La sénatrice conservatrice Lynn Beyak a été exclue du caucus conservateur, après avoir apparemment pris la résolution de continuer à propager en 2018 le même message controversé — considéré comme « raciste » par plusieurs — qu’elle avait véhiculé en 2017 sur les pensionnats autochtones.
Dans un communiqué publié tard jeudi, le chef conservateur Andrew Scheer a affirmé qu’« en raison de ses actions », Mme Beyak avait été exclue du caucus par lui-même et le leader conservateur au Sénat, Larry Smith.
« Le racisme ne sera pas toléré au sein du caucus conservateur, ni au sein du Parti conservateur du Canada », a affirmé M. Scheer.
Dans une récente entrée sur son site Internet personnel sénatorial, Mme Beyak a partagé des dizaines de « lettres d’appui » dans lesquelles plusieurs des auteurs publiés se disent d’accord avec sa position.
En guise d’introduction, la sénatrice écrit que « de nombreuses personnes » lui ont signifié « comment le fait d’avoir fréquenté un pensionnat autochtone a été une expérience positive pour elles ».
Elle précise que « ces gens croient qu’ils ont acquis des habiletés utiles et qu’ils ont bénéficié des activités récréatives et de la pratique de sports ».
On peut lire, dans certaines des missives publiées sur la page Web sénatoriale, des propos allant dans ce sens.
Un dénommé Eardley note que « beaucoup de bien a été fait » dans ces institutions créées « pour donner aux jeunes autochtones une chance d’apprendre et de faire partie de la société moderne ».
Un autre correspondant, Roy, estime pour sa part que grâce aux pensionnats, les autochtones « peuvent fonctionner dans notre monde moderne, jusqu’à un certain point ».
Quant à Terry, il soutient que « certainement, la décision d’assimiler les Premières Nations au Canada était et demeure la bonne ».
D’autres encore débordent du thème, comme Larry, qui félicite la sénatrice de « se tenir debout et réclamer des comptes » pour les « MILLIONS en taxes » versés aux autochtones.
« J’ai demandé à la sénatrice de retirer ce contenu de son site Web. Elle a refusé », a dit M. Scheer.
Cette nouvelle sortie de la sénatrice ontarienne a été vigoureusement dénoncée par la ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett.
« La plupart des lettres qu’elle a affichées sur son site Web du Sénat pour appuyer sa position ont été interprétées comme racistes », a-t-elle souligné jeudi dans une déclaration écrite transmise par son attachée de presse.
« Il est inacceptable que la sénatrice Beyak puisse continuer à valider les opinions de ceux qui refusent d’accepter la vérité et propage la désinformation et les préjugés qui continuent de nourrir le racisme dans notre pays », a insisté Mme Bennett.
Le chef néodémocrate, Jagmeet Singh, a tenu des propos similaires dans une déclaration transmise à La Presse canadienne, qualifiant de « dégoûtantes » les « tentatives continuelles de la sénatrice Beyak pour justifier ses commentaires racistes sur les pensionnats autochtones ».
« Encore une fois, Mme Beyak n’a pas été à la hauteur des normes éthiques de base, et à titre de sénatrice, elle n’a aucun compte à rendre de ses actions », a-t-il reproché, demandant à « tous les parlementaires de s’unir pour exiger » que la sénatrice soit mise à la porte.
En 2017, la sénatrice n’a jamais rectifié ses déclarations, a accusé les médias de désinformation et a toujours martelé qu’elle était à la chambre haute pour y rester.
Invitée à commenter l’utilisation de ressources sénatoriales par la sénatrice Beyak, une porte-parole du Sénat, Alison Korn, a soutenu que « chaque sénateur est responsable du contenu que lui-même et son personnel choisissent de publier sur son propre site Web ».
« Le Sénat offre des services limités aux sénateurs pour leur site Web, notamment des modèles et l’hébergement Web pour leur usage personnel, dans le cadre de la trousse de ressources administratives à la disposition de tous les sénateurs », a-t-elle expliqué.
Sur la sellette au printemps dernier
Lynn Beyak s’était retrouvée sur la sellette pour une première fois au printemps dernier en déclarant, dans un discours à la chambre haute, qu’il y avait de bonnes intentions derrière les pensionnats autochtones.
Ces propos avaient choqué, et plusieurs élus à Ottawa avaient demandé que la sénatrice soit évincée du caucus conservateur. À l’époque, la chef intérimaire du parti, Rona Ambrose, avait réagi en la privant du siège qu’elle occupait au comité sénatorial sur les peuples autochtones.
Quelques mois plus tard, la sénatrice récidivait en laissant entendre, dans une lettre publiée sur son site Internet, que les autochtones n’étaient pas des citoyens canadiens. « Échangez votre certificat de statut [indien] contre la citoyenneté canadienne […] », écrivait-elle.
La ministre Bennett avait alors mis au défi le chef conservateur, Andrew Scheer, d’exclure Lynn Beyak du caucus du parti ; la même requête avait été formulée par le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde.
Le leader de l’opposition officielle s’était refusé à le faire, mais il avait insisté, dans une déclaration transmise par une porte-parole, sur le fait que les déclarations de la sénatrice ne reflétaient « en rien la pensée du chef ni du parti ».
Au Sénat, les déclarations avaient été traitées comme un enjeu « interne » et « un ensemble de mesures qui guideront la sénatrice à l’avenir » avaient été adoptées, selon ce qu’avait signalé le sénateur Larry Smith.
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