L’auteur est président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et du réseau Cap sur l’indépendance
Montréal, 21 mai 2014 - Les récents propos tenus par le ministre fédéral Maxime Bernier au lendemain de la Journée nationale des Patriotes sont si tordus, grotesques et démagogues, qu’on ne sait trop par où commencer pour y répondre.
Tout d’abord, la langue nationale, officielle et commune du Québec dont fait partie la communauté anglo-québécoise, c’est la langue française. Au même titre que les Japonais parlent japonais, les Québécois parlent français. C’est la pierre angulaire de notre cohésion sociale et nationale, de notre existence collective. C’est le fondement de notre culture.
Réaffirmer ces évidences, ce n’est pas rejeter les 8,3% d’anglophones du Québec, dont une forte majorité peut d’ailleurs soutenir une conversation en français. C’est simplement constater un fait historique, un fait structurant et absolument indéniable, quelles que soient nos origines, quelle que soit aussi notre langue maternelle !
Le fait est que nous avons justement dû nous battre jusqu’à aujourd’hui afin d’assurer la pérennité de notre identité française ici, vis-à-vis de la puissante culture anglo-saxonne. Alors, affirmer aujourd’hui que l’anglais ferait partie intégrante de l’identité québécoise, c’est une manière de manipuler les Québécois en faisant passer l’affaiblissement progressif de notre culture comme… un trait inhérent à notre culture !
C’est confondre aliénation et ouverture à l’autre. C’est entretenir la confusion entre le bilinguisme des individus et l’anglicisation de nos institutions, jusqu’à jouer la carte de la culpabilisation que nous devrions ressentir d’être ce que nous sommes : un peuple moderne, inclusif et multiethnique, un peuple comme un autre qui souhaite s’épanouir librement, un peuple de langue française, tout simplement.
Ce qui est d’autant plus aberrant dans les propos de monsieur Bernier, c’est la condescendance qu’il exprime du même souffle à l’égard des demandes légitimes du gouvernement du Québec envers Ottawa, alors que les Québécois ont envoyé plus de 45 milliards $ cette année au Canada en taxes et impôts, alors que le fédéral génère d’énormes surplus sans vouloir les redistribuer aux provinces qui ont dû subir d’importantes coupes dans les transferts fédéraux depuis plusieurs années.
Tout cela, pendant que le Parti conservateur pousse l’ironie jusqu’à inviter à grands frais les représentants de la monarchie anglaise en cette période « d’austérité ». C’est indécent !
En plus, monsieur Bernier continue à casser du sucre sur le dos du Québec en affirmant que nous serions une « province pauvre » qui devrait cesser de « quémander » (notre propre argent) au gouvernement canadien, alors que nous recevons moins de péréquation par habitant que la plupart des provinces anglophones.
Si vraiment le Québec se révèle une nuisance pour le Canada, alors pourquoi les partisans de ce Canada ne travaillent-ils pas eux-mêmes à procéder au divorce ? Pourquoi tolérer le statu quo s’il ne sert ni le Canada ni le Québec ?
La dépendance, le fait de ne pas pouvoir décider par et pour soi-même de ses propres affaires chez soi, cela a un coût aussi bien moral que financier. L’indépendance, quant à elle, est un gage d’épanouissement et d’enrichissement collectif pour tous les peuples qui se l’offrent.
L’indépendance, c’est certes une question de dignité, de liberté, mais c’est aussi une question « de dollars pis d’cennes », comme disait jadis Pierre Bourgault en parlant de la défense de notre langue française.
Par exemple, Stéphane Gobeil a démontré dans son livre Un gouvernement de trop que le Québec épargnerait au moins 2 milliards de dollars par année en se débarrassant du régime d’Ottawa.
Jean Charest, Philippe Couillard et même l’institut Fraser ont eux-mêmes admis que le Québec bénéficie de tout ce qu’il faut économiquement pour être un pays.
Les actions du Québec à la bourse surpassaient celles du reste du Canada en 2013. Le Québec rayonne de par le monde avec ses entrepreneurs, ses constructeurs, ses artistes, ses sportifs.
Malgré plusieurs problèmes qui se posent et qu’il ne faut pas nier, le Québec, qui se classerait premier au monde selon l’indice socioéconomique de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, vit aussi de grands succès, cela ne se dément pas, et en vivrait davantage s’il prenait part au concert des nations.
Reste plus qu’à devenir indépendant pour justement mettre un terme définitif aux chicanes constitutionnelles que déplore tant monsieur Bernier, même s’il est le premier à les alimenter par son arrogance.
Vraiment, les Québécois peuvent se passer aussi bien de sa démagogie et de ses analyses que de ses Jos Louis, et le ministre d’État n’a vraisemblablement pas besoin de la réélection des libéraux fédéraux pour faire craindre au retour de la ferveur souverainiste des Québécois : il l’attise lui-même avec beaucoup d’efficacité.
Propos du ministre Bernier
D'un Maxime à l'autre
Maxime Laporte32 articles
Maxime Laporte, LL.B, étudiant à la maîtrise en science politique à l’UQÀM. Président général, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
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