Power profite d’une réforme libérale

Une filiale acquiert une participation dans Procréa, alors que Québec veut privatiser la procréation assistée

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Ça dépasse les bornes de la décence






Alors que le gouvernement Couillard s’apprête à en finir avec la fécondation in vitro gratuite, une entreprise de la famille Desmarais vient de prendre une participation dans les cliniques Procréa, le plus grand réseau de services pour couples infertiles au Québec.




Sans tambour ni trompette, IntegraMed, de l’État de New York, a annoncé l’acquisition d’Opmedic le 9 juillet, dans un communiqué en anglais sur son site internet. La compagnie de Ville Mont-Royal détient notamment neuf cliniques d’infertilité au Canada, dont les quatre succursales de Procréa au Québec.




IntegraMed appartient à près de 97 % à Sagard Capital, filiale de Power Corporation du Canada, l’empire financier des Desmarais, l’une des quelques familles milliardaires de la province.




Des prêts pour couples infertiles











Procréa




Photo Le Journal de Montréal, Caroline Lepage







En plus de ses cliniques d’infertilité, l’entreprise fournit des prêts aux couples pour payer ses propres services.




Or, le projet de loi 20 prévoit de faire payer désormais les couples québécois pour les services de fécondation in vitro. Comme les Américains, ils devront donc trouver les fonds nécessaires pour avoir un bébé.




En se joignant au géant américain de l’infertilité, les cliniques Procréa pourront avoir «les meilleurs prix» du marché, dit le président fondateur, Pierre St-Michel. Et ses clients auront aussi accès aux financements qu’offre IntegraMed.




«La majorité de la clientèle n’a pas d’argent pour payer un cycle de fertilité, dit-il. Est-ce qu’on peut les aider tout en respectant le code de déontologie? Aux États-Unis, ça fonctionne relativement bien.»




Les couples infertiles devront toutefois s’attendre à payer le gros prix. Selon le site internet d’IntegraMed, les taux d’intérêt des prêts peuvent atteindre 20%, soit cinq fois les taux hypothécaires actuels sur le marché américain.




En négociations depuis neuf mois











<b>Paul Desmarais</b> Jr <br /><br>Co-Pdg de Power Corporation




Photo Le Journal de Montréal, Martin Chevalier


Paul Desmarais Jr

Co-Pdg de Power Corporation







Les discussions avec IntegraMed ont commencé «il y a neuf mois», dit Pierre St-Michel. Le projet de loi 20 du ministre de la Santé Gaétan Barrette était alors en rédaction.




Chez Power, le vice-président et chef du contentieux assure que «Power n’a eu aucun contact avec Québec à ce sujet».




Stéphane Lemay a refusé de commenter davantage. «IntegraMed est une compagnie distincte de Power Corporation, avec sa propre équipe de direction et son propre conseil d’administration. L’intérêt de Power dans IntegraMed est par ailleurs un intérêt indirect, via notamment le fonds Sagard Capital établi aux États-Unis», écrit-il dans un courriel.




Contactée par Le Journal, la porte-parole d’IntegraMed s’est contentée de transmettre le communiqué du 9 juillet, ignorant nos questions.




Au cabinet du ministre, l’attachée de presse assure que le projet de loi 20 n’a rien à voir avec cette transaction. «Il n’y a pas eu de rencontres avec des représentants, ni d’Opmédic, ni d’IntegraMed, ni de Sagard», dit Joanne Beauvais.




Elle ajoute que si IntegraMed a acheté les cliniques Procréa dans l’espoir de trouver un débouché pour ses services financiers, l’entreprise risque de «se retrouver les fesses à l’eau», puisque la loi n’est toujours pas adoptée et pourrait encore changer.


« Bar ouvert médical et financier »


«La procréation assistée va devenir un bar ouvert médical et financier», déplore Céline Braun, la nouvelle présidente de l’Association des couples infertiles du Québec, qui défend les droits des parents recourant à la procréation assistée.


Elle redoute la hausse des coûts à prévoir pour les couples infertiles si le projet de loi 20 est adopté. Pour elle, la venue au Québec d’entreprises comme IntegraMed, qui offre des prêts pour payer ses services de fécondation in vitro, «ouvre la porte à l’endettement des patients».


En 2014, un rapport du Commissaire à la santé et au bien-être recommandait notamment de mieux contrôler les coûts du programme public de procréation assistée, qui a coûté 70 M$ à l’État québécois en 2013-2014.



 




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