer le plus de dommages. En effet, l'ancien directeur général du FMI était jusqu'à présent le seul candidat potentiel qui avait réussi dans les sondages à dominer la droite et à unifier la gauche.
La chute du président-soleil
Malgré quelques difficultés, la gauche demeure cependant en bonne posture en prévision de 2012. C'est que la droite traîne maintenant un bilan de plus en plus difficile à porter. Nicolas Sarkozy, le président de tous les espoirs, celui qui devait réformer une fois pour toutes une France qu'il jugeait sclérosée, n'a, à l'évidence, pas réussi à répondre aux attentes.
Au plus bas dans les sondages et aux prises avec un taux de satisfaction au plancher depuis plusieurs années, on voit mal comment Sarkozy pourrait inverser la tendance. La chute du président «surpuissant» est donc prévisible, mais l'affaire DSK ranime la possibilité de gagner à l'arraché grâce à une division possible des forces de gauche, comme cela s'était produit en 2002. Il ne faut donc pas enterrer trop vite celui que l'on surnomme le «président-soleil» et qui a déjà réussi, dans le passé, à ressusciter sa carrière politique. Plus disciplinée et mieux structurée, l'UMP est sans doute une machine de guerre plus redoutable que le Parti socialiste, ce qui devrait aider le président Sarkozy lors des élections de 2012.
«L'effet» Marine Le Pen
Celle qui pourrait peut-être le plus profiter de l'affaire DSK est Marine Le Pen, la leader du Front national. Depuis qu'elle a remplacé son père à la tête du parti d'extrême droite, on peut remarquer un certain engouement pour les idées qu'elle défend. Moins radicale que son père, à tout le moins dans ses discours publics, Marine Le Pen cristallise avec succès la méfiance grandissante des Français à l'endroit de la classe politique.
Là aussi, l'affaire DSK pourrait influencer les événements, puisque l'ancien ministre des Finances représente à merveille les excès de la classe politique française. Coureur de jupons avoué et marié avec la célèbre journaliste Anne Sinclair, DSK est en quelque sorte l'image de ce que dénonce le Front national de Marine Le Pen.
Déçue par un président qui n'a pas rempli ses promesses et méfiante à l'endroit d'une gauche divisée, une partie de l'électorat français pourrait se ranger derrière Marine Le Pen. En s'assurant d'avoir un discours plus «centriste», la leader du Front national pourrait donc venir brouiller les cartes, comme l'avait fait son père lors de l'élection présidentielle de 2002. Même si les plus récents sondages le donnent toujours troisième, le Front national n'est qu'à quelques points d'exclure Sarkozy du deuxième tour. L'affaire DSK relance donc les dés... Tout est encore possible!
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Antonin-Xavier Fournier - Auteur de La Dynamique du pouvoir sous la Ve République (PUQ)
Affaire DSK
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