Le 18 juillet, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret se rapportant à la démission de l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Russie en Ukraine, Mikhaïl Zoubarov. Coïncidence ou pas, ce décret a été signé le même jour qu’a été annoncé un certain nombre de changements de personnel au plus haut niveau du pouvoir en Russie.
Depuis sept ans, Zoubarov était ambassadeur de Russie en Ukraine. Beaucoup ont considéré que sa nomination était pour lui une sinécure, alors que pour d’autres il s’agissait d’une des plus grandes erreurs politiques de la Russie envers l’Ukraine. Dans la période post soviétique l’Ukraine a toujours occupé une place centrale dans la politique étrangère de Moscou. Il est donc essentiel que la mission diplomatique de la Russie soit dirigée par un homme politique respecté ou un diplomate hautement professionnel. Mais Zoubarov ne satisfaisait pas à ces critères. Non seulement il était l’un des ministres les plus impopulaires de Russie (alors qu’il était ministre de la Santé), mais il a également été accusé d’avoir utilisé sa position officielle dans l’intérêt de sa propre entreprise.
Les critiques se sont avérées correctes : Zoubarov ne s’était jamais montré digne du poste d’ambassadeur. L’ambassade de Russie observait passivement le passage de pouvoir en Ukraine entre les mains de russophobes préparés par l’Occident et soutenus par des structures d’état des États-Unis et de l’UE et par des ONG. J’ai eu l’occasion de travailler étroitement avec des représentants d’organisations russes ces années-là, et toutes ont noté l’oisiveté de l’ambassadeur Zoubarov en contraste avec la forte activité des missions diplomatiques et des ONG occidentales.
Toutefois, pour des raisons d’équité, il faut reconnaître que le problème n’est pas seulement l’individu Zoubarov. La pratique consistant à nommer des officiels qui ne parviennent pas à faire leur travail, comme ambassadeurs remonte à l’époque soviétique. Par exemple, l’ambassadeur de la Russie en Biélorussie est l’ex-gouverneur de la région de l’Altaï, Sourikov. L’Ukraine aurait dû être une exception au vu de son importance pour les intérêts de la Russie.
Les événements d’Euromaïdan et l’arrivée au pouvoir d’un bloc russophobe d’oligarques et de néo-nazis est en grande partie la faute de la Russie elle-même. La politique étrangère du pays connaît un déficit aigu de réflexion stratégique, avec une seconde caractéristique, son incapacité et réticence à travailler avec d’autres élites et la population plus largement. Le style de la politique étrangère aussi bien de l’URSS que de la Russie moderne, est entièrement dépendant du pouvoir établi. C’est pour ces raisons que l’ancien ministre et oligarque Zoubarov semblait convenir comme candidat, car il pouvait facilement tenir un langage commun avec l’ancien président et oligarque Ianoukovitch, puis avec le nouveau président par intérim et oligarque Porochenko.
Peut-être que l’éminent analyste politique ukrainien Mikhaïl Pogrebinsky avait raison quand il a apprécié la démission de Zoubarov comme la fin des relations « informelles » entre Moscou et Kiev. Dans ce cas « informalité » signifie une tendance à faire des compromis. Malgré la perception négative par l’élite russe de Porochenko, Zoubarov était encore « enclin à négocier. » Selon une publication russe, au début de cette année Vladimir Poutine et Porochenko étaient souvent en contact, avec des conversations téléphoniques hebdomadaires. Toutefois, cela n’a servi à rien. Cela signifie que « l’ami de Porochenko », Zoubarov ne convenait plus à la Russie comme ambassadeur à Kiev.
Si nous croyons Pogrebinski, les relations « presque dignes de confiance » entre Moscou et Kiev ont pris fin. Ce sera « inconfortable » pour Porochenko. Pogrebinski a soumis cette opinion dans une interview alors qu’il ne savait pas encore qui allait remplacer Zoubarov. Les informations sur le successeur de Zoubarov n’ont été connues qu’un peu plus tard.
Comme il se trouve, Mikhaïl Babiche, un jeune (né en 1969), ancien du KGB-FSB, deviendra le nouvel ambassadeur. Son passé comprend des années de service militaire, y compris de participation aux combats. En bref, il est l’antithèse complète de Zoubarov et sera peut-être pour Porochenko le partenaire le plus inconfortable que l’on puisse imaginer.
Mais revenons à un point antérieur. Le décret sur la démission de Zoubarov est venu le même jour que les changements de personnel en Russie. La spécificité de ce décret tient dans la nomination d’officiels de l’ex-KGB-FSB personnellement liés au président Poutine, à des postes élevés dans la hiérarchie de gouvernance (des gouverneurs régionaux, le dirigeant du service des douanes, etc.). Mikhaïl Babiche répond à toutes ces exigences. Ajouté à cela le fait qu’il soit jeune et énergique, est un « plus » important et agréable au caractère de son service.
Les remaniements de personnel en Russie et le changement d’ambassadeur en Ukraine, pourraient difficilement être considérés comme une coïncidence. Si cela est exact, alors bientôt nous apprendrons d’autres décisions relatives au personnel. Leur signification réside dans une mise à jour de la classe politique et au nettoyage de la couche dirigeante de Russie. Je suppose que tout cela a été fait en anticipation de politiques plus dures de la part de l’Occident. D’où la nécessité de suggérer de nouveaux principes et style pour la politique russe vis-à-vis de l’Ukraine dans le sens d’une plus grande activité et rigidité.
Tout cela va être bien inconfortable pour le président Porochenko.
Eduard Popov | 29.7.2016
Original: Fort Russ
Traduction: Alexandre MOUMBARIS
Source: http://www.comite-valmy.org/
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