Robin di Angelo est une militante américaine, égérie du multiculturalisme et du féminisme, notamment célèbre pour avoir défini le concept de « Fragilité blanche », une pathologie propre aux personnes perçues comme blanches, consistant à ne pas aimer se faire traiter injustement de raciste. Slate
Pour Jordan Peterson de l’Université de Toronto : « Robin di Angelo est la reine rhétorique de la pensée des “guerrières de la justice sociale” (SJW). La trame métissée du postmodernisme, du marxisme, de la théorie critique et du féminisme qu’elle tresse est probablement ce qui se rapproche le plus d’une politique concrète ».
Elle publie ce jour une tribune dans The Guardian titrée « Les Blancs ne doivent plus considérer que la gentillesse est une réponse aux inégalités raciales », en partie traduite ci-dessous :
En tant que Blanche, universitaire, consultante et écrivaine spécialisée dans l’identité raciale des Blancs et leurs relations raciales, je discute quotidiennement avec d’autres Blancs du sens de la race dans nos vies. Ces conversations sont essentielles car, quasi-systématiquement, l’inégalité raciale perdure et que les institutions continuent d’être largement contrôlées par les Blancs. Bien que la plupart d’entre nous se considèrent comme «non racistes», nous continuons à reproduire des réflèxes racistes et à mener des vies « ségréguées ».
Lorsque j’organise des ateliers sur l’équité raciale dans des entreprises américaines, je laisse toujours une minute de libre expression aux participants autour de la question suivante : «Comment ma vie a-t-elle été façonnée par ma race ?». Si les personnes de couleur n’ont la plupart du temps aucun problème à aborder le sujet, ce n’est en revanche pas le cas pour les personnes Blanches, qui ne supportent que rarement de réfléchir à cette question plus d’une minute. (…)
L’incapacité Blancs à répondre à cette question rend impossible toute pensée critique autour du sujet des tensions raciales et conduit les Blancs à supposer que la gentillesse est une réponse efficace aux inégalités raciales (…).
Une incapacité à lutter contre les dynamiques raciale est omniprésente chez les jeunes Blancs qui ont été élevés dans une idéologie de daltonisme. Je travaille avec de grandes entreprises technologiques dont la plupart des employés a moins de 30 ans. Les employés blancs sont généralement abasourdis lorsque leurs collègues de couleur témoignent lors de ces séances des affronts et des indignités quotidiens qu’ils subissent et de l’isolement qu’ils ressentent dans des lieux de travail majoritairement blancs. Cette douleur est particulièrement aiguë pour les Afro-Américains, qui ont tendance à être les moins représentés.
Alors que le mince espoir d’une société post-raciale, émergeant pendant les années Obama a été anéanti par la politique actuelle, la plupart des Blancs continuent de conceptualiser le racisme comme un acte de méchanceté isolé. Cette définition est pratique et réconfortante dans la mesure où cela permet aux Blancs de s’affranchir du système basé autour de la suprématie blanche dans lequel nous vivons et sur laquelle nous façonnons. C’est à la base du type le plus commun de défense blanche : « Si les racistes sont intentionnellement et ouvertement méchants, il s’ensuit que les gentils gens ne peuvent pas être racistes » (…)
De fait, les Blancs se sentent obligés de transmettre leur gentillesse aux personnes de couleur. Cette gentillesse peut être transmise par un ton amical de la voix, par des contacts visuels chalereux, accompagnés d’un sourire, par un partage d’affinités (en passant une musique supposée être apprécié par la personne de couleur, en la complimentant sur sa coiffure ou son style vestimentaire, en louant les voyages dans un pays supposé être celui d’où est originaire l’interlocuteur, en indiquant connaitre des personnes appartenant à sa communauté…).
La gentillesse est une bonne chose dès lors qu’elle se base sur la compassion, l’aide de l’autre (ex : s’arrêter pour aider une personne dont la voiture est en panne, discuter avec une personne en difficulté…). Ce n’est pas de cette gentillesse dont je parle plus haut, qui au contraire, est fugace, creuse et intéressée.
La proximité avec des personnes de couleur est également considérée comme une preuve de non-racisme : « Je travaille dans une boîte qui emploie des étrangers », « Je connais et/ou aime les gens de couleur », « j’habite un quartier populaire et/ou cosmopolite ». Ces affirmations sont importantes car elles révèlent ce que les Blancs pensent être raciste. Si je peux tolérer (et surtout si j’apprécie et valorise) la proximité, je ne dois pas être raciste; un «vrai» raciste ne peut supporter d’être à proximité de personnes de couleur, encore moins de sourire ou de transmettre des sentiments de sympathie. (…)
J’ai entendu beaucoup de Noirs américains me parler de leur gêne des Blancs «trop souriants». (…) Cette bienveillance éphémère ne permet pas de résoudre les problèmes que les Noirs rencontrent dans les espaces blancs. Des amis noirs m’ont souvent dit qu’ils préféraient être dans des situations d’hostilité plutôt que de gentillesse, car il ils savent comment gérer cette hostilité ouverte et se protéger au besoin. La gentillesse des Blancs étant faussées par les facteurs évoqués plus haut, cela rend difficile aux Noirs l’interprétation du sentiment réel de leur interlocuteur Blanc.
La gentillesse ne rompt pas avec la solidarité blanche et le silence blanc. En fait, nommer le racisme est souvent perçu comme peu agréable, ce qui déclenche une fragilité blanche.