IDÉES

Plaidoyer pour l’art

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Excellent plaidoyer pro arte






Je n’aime pas écrire. Les paroles s’envolent, les écrits restent. À chacun son métier. Je suis un homme de réflexion qui a d’abord besoin de faire, de construire, de bouger. Je suis ce qu’on appelle généralement un homme d’action, un homme d’affaires. L’injustice, par ailleurs, m’est intolérable, de même que tout ce qui cache la vérité. C’est ce qui m’amène aujourd’hui à prendre la parole.


 

Je fréquente assidûment depuis 40 ans le milieu de la musique et celui des arts visuels, qui me passionnent et m’inspirent particulièrement, et cela, quotidiennement. Je vivrais difficilement sans l’un ou l’autre. Non seulement j’y ai trouvé au fil des ans une raison de vivre, mais c’est par ce chemin que j’ai pris la mesure de ma nature d’Homme au sens le plus profond du terme. Une lente maturation dont on ne voit jamais le bout. La quête incessante et soutenue d’un absolu, d’une vérité, voilà ce que signifie pour moi vivre avec l’art. Langage universel, je sais que la musique élève l’esprit, que regarder et voir des oeuvres d’art aiguise notre sensibilité et adoucit nos moeurs. Voilà pourquoi il faut rendre accessible l’art au plus grand nombre.


 

Je défends la culture québécoise depuis longtemps. J’ai dirigé à une certaine époque les destinées du Musée d’art contemporain, celles du journal Le Devoir, qui vivait alors des moments difficiles. Plus récemment, j’ai eu le bonheur de m’associer au Musée des beaux-arts de Montréal en inspirant la création de sa splendide salle de concert. J’ai eu le privilège, au fil des ans, de côtoyer artistes, musiciens, conservateurs de musée, professionnels de la culture, galeristes, d’ici et d’ailleurs. C’est un milieu extrêmement riche en talents et en savoir-faire, où se déploient passion, dévouement, travail acharné et persévérance.


 

Reconnaissance


 

Comme beaucoup d’autres, j’assiste avec tristesse et consternation au désengagement progressif de plusieurs médias importants (et c’est une tendance lourde…) dans la défense et la reconnaissance des artistes authentiques, sérieux et reconnus par leurs pairs et par les professionnels de l’art. Il est devenu extrêmement difficile pour plusieurs artistes de chez nous de se faire connaître, de se faire entendre et d’être reconnus à leur juste valeur.


 

On taxe souvent d’élitisme certaines pratiques artistiques plus difficilement accessibles pour les non-initiés et peu rentables pour les adeptes de résultats financiers à tout prix et de courte vue. Pourtant, ce sont celles-là qui traversent le temps et feront un jour époque. Il faut savoir les reconnaître et les soutenir avant que s’installent le découragement et le doute qui menacent pourtant constamment ceux qui forcent les limites, prennent des risques, sacrifient souvent confort et amours à leur travail. J’ai connu trop d’artistes enfermés dans une invivable solitude, portés à l’amertume et parfois à l’abandon, en pure perte.


 

Nous avons récemment appris le décès d’une peintre québécoise dont on soulignait dans plusieurs médias l’importante carrière tant ici, au Québec, qu’au niveau international. On a dit que des personnalités québécoises avaient abondamment collectionné ses oeuvres, qu’elle s’était établie à New York, ce qui aurait contribué à sa notoriété. On déplorait d’ailleurs le peu d’intérêt qu’avaient manifesté jusqu’ici les musées canadiens et québécois pour son travail, plaidoyer pour le moins surprenant livré par ces médias envers une peintre de chez nous, malheureusement décédée trop jeune.


 

Imaginaire


 

Ce que je m’explique mal, par ailleurs, c’est le peu d’intérêt et souvent même le silence monacal de ces mêmes médias envers des artistes déjà reconnus par leurs pairs et par les professionnels du milieu, dont le rôle ingrat mais nécessaire est de départager et de choisir parmi les nombreuses démarches artistiques celles qui font un minimum de consensus, celles qui relèvent d’un art véritable, celles qui, comme on le dit dans le métier, touchent à quelque chose…. qui ont quelque chose à dire…


 

Quelle place réserve-t-on aujourd’hui dans notre imaginaire collectif aux Ulysse Comtois, Yves Gaucher, Charles Gagnon et autres pionniers des années 1960, 1970 et 1980 ? Qui connaît aujourd’hui le travail de Lyne Lapointe, de Michel Goulet, de Stéphane Larue, de Serge Tousignant, de John Heward, de Jocelyne Alloucherie… ?


 

Où sont ceux, outre les institutions muséales et quelques marchands, qui défendront nos élites artistiques d’aujourd’hui et de demain ? Quel est le rôle des médias, de nos radios d’État, des universités dans la diffusion et la défense des artistes d’ici ? Sommes-nous tous responsables collectivement d’une lamentable dérive qui fait place à la facilité, au tape-à-l’oeil et aux grandes pompes ? À l’indifférence ? Quelles valeurs souhaitons-nous défendre pour porter notre pays vers l’avenir ? Que voulons-nous montrer de nous au reste du monde ? Quelle est notre vision du monde ? Devrions-nous en faire une priorité dans nos débats publics ?


 

Prise de conscience


 

Toutes ces questions m’interpellent. Je les partage quotidiennement avec des proches, nombreux à être inquiets.


 
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