Voilà qu’enfin l’on s’agite. Encore dans les mythomanies de la formidable intervention en Libye, l’on claironne : « Il faut intervenir en Syrie. »
La cause de cet émoi ? Les têtes coupées ? Palmyre rasée ? Les chrétiens déportés ? Non. La triste photo d’un petit garçon syrien mort sur une plage turque. Relayée dans tous les médias et commentée par tous les faiseurs d’opinion de grande surface, BHL en tête ; la guerre, vite, en mode twittos.
En quoi cette photo devrait-elle déclencher une réaction chez nous ? N’est-ce pas la Turquie qui est restée l’arme au pied devant Kobane, ville frontalière où est né l’enfant ? Qu’importe. Dans la philosophie « behelienne » de la guerre, une intervention militaire se pense comme une riposte émotionnelle.
Certains nous affirment leur précepte éternel « la solution est politique ». Affirmer cela avant même d’avoir sorti le fusil, c’est déjà une trahison intellectuelle. La solution est aujourd’hui strictement militaire et passe par le démantèlement de l’État islamique. Un État qui n’a rien de fantoche, dispose de ressources pétrolières conséquentes et d’une armée permanente, de même niveau qu’un petit pays européen.
L’on évoque volontiers la frappe aérienne, exercice fétichiste des stratèges en chambre : politiquement confortable, commercialement rentable, son efficacité médiatique est connue, totale et instantanée. Tout est maîtrisé. Les bateaux font des ronds dans l’eau, les avions font trois petits tours et puis s’en vont. Cet apparent contrôle peut avoir des conséquences incalculables. Le théâtre d’opérations déserté, qui sait quelles factions au sol vont réellement exploiter les effets des frappes ? On l’a vu en Libye. Mais enfin, quelles chances de remporter un réel succès ? Hitler a-t-il fait plier la Grande-Bretagne par la campagne aérienne ?
Alors oui, une opération terrestre est indispensable, mais avec quelles troupes ? Après des années de réduction d’effectifs, engagés dans le retrait afghan, nous étions incapables d’expédier une seule unité en Libye en 2011. Et aujourd’hui ?
La vérité est que si une victoire militaire totale sur l’État islamique est obligatoire, nous Français sommes aujourd’hui incapables de la remporter ni au plan diplomatique, ni sur le terrain. Nos intransigeances dans l’affaire syrienne nous placent aujourd’hui dans le wagon de queue du règlement du conflit.
La réalité géopolitique est qu’un islam laïc et proche du monde chrétien est en voie de disparition. C’est pourtant l’islam incanté par tous les Charlie, les fans du « pas d’amalgame » et des « printemps arabes ». Cruel dilemme : cet islam issu de la décolonisation, influencé par le modèle soviétique, est infréquentable car encore marqué du double sceau de l’infamie – le nationalisme et l’antisionisme. Aussi nos politiques lui préfèrent l’islam intégral, sonnant et trébuchant des pays du Golfe. La fin annoncée du kémalisme turc, l’écroulement de l’Irak, de la Syrie et de la Libye par la volonté occidentale sonnent le glas de ce panarabisme laïc, ennemi juré du rêve coranique global des religieux sunnites. C’est sur ses décombres que le califat monstrueux est apparu et poursuit son expansion.
Comme dirait Gaspard Proust, « Alors, elle est pas belle, la vie ? »
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