Québec solidaire et la discrimination positive

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Déconstruire les quotas ethniques des solidaires

Ainsi, s’il formait le prochain gouvernement, Québec solidaire s’engagerait à ce que 25% des nouvelles embauches de la fonction publique soient des personnes appartenant à un groupe de minorité visible. Cette mesure viserait à ce que ces groupes soient représentés adéquatement dans l’appareil gouvernemental.


Le calcul de QS est bien simple, les minorités visibles forment 13% de la population, mais seulement 9,4% des fonctionnaires. Ils sont donc sous-représentés, et il faudrait par conséquent mettre des mesures contraignantes de discrimination positive pour rééquilibrer la situation. Plusieurs facteurs sont cependant oubliés dans cette équation.


Un premier point important à rappeler : la fonction publique n’est plus ce qu’elle était. Accepter de travailler dans la fonction publique québécoise, c’est généralement accepter un salaire nettement moindre que dans le privé ou dans la fonction publique fédérale. Une sous-représentation d’un groupe dans une catégorie d’emplois offrant de moins bonnes conditions de travail qu’ailleurs n’est donc évidemment pas nécessairement une mauvaise chose pour ce groupe, et encore moins un signe de discrimination à l’embauche nécessitant de sévères mesures coercitives. D’ailleurs, si les anglophones (même bilingues) sont également sous-représentés dans la fonction publique du Québec, on peut penser que c’est en grande partie parce qu’il est nettement plus intéressant pour eux de travailler en anglais à Ottawa qu’en français à Québec pour un revenu moindre. Les personnes plus susceptibles d’accepter des conditions de travail moins intéressantes sont donc généralement celles trouvant d’autres intérêts à ce type d’emploi, par exemple, la localisation géographique.


Ceci nous amène au deuxième point : les emplois de la fonction publique provinciale sont concentrés à Québec, alors que les minorités visibles habitent en grande majorité la région de Montréal. En effet, la proportion de minorités visibles dans la région métropolitaine de Québec n’est que de 5%. Nécessairement, étant donné cette inadéquation entre la répartition géographique des emplois de la fonction publique et le lieu de résidence des minorités visibles, la proportion de candidatures provenant de ces groupes sera nécessairement moins élevée. Dans un tel contexte, il n’est pas raisonnable de s’attendre à une juste représentation de ces groupes dans la fonction publique.


Troisième point, les qualifications des minorités visibles et des Blancs ne sont pas les mêmes. Entre autres, l’une des qualifications essentielles pour travailler dans la fonction publique du Québec est évidemment d’avoir une connaissance du français. Or, environ 20% des minorités ne parlent pas français (contre 4% chez les personnes n’appartenant pas un à groupe de minorité visible). Bref, il serait préférable de regarder les minorités visibles ayant un profil adéquat pour être embauchées dans la fonction publique (en fonction de l’âge, du diplôme, de la connaissance du français, etc.) plutôt que l’ensemble des minorités visibles.


Quatrième point, une grande partie des fonctionnaires ont été embauchés il y a plusieurs années, alors que la proportion de minorités visibles au Québec était moins élevée. Le portrait démographique des fonctionnaires en poste, nécessairement, reflète donc une autre époque. Pour avoir un portrait plus juste de l’égalité dans l’accès aux emplois de la fonction, il serait plus avisé de regarder la proportion de minorités visibles parmi les nouvelles embauches plutôt que parmi les gens déjà embauchés.


Les mesures sévères de discrimination positive telles que proposées par QS devraient être le dernier recours pour corriger une injustice, car ces mesures impliquent de prendre en compte des caractéristiques ethniques dans les critères d’embauche. S’il y a une démonstration convaincante de présence de discrimination à l’embauche, des mesures coercitives peuvent être justifiées. Une analyse simpliste de la représentativité de certains groupes dans les postes de la fonction publique (dont les conditions de travail ne sont même pas très enviables, de surcroît) n’est pas suffisante pour justifier de telles mesures.