Présenté par les dirigeants européens comme un nouvel «accord modèle» de libre-échange, le traité commercial entre le Canada et l’UE (CETA), approuvé mercredi par le Parlement européen, se heurte à de vives oppositions.
Ses adversaires le jugent antidémocratique, trop favorable aux multinationales, léger sur l’environnement, ou encore dangereux pour l’agriculture européenne.
Négocié pendant sept ans, cet épais document de plus de 1600 pages baptisé Accord économique et commercial global (AECG, en anglais CETA) ferait progresser de 25 % le commerce de l’Union avec le Canada, son 12e partenaire commercial, faisant croître le PIB européen d’environ 12 milliards d’euros par an, selon les estimations de Bruxelles. Un chiffre qui reste à comparer aux 14 600 milliards d’euros de PIB de l’UE en 2015.
Ses dispositions
► Abolition de plus de 99 % des droits de douane entre le Canada et l'Europe.
► Parmi les exceptions au traité: certains produits agricoles, comme les viandes bovines et porcines, dans le sens Canada-UE, qui resteront soumises à des quotas.
► Protection supplémentaire à 143 origines géographiques spécifiques (AOC), dont 42 françaises, comme le «Roquefort», le «Saint-Nectaire» ou les «Pruneaux d’Agen».
► Accès aux marchés publics canadiens (contrats et appels d'offres gouvernementaux), y compris ceux des villes et des provinces qui gèrent une part importante des dépenses publiques, pour les entreprises européennes.
► Les entreprises canadiennes bénéficiaient déjà d'un large accès aux marchés publics européens.
► Pas de modification des règles européennes sur la sécurité alimentaire ou la protection de l’environnement, et amélioration de la coopération entre les organismes européens et canadiens sur ces normes.
► Les produits canadiens ne pourront donc être importés dans l’Union européenne que s’ils respectent la réglementation de l’UE et le boeuf aux hormones ne sera pas autorisé.
Tribunal d’arbitrage
Le point le plus sensible porte sur la possibilité donnée à une multinationale investissant à l’étranger de porter plainte contre un État qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts, afin de demander réparation.
Un mécanisme qui a permis à Philip Morris d’attaquer l’Uruguay pour sa politique antitabac ou au géant minier Oceanagold de poursuivre le Salvador pour lui avoir refusé un permis d’exploitation pour raisons environnementales.
Le CETA créera un tribunal permanent, modernisé par rapport aux autres traités, composé de 15 juges professionnels nommés par l’UE et le Canada. Toutes les auditions seront publiques et il sera possible de faire appel. «Une sorte de Cour publique des investissements qui ouvre la voie à une Cour internationale des investissements», selon un négociateur européen.
Malgré cela, des ONG n’ont pas été convaincues, craignant que ces «pseudo-juges» soient des avocats d’affaires liés à des cabinets privés.
Une fois que les contours de ces tribunaux auront été définitivement arrêtés, la Belgique s’est engagée à saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour vérifier sa conformité avec le droit européen.
Avec son approbation par le Parlement européen, une grande partie du traité va entrer en vigueur de façon provisoire, essentiellement en ce qui concerne les dispositions relevant de la compétence exclusive de l’UE.
Parmi les chapitres provisoirement exclus, ce fameux tribunal d’arbitrage. En cas de litige avec un État, une entreprise devra porter plainte devant la juridiction du pays concerné ou la Chambre arbitrale internationale de Paris, par exemple.
Reste un obstacle de taille: pour entrer définitivement en vigueur, le CETA doit maintenant être approuvé par les 38 parlements nationaux et régionaux de l’UE. Une procédure très incertaine, qui pourrait prendre des années.
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