Promu malgré la controverse

Un sous-ministre dont la gestion a été écorchée par le VG accède à un poste prestigieux

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Pierre Paradis défie ouvertement Couillard en s'affichant dans cette affaire, autre signe du malaise chez les Libéraux





Après avoir été à la tête d’un ministère éclaboussé pour de graves problèmes de gestion et des centaines de milliers de dollars dépensés sans explication, le sous-ministre Norman Johnston a été promu au prestigieux poste de PDG de la Régie des rentes du Québec.


En mai dernier, le Vérificateur général du Québec a révélé des lacunes hautement préoccupantes dans la gestion du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). De l’aveu même du ministre Pierre Paradis, le rapport «accablant» du VG a fait état d’une dérive «inexcusable» lors de la période scrutée, notamment de 2009 à 2014.











En mai dernier, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc a révélé des lacunes importantes dans la gestion du MAPAQ. Le sous-ministre Norman Johnston avait été à la tête de ce ministère




Photo d'Archives


En mai dernier, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc a révélé des lacunes importantes dans la gestion du MAPAQ. Le sous-ministre Norman Johnston avait été à la tête de ce ministère





«Je suis dans l’appareil gouvernemental depuis un certain temps (35 ans). J’en ai vu des histoires d’horreur. Mais celle-là dépasse probablement toutes celles que j’avais entendues», commente-t-il, scandalisé.


Or, le sous-ministre responsable au MAPAQ lors de cette période, Norman Johnston, a été promu par le gouvernement en février dernier à un poste encore plus important dans la fonction publique à titre de président-directeur général à la Régie des rentes. Ce rôle lui permet en outre d’obtenir un siège sur le conseil d’administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec.


Son salaire annuel  passe donc de près de 167 000 $ à plus de 202 000 $. Après avoir été aux commandes d’un ministère, depuis plongé dans un bourbier administratif, M. Johnston se retrouve grand patron d’un organisme québécois qui administre un fonds de 52 milliards $.


Malaise à l’interne


Nous avons demandé au ministre Pierre Paradis si M. Johnston avait été invité à quitter le MAPAQ ou si c’est lui qui avait quitté son poste volontairement. «Il n’est plus là», a sèchement rétorqué le ministre.


Sa nomination à la RRQ a d’ailleurs créé un important malaise au sein de l’appareil gouvernemental, selon nos informations.


Nous avons formulé une demande d’entrevue à M. Johnston afin de parler de son bilan au MAPAQ. On nous a répondu qu’il n’avait «aucun commentaire à faire».


En commission parlementaire la semaine dernière, le nouveau sous-ministre du MAPAQ, Fernand Archambault, n’a pas tenté d’excuser ses prédécesseurs. «Ce que le VG a dit, on va le faire. Ce n’est pas négociable.»


En février dernier, le MAPAQ a été écorché par un reportage de notre Bureau d’enquête concernant le projet informatique PCFTA. Le ministère a dépensé 5 M$ depuis 2012 dans ce projet qui est au point mort. Le MAPAQ nous avait mentionné que le projet allait reprendre alors qu’en réalité, il est suspendu depuis plus de 850 jours.


Si notre Bureau d’enquête a eu de la difficulté à obtenir les informations du MAPAQ pour comprendre l’ampleur du désastre de ce projet informatique, le ministre a connu les mêmes embûches lorsqu’il a demandé l’état de situation aux fonctionnaires du ministère à son arrivée en poste après l’élection d’avril 2014


«Disons que si j’avais seulement eu ces états de situation comme source de référence, j’aurais pensé que tout allait bien», a-t-il réagi. Comment un ministère peut-il fonctionner comme ça? lui a-t-on demandé. «Ça ne doit pas fonctionner de même!», s’est-il insurgé.


Constats du vérificateur général


Des extras gardés secrets


Le MAPAQ ne respecte pas toujours la loi alors qu’il doit justifier des extras pour des contrats. Par exemple, pour un projet, le MAPAQ a payé des extras de 359 019 $ et 491 427 $, mais non seulement ces dépenses supplémentaires «n’ont pas contribué à l’avancement des travaux», ces extras n’ont pas été signalés, donc pas autorisés par le sous-ministre ni déclarés au Conseil du trésor.


La concurrence aux oubliettes


Douze millions de dollars ont été octroyés en contrats en 2013-2014 sans concurrence et sans appel d’offres. Entre 2011 et 2014, 185 des 318 contrats octroyés par le MAPAQ l’ont été sans appel d’offres, ce qui n’a aucune mesure avec la moyenne des autres ministères qui accordent beaucoup moins de contrats de gré à gré. Le MAPAQ a volontairement fractionné des contrats si bien que ceux-ci étaient sous les seuils pour réaliser des appels d’offres publics, limitant ainsi grandement la libre concurrence.


Le Conseil du trésor désinformé


L’information transmise au Conseil du trésor, grand gardien des finances publiques québécoises, «est incomplète et inexacte». Le MAPAQ doit notamment, chaque mois, transmettre la liste de ses engagements financiers. Entre 2011 et 2014, à six reprises, le ministère a omis de signifier une dépense. Et pour 70 contrats, à 62 reprises, le MAPAQ a transmis l’information en retard.


Des contrats dénaturés


Le MAPAQ a suspendu le projet informatique PCFTA, mais a mis fin au contrat pour son développement, étonnamment un an plus tard. Ainsi, la firme privée a continué à facturer, mais a été appelée à travailler sur autre chose, dénaturant ainsi le contrat initial. Également, «environ 3,8 M$ ont été versés (...) pour un système informatique abandonné au début de son développement».


La transparence bafouée


Le VG a comparé ce que le MAPAQ a affiché publiquement relativement à 70 contrats, et ce qui aurait dû être affiché publiquement pour ces contrats.


Pour 11 contrats: information manquante


Pour 34 contrats: information inexacte


Pour 40 contrats: information affichée en retard


Un contrat a été présenté à 96 000 $ alors qu’il était en fait accordé à 116 000 $. La différence est percutante, car au-dessus de 100 000 $, le MAPAQ doit faire un appel d’offres public ouvert à toute la concurrence, ce qu’il n’a donc pas fait.


Le patron pas informé


Le sous-ministre du MAPAQ, qui doit autoriser les dépenses de millions de dollars, ne reçoit pas toute l’«information utile» pour prendre ses décisions. Également, l’information présentée aux hauts fonctionnaires lorsqu’ils sont appelés à autoriser des dépenses «leur permet difficilement de prendre des décisions en connaissance de cause».




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