Quand le bluff cessera-t-il?

Par Gérard Potvin

Mont Orford

Libre opinion: Lettre au ministre Claude Béchard
M. Béchard, je viens de vous entendre au Téléjournal. Vous parliez des coupes forestières sur le territoire que vous avez mis en réserve pour agrandir le parc national du Mont-Orford. Vous avez dit que seulement 5 ou 10 % de ce territoire avait déjà été coupé. Où avez-vous pris ces renseignements, M. le ministre?
Le territoire de deux des trois grands propriétaires concernés touche à notre propriété familiale et nous avons connaissance de coupes sur bien plus de 5 ou 10 % du territoire de ces propriétés. Ces territoires, concédés vers 1860 à des marchands de bois ontariens, sont jusqu'à maintenant demeurés la propriété d'exploitants forestiers et ont été constamment exploités selon les techniques en usage à chaque époque.
La propriété actuelle des Conteneurs Grief leur a été vendue en 1942 pour 1 $ quelque jours après la vente d'un droit de coupe sur le même territoire à la Canada Paper Company pour 50 000 $ ! Il suffit de consulter le registre foncier du Québec pour le constater. Leur société s'appelait alors l'International Cooperage of Canada Limited. Et les aînés d'ici se souviennent du chantier qui a suivi dans les années 40 et 50.
Depuis deux ans, les Conteneurs Grief ont fait, à côté de chez nous, une coupe sur un territoire qui avait été reconnu comme écosystème forestier exceptionnel par le ministère des Ressources naturelles. Leurs agents ont apparemment retrouvé de très vieilles souches dans ce territoire et obtenu la levée de la reconnaissance comme forêt exceptionnelle. Je suis allé constater cette dévastation avec un voisin qui en a constitué un dossier photographique. Il y a une dizaine d'années, les Conteneurs Grief avaient d'ailleurs rasé un autre secteur près de chez nous. Ce n'était pas alors une pratique anormale chez les exploitants forestiers.
Et bien des amis de la forêt, dans la région, ont assisté, impuissants, à la dévastation faite dans les années 80 et 90 sur ce qui est maintenant la station du mont des Trois-Lacs. La majeure partie de la forêt âgée qui s'y trouvait a été rasée. La municipalité d'Orford a de justesse réussi à sauver le mont des Trois-Lacs par une intervention réglementaire et des recours judiciaires.
La volonté de la population
Le territoire que vous convoitez vaut encore la peine d'être conservé, mais il n'est vraiment plus un territoire vierge. Les perturbations qu'il a subies ne sont sans doute pas aussi graves que les perturbations subies par le domaine skiable du parc national du Mont-Orford mais elles dépassent probablement les perturbations sur le territoire du golf du parc qui était déjà territoire agricole, largement des prairies et des pâturages, au moment de son insertion dans le parc national.
M. le ministre, vous savez que le ski et le golf dans le parc national du Mont-Orford sont des droits acquis pour les communautés de la région; cessez de dire qu'il s'agit d'anomalies, cessez même de le penser ! Vous savez comme nous tous que le mont Orford a été blessé et qu'il faut l'aider à se rééquilibrer, mais pouvez-vous vraiment penser que nous vous croyons quand vous dites qu'il serait mieux soigné s'il était privatisé ? Si le gouvernement, qui en est le fiduciaire, et la FAPAQ, qui en est l'administratrice, ne parviennent pas à imposer qu'un locataire le respecte et le panse, comment obtiendront-ils qu'un propriétaire privé n'en fasse pas largement à sa tête et selon ses intérêts ?
M. le ministre, vous pouvez dire que le BAPE n'a qu'un rôle consultatif, que l'Assemblée nationale a l'autorité pour légiférer et que, dans notre régime, le gouvernement a le pouvoir de présenter les projets de loi qu'il juge pertinents. Mais vous ne pouvez pas oublier qu'en ce qui concerne le patrimoine et les droits fondamentaux, le gouvernement et l'Assemblée nationale ne peuvent légitimement agir qu'en lien avec la volonté de la population.
Vous constatez sans doute que la population veut l'agrandissement du parc national du Mont-Orford, qu'elle veut aussi la survie du centre de ski, mais vous constatez aussi qu'elle ne veut pas de la vente du domaine skiable et du terrain de golf. Espérons que lors d'une prochaine rencontre, SOS Parc Orford vous aidera à trouver une solution rejoignant la volonté de la population.
Gérard Potvin
_ Orford


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