Au début, j'étais un supporteur de Québec solidaire. J'aimais bien Amir Khadir, surtout que son organisation politique n'hésitait pas à intervenir dans des dossiers qui ne relevaient pas de la politique exclusivement québécoise. Il dénonçait, par exemple, les interventions américaines en Irak ou en Afghanistan, il prenait partie pour Cuba contre les États-Unis en dénonçant l'odieux blocus économique contre cette petite île des Antilles. Tout ça semblait cohérent et correspondait à mes prises de position à moi, homme de gauche qui a beaucoup milité, à une certaine époque, pour un Québec libre et socialiste.
Bon, je trouvais ça un peu frileux d'appeler sa formation politique «Québec solidaire» au lieu de Parti socialiste du Québec, par exemple. Je me disais que des partis socialistes, il en existe partout dans le monde, aussi bien en France qu'au Chili, et ça ne fait peur à personne, du moins ça ne fait pas peur aux personnes qu'on veut représenter et entraîner avec nous dans nos luttes sociales, les travailleurs syndiqués et non syndiqués, les chômeurs, les moins bien nantis. Mais bon, je n'en faisais pas un drame personnel.
Dans les années soixante, nous avions eu de nombreuses discussions sur le contenu qu'il fallait donner à l'indépendance. Faut-il faire d'abord l'indépendance ou doit-on d'abord remporter les élections avec un parti socialiste provincial, genre NPD québécois? Finalement, les militants étaient pratico-pratiques, comme on dit, et on essayait de faire feu de tout bois. On dénonçait l'exploitation des travailleurs à l'occasion de grèves et de conflits de travail (et il y en eu des tonnes dans ces années-là) et on réclamait en même temps McGill français et la possibilité de se faire servir en français à Montréal.
Toutes ces luttes s'inscrivaient dans un même courant révolutionnaire. Je dis ce mot, révolutionnaire, parce que nous venions véritablement bousculer l'ordre établi, l'ordre fédéral, en premier lieu, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement à Ottawa et sa police politique nous avaient à l'œil. La GRC est même allée jusqu'à voler les listes de membres du PQ, c'est vous dire... Nous n'avions pas besoin de nous dire de gauche, le mouvement indépendantiste suffisait par lui-même à faire braquer l'establishment canadien.
Puis est arrivé le Parti québécois. Le RIN s'est dissout et nous sommes entrés en masse dans ce nouveau parti qui se voulait rassembleur. Pour ma part, j'ai toujours considéré que le PQ est un vaste front, qui rassemble des forces de droite, de centre et de gauche pour un même objectif, l'indépendance du Québec, et que, selon les époques et le degré d'engagement de ses militants, il oscille entre ces deux pôles, au gré des rapports de force internes. Mais peu importe s'il est trop au centre ou trop à gauche, il fera toujours peur aux forces du statu quo, il viendra toujours bousculer l'ordre établi, et en cela il est et sera révolutionnaire.
J'ai arrêté de croire à Québec solidaire le jour où j'ai réalisé que Khadir était incapable de comprendre cette dynamique, notre idiosyncrasie québécoise, et que son ego dépassait la cause qu'il prétend défendre. QS me ramenait en arrière, aux années soixante, où l'on se demandait s'il fallait d'abord faire l'indépendance ou se faire élire sous la bannière d'un parti de gauche.
Si on relit le manifeste du FLQ d'octobre 1970, on verra que nous n'étions pas contre le Parti québécois. Nous disions: «Nous avons cru un moment qu'il valait la peine de canaliser nos énergies, nos impatiences, comme le dit si bien René Lévesque, dans le Parti québécois, mais la victoire libérale montre bien que ce qu'on appelle démocratie au Québec n'est en fait et depuis toujours que la «democracy» des riches. » Il y avait eu le coup de la Brink's, un véritable acte de terrorisme, pendant la campagne électorale, quelques mois auparavant, et nous étions persuadés que le PQ ne ferait pas le poids. Nous n'étions donc pas CONTRE le Parti québécois, nous étions «impatients», comme disait René Lévesque, et nous voulions, à tort ou à raison, accélérer le cours de l'histoire.
Aujourd'hui, je pense encore et toujours que le Parti québécois est le seul véhicule qui peut nous mener vers l'indépendance, vers le pays québécois. Voter pour Québec solidaire, c'est retarder cette possibilité, c'est faire perdre du temps, c'est retarder l'élection d'un gouvernement social-démocrate indépendant au Québec et c'est, surtout, donner des munitions à ceux que nous combattons au plan politique. QS est donc leur complice, qu'il le veuille ou non.
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