On s’imagine souvent, à tort, évidemment, que la question nationale est une exclusivité québécoise. Ailleurs dans le monde, le débat politique se tiendrait à l’écart de cette bizarrerie. On s’imagine alors qu’il s’agit d’un archaïsme pesant dont il faudrait se délivrer pour que le Québec devienne pleinement moderne. La conclusion est sans surprise : moins la question nationale pèsera, plus le Québec sera de son temps.
Évidemment, c’est faux. On croit s’ouvrir sur le monde en voulant se dégager de la question nationale. Paradoxalement, on fait ainsi preuve d’un certain provincialisme. Car à travers le monde, la question nationale émerge partout. Le philosophe Alain Finkielkraut disait dans son très beau livre L’ingratitude (Gallimard, 1999): «désormais, nous sommes tous des Québécois». Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, chaque nation, aujourd’hui, prend conscience de sa précarité.
La question nationale à travers le monde a de nombreux visages. On peut évidemment penser aux peuples qui ont accédé depuis quelques années à l’indépendance, comme la République tchèque, le Monténégro ou les Pays Baltes. Ont-ils tiré avantage de leur nouvelle situation? Comment l’indépendance s’est-elle réalisée? De quelle manière le peuple a-t-il été consulté ? Ces pays sont-ils parvenus à faire l’économie de la violence?
Pensons aussi aux nations qui sont à la recherche d’un nouveau statut politique. Des nations qui ont longtemps étouffé leur quête identitaire cherchent aujourd’hui à faire entendre leur propre voix. On connait les exemples de l’Écosse et de la Catalogne. On a souvent comparé la situation du Québec à la leur. On pensera aussi à la Belgique, qui a vu ses institutions se transformer pour tenir compte des aspirations nationales singulières de la Flandre.
Ou encore à la crise de l’Union européenne: on prophétisait la fin des nations, elles tentent aujourd’hui de renouer avec leur souveraineté, sans renoncer pour autant aux acquis bien réel de la coopération communautaire. On croyait que l’État-nation allait disparaître : la chose n’est manifestement pas pour demain, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas en profonde recomposition.
La définition de la nation elle-même change. Partout, on cherche à fixer de nouvelles balises au vivre-ensemble. Comment répondre à la crise du multiculturalisme pour éviter que la collectivité ne se fragmente et perde l’idée du bien commun? Que faire devant le retour du religieux, comment réussir l’intégration des immigrants? C’est ce qu’on appelle la question identitaire. Elle n’épargne aucune société.
Il s’agit d’une série réalisée en collaboration avec l’Institut de recherche sur le Québec, qui a multiplié ces dernières années les études sur la question nationale (j’ai le privilège d’y jouer le rôle de directeur de la recherche). Notre objectif : mieux comprendre la question nationale à travers le monde. En comprendre les différentes variables. Et en multipliant les comparaisons, permettre aux Québécois de mieux se comprendre.
La série commence aujourd’hui avec deux articles réalisés par Stéphane Paquin, professeur à l’ENAP, sur la passionnante question de la Catalogne. Connaîtra-t-elle l’an prochain un référendum sur l’indépendance? On trouvera chaque fois sur le site du Journal le lien vers l’étude réalisée par l’Institut de recherche sur le Québec et une interview avec le chercheur qui l’a réalisé. On trouvera aussi une entrevue vidéo avec l’auteur de l’étude.
C’est un rendez-vous chaque dimanche, pour dix semaines, dans les pages du Journal de Montréal et du Journal de Québec.
Présentation de la série «La question nationale à travers le monde»
Beau travail d'éducation populaire !
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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