Lors d'une conférence de presse la semaine dernière en compagnie du président américain, Barack Obama, Stephen Harper affirmait que les Canadiens n'ont rien à craindre d'une plus grande collaboration entre les deux pays dans la gestion de leur frontière commune. Photo: AFP
***
Joël-Denis Bellavance La Presse (Ottawa) - Le gouvernement Harper reconnaît qu'il devra mettre les bouchées doubles pour convaincre une majorité de Canadiens d'approuver un éventuel accord avec les États-Unis pour créer un périmètre de sécurité nord-américain.
Le meilleur moyen d'y parvenir est de marteler le message qu'un tel périmètre est crucial pour assurer la prospérité économique à long terme du Canada, soutient-on dans un document préparé le ministère de la Sécurité publique pour mettre au point une stratégie de communication.
«Un partenariat sur le périmètre de sécurité est essentiel à la création d'emplois, à la prospérité et à la compétitivité de notre économie dans un environnement sécuritaire», affirme-t-on dans ce document de 14 pages obtenu hier par La Presse.
Dans ce document, on reconnaît aussi qu'il faudra s'assurer de maintenir l'appui en faveur de ce projet aux États-Unis.
«Un plus grand partage d'informations fait partie de cette initiative. La protection de la vie privée et la protection de la souveraineté seront une source d'inquiétude pour les Canadiens», affirme-t-on dans le document.
Coup d'envoi aux pourparlers
La semaine dernière, le premier ministre Stephen Harper et le président américain Barack Obama ont donné à Washington le coup d'envoi aux pourparlers devant mener à la création d'un périmètre de sécurité.
Ces pourparlers doivent permettre une meilleure collaboration entre les deux pays dans quatre domaines précis: assurer une réponse rapide aux menaces terroristes; faciliter le commerce à la frontière et soutenir la croissance économique et la création d'emploi; intégrer les opérations transfrontalières d'application de la loi; et protéger les infrastructures essentielles et la cybersécurité.
Les deux leaders ont aussi annoncé la création d'un conseil de coopération en matière de réglementation, qui proposera des mesures à prendre pour harmoniser les règlements dans divers secteurs.
En conférence de presse en compagnie de M. Obama, M. Harper a soutenu que les Canadiens n'ont rien à craindre d'une plus grande collaboration entre les États-Unis et le Canada dans la gestion de leur frontière commune.
«Ce n'est pas une question de souveraineté; il s'agit d'utiliser notre souveraineté au bénéfice des Canadiens. C'est dans l'intérêt du Canada de travailler avec ses partenaires aux États-Unis pour s'assurer que nos frontières soient sûres et que nous puissions voyager et faire du commerce de la façon la plus sécuritaire et ouverte possible, dans le contexte de nos différentes lois.»
»Vive opposition» en perspective
Or, le plan de communications démontre que le gouvernement Harper s'attend à une vive opposition de plusieurs groupes en lançant de tels pourparlers. Plusieurs ministres - le ministre de l'Industrie, Tony Clement, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, le ministre du Commerce international, Peter Van Loan, le ministre des Transports, Chuck Strahl, le ministre des Finances, Jim Flaherty, le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, le ministre de la Défense, Peter MacKay, et le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews - seront mis à contribution pour défendre et expliquer les intentions du gouvernement fédéral.
L'ambassadeur du Canada aux États-Unis, Gary Doer, et les chefs de mission dans plusieurs États américains seront aussi appelés à défendre ce projet au cours des prochains mois.
Le plan de communications prévoit que la commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, exprime des inquiétudes au sujet du partage d'informations et du respect de la vie privée des Canadiens. À cet égard, on recommande aux ministres de dire que le gouvernement «valorise et respecte nos obligations constitutionnelles qui protègent la vie privée, les libertés civiles et les droits humains».
On s'attend aussi à ce que le gouvernement du Mexique exprime sa colère d'être laissé de côté de ce projet. Les ministres devront affirmer «que les accords bilatéraux n'empêchent pas la conclusion éventuelle d'une entente trilatérale. À titre d'exemple, ils devront aussi rappeler l'existence de l'Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Les organisations qui défendent les droits des immigrants vont aussi pester contre un tel accord, selon le plan de communications. Les ministres devront répliquer qu'un périmètre de sécurité permettra «d'accélérer le traitement des voyageurs légitimes» et ne changera pas les politiques d'immigration et de réfugiés au pays.
Le gouvernement Harper s'attend aussi à ce que ce projet suscite la controverse aux États-Unis. On s'attend à ce que certains affirment que cela va «menacer les emplois aux États-Unis». Les ministres devront répondre à ces critiques en disant qu'un périmètre de sécurité «va profiter autant à l'économie américaine qu'à l'économie canadienne».
La semaine dernière, le chef du Parti libéral Michael Ignatieff s'est indigné du secret qui entoure les pourparlers entre Ottawa et Washington sur le périmètre de sécurité.
Aux Communes, hier, les trois partis de l'opposition ont réclamé un débat sur cette question et la tenue d'un vote au Parlement sur tout accord entre le Canada et les États-Unis.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé