Pipeline: le Québec est-il une colonie?

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Il est grand temps de regarder la situation en face





Denis Coderre, le maire ultrafédéraliste de Montréal, qui a fait l’essentiel de sa carrière politique au Parti libéral du Canada, s’est fait reprocher par Rona Ambrose, la cheffe du Parti conservateur, de menacer l’unité nationale canadienne.


La raison? Son opposition, et celle d’autres maires québécois, au projet Énergie Est.


Quelques jours plus tôt, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, s’en était pris aussi à Denis Coderre et à ceux qui s’opposent au pipeline.


Sa formule était cinglante: si le Québec ne veut pas du pipeline, qu’il rembourse l’argent qu’il a reçu au fil des ans de la péréquation. À peine plus poli, Jason Kenney a dit la même chose.


Hargne


Pourtant, le Québec n’est pas le seul à avoir dit non à Énergie Est. Mais son refus est le seul à susciter une telle colère.


Pourquoi?


Parce que du point de vue du Canada anglais, le Québec est une province entretenue qui devrait avoir la décence de se coucher quand on a besoin de s’essuyer les pieds sur un tapis.


Au Canada, on reconnaît implicitement que le Québec prendra la plupart des risques environnementaux et qu’ils sont significatifs.


On reconnaît aussi que les retombées économiques du pipeline seront très limitées pour nos gens.


Mais on insiste quand même: le Québec devrait faire sa part au nom du fédéralisme.


Jouer honnêtement le jeu fédéral, cela consiste à faire passer, sur les questions vitales, l’intérêt du Canada avant celui du Québec.


Nos Canadiens sont d’une honnêteté déconcertante. Nous ne serons vraiment considérés comme des citoyens loyaux que lorsque nous oublierons nos intérêts spécifiques.


En un mot, si nous préférons notre environnement à leurs sables bitumineux, nous serons accusés de déloyauté au Canada. Peut-être aussi de trahison?


On se demandait, au début des années 1960, si le Québec était une colonie. La formule circulait chez les indépendantistes. Avec le temps, elle est passée de mode. Peut-être faudrait-il y revenir?


Coucouche!


À tout le moins, on sait que pour un grand nombre de Canadiens anglais, le Québec n’a pas droit à sa propre vision des choses sans susciter immédiatement le mépris ou la hargne.


Il faut le rappeler à l’ordre et lui faire comprendre que ses petites préoccupations vertes sont immatures devant celles de l’impérialisme pétrolier.


Il n’a pas le droit d’avoir sa propre vision environnementale et doit se soumettre au pétrocapitalisme albertain, qui historiquement, a joué un rôle nuisible à l’économie québécoise.


Il doit faire le beau et tendre la patte pour la pitance qu’on nomme péréquation, qui n’est qu’une manière de le domestiquer.


On aime se faire croire, aujourd’hui, que la question nationale est dépassée.


On veut croire que le Canada a fait la paix avec le Québec, qui mènerait de son côté sa petite vie tranquille.


Foutaise.


Il suffit qu’un enjeu de fond remonte à la surface pour que le réel reprenne ses droits: le Québec doit se soumettre. Au Canada, on l’aime ainsi.




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