Hugh Grant passe du rôle du méchant dans Paddington 2 à celui de colporteur – ça lui rappelle ses jobs de jeunesse quand il vendait des housses de cintres, et à nous la scène de Love Actually. Mais en dépit du porte-à-porte de l’acteur qui prône un vote tactique lib-dem ou travailliste, pour battre le conservateur parce que « le pays est au bord d’un véritable gouffre », Le Monde titre : « Johnson maintient son avance. » À une semaine des législatives anticipées du 12 décembre, un sondage YouGov place les conservateurs à 42 %, contre 33 % pour le Labour.
Les circonscriptions du Red Wall, allant du pays de Galles, à l’ouest, jusqu’à Newscastle, à l’est, terres de la grande révolution industrielle, acquises aux travaillistes, basculent dans le camp conservateur en raison du Brexit promis par Boris Johnson.
Mais à l’instar de l’acteur Hugh Grant, les anciens Premiers ministres Tony Blair et John Major, respectivement travailliste et conservateur, veulent un contre-référendum. Major, le conservateur, appelle à « ne pas voter conservateur afin d’éviter le Brexit le 31 janvier 2020 ». Une partie de l’Establishment est dans tous ses états. Corbyn aussi promet un nouveau référendum, mais sans dire s’il souhaite voter pour ou contre.
Après le dernier débat télé, sur la BBC, entre Boris Johnson et Jeremy Corbyn, la correspondante du Monde à Londres note, non sans ironie, que « le Premier ministre n’a pris aucun risque, et déroulé jusqu’à la caricature son slogan de campagne » « Get Brexit Done » (« Faisons le Brexit »). « Au moins treize fois, se sont amusés à compter certains sur Twitter. » Le titreur du Monde rectifie en intertitrant : « Get Brexit Done », un slogan percutant.
Édouard Husson avait déjà salué ce slogan, « Get Brexit Done ! », lancé lors du congrès de Manchester. Les conservateurs ont inventé, grâce à cette « merveilleuse langue anglaise », un « slogan facile à répéter à temps et à contretemps. Il faut en finir, et un tel slogan est adapté aussi bien à une campagne électorale » qu’à une manifestation ou un titre de journal.
C’est la langue qui fait l’âme d’un peuple, l’homme, le pays… et c’est l’enjeu de la littérature. « Le vieux Marley, l’associé de Scrooge, était aussi mort qu’un clou de porte » (as dead as a doornail) : c’est ainsi que commence le conte de Noël de Charles Dickens, une histoire de fantômes pour Noël. L’écrivain nous confie qu’il aurait lui-même plutôt parlé d’un clou de cercueil pour faire une métaphore sur la mort. (But the wisdom of our ancestors is in the simile; and my unhallowed hands shall not disturb it, or the Country’s done for. You will therefore permit me to repeat, emphatically, that Marley was as dead as a doornail) « Mais la sagesse de nos ancêtres est dans l’analogie, et mes mains profanes n’y toucheront pas ; autrement le pays est perdu. Vous me permettrez donc de répéter avec insistance que Marley était aussi mort qu’un clou de porte. » Tout le conservatisme so British tient dans cette phrase, un conservatisme qui est le socle de la civilisation britannique.
Est-ce un hasard si, sollicité par le présentateur du précédent débat, ce conte de Noël fut le cadeau imaginé par ce vieux trotskiste de Corbyn pour Boris qui, en bon ours Paddington, lui offrait un pot de confiture ?
Le sondage en projections de voix YouGov, en fin de semaine dernière, prédit 359 sièges (la majorité est à 326) pour les conservateurs, loin devant les 211 du Labour, qui perdrait nombre de ses bastions historiques pro-Leave dans le nord et le centre du pays. Le Scottish National Party aurait 43 sièges, et les Lib-Dem seulement 13.