Régulièrement, l'idée de privatiser Hydro-Québec refait surface dans le discours de certains politiciens et de think tanks québécois. Les deux principaux attraits invoqués sont les recettes de la vente (pouvant par exemple réduire la dette) et divers gains d'efficacité, postulés automatiques advenant une propriété privée.
Malheureusement, ces raisonnements omettent un grand nombre de facteurs, qui font qu'entretenir l'idée de privatiser Hydro-Québec est une pure perte de temps. Trois catégories d'arguments militent en faveur de conserver la propriété d'Hydro-Québec publique: un juste prix de vente serait extrêmement difficile à définir; la nécessaire réforme du secteur de l'électricité se fera plus facilement sous une propriété publique; et enfin, le rôle structurant d'Hydro-Québec dans l'économie québécoise serait perdu avec une privatisation.
Vendre à quel prix?
Pour vendre Hydro-Québec, il faudrait connaître sa valeur. Mais celle-ci, même si on s'entend qu'elle soit grande, est inconnue de tout le monde. Il est en effet impossible de savoir exactement combien la production d'électricité d'Hydro vaut sur les marchés, parce qu'elle est actuellement vendue à un prix réglementé (basé sur les coûts moyens de production), bien plus bas que le prix de vente sur les marchés voisins.
La valeur (future) d'Hydro-Québec dépend donc d'abord des deux éléments suivants: les Québécois payeront-ils plus cher l'électricité, et de nouvelles lignes de transmission verront-elles le jour pour exporter davantage? Si la réponse est «non» à ces deux questions, alors Hydro-Québec vient de perdre environ 50% de sa valeur: le propriétaire ne pourra pas valoriser au mieux son actif.
Un autre facteur vient aussi rendre l'estimation du prix d'Hydro-Québec impossible à l'heure actuelle: quelle est la valeur d'une électricité «propre», sans émission de gaz à effet de serre? Pour l'instant, en l'absence d'un prix sur la tonne de carbone, la valeur de l'hydro-électricité est fortement sous-évaluée sur les marchés financiers, parce que cet avantage n'est pas encore reconnu. (...)
Une réforme facilitée par la propriété publique
Une confusion règne souvent entre «augmentation des prix» et «privatisation». Ces deux choses sont très différentes: les prix peuvent augmenter sans privatisation, et il pourrait y avoir privatisation sans augmentation de prix (ceux-ci pouvant rester réglementés par la Régie de l'énergie selon les normes actuelles). Dans le premier cas, les profits additionnels restent dans le domaine public. Tous les économistes, et de plus en plus d'environnementalistes, s'entendent pour dire que le prix de l'électricité au Québec doit être majoré significativement (sans doute jusqu'à 50% de plus), pour refléter la vraie valeur de cette énergie et offrir de vrais incitatifs à son économie.
Une telle réforme aurait plusieurs conséquences: oui, les consommateurs feraient face à des prix plus élevés, et oui, Hydro-Québec ferait plus de profit. Mais les profits d'Hydro-Québec seraient tels qu'elle pourrait très facilement compenser l'importante minorité de consommateurs pour qui une telle augmentation ferait très mal, de telle sorte qu'elle ne fasse pas mal, justement. Tous les consommateurs (dont les 75% de Québécois qui n'ont pas un faible revenu) pourraient décider, par le biais de leur gouvernement élu, comment utiliser la nouvelle richesse: baisse d'impôts, éducation, santé... les projets ne manquent pas. Par contre, si Hydro-Québec était privatisée, la nouvelle richesse irait entre les mains d'actionnaires... dont la volonté de dépenser cet argent ne convergerait sans doute pas avec celle de tous les Québécois. (...)
Rôle structurant d'Hydro-Québec
Tout le monde se rend compte du symbole que représente Hydro-Québec: une force et une fierté québécoise, mise au service du développement du Québec. Ce rôle majeur historique n'a pas lieu de s'arrêter ici - avec un transfert de propriété qui ferait passer l'intérêt des actionnaires avant celui du développement du Québec. Avec encore un grand potentiel hydraulique à exploiter au Québec, avec d'autres potentiels énergétiques renouvelables à développer, avec un réseau fiable et une expertise reconnue, mais surtout à cause de la nature centrale de l'électricité dans la vie moderne, l'objectif premier d'Hydro-Québec doit être d'abord et avant tout de servir les Québécois, et non pas les intérêts d'un plus petit groupe d'actionnaires, qui pourraient prendre des décisions de rentabilité à court terme au détriment de la fiabilité de l'approvisionnement ou du bien-être à long terme de la société québécoise. (...)
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Pierre-Olivier Pineau
L'auteur est professeur agrégé à HEC Montréal.
Pourquoi se priver d'Hydro-Québec?
Élection Québec - 8 décembre 2008
Pierre-Olivier Pineau13 articles
L’auteur est professeur agrégé à HEC Montréal
Il organise, le lundi 20 octobre prochain, le colloque l'Énergie et le développement durable ([http://blogues.hec.ca/gridd->http://blogues.hec.ca/gridd]).
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