C’est la triste histoire d’un Québec terriblement mal gouverné. L’audace, la compétence et la probité, sans lesquelles la Révolution tranquille n’aurait jamais vu le jour, sont chose du passé. Le rapport brutal de la vérificatrice générale (VG) sur le gâchis de la Société immobilière du Québec (SIQ) s’ajoute en fait à une longue liste d’inepties.
Des inepties aussi teintées trop souvent de corruption et de patronage. Le gouvernement Marois a certes connu son lot d’inaptitude. Le PLQ est néanmoins celui qui a le contrôle du trésor public depuis presque quinze ans. Du moment où, en plus, Jean Charest a transformé son parti en machine à ramasser l’argent, la recette était parfaite pour multiplier les dérapages en matière d’éthique et de gestion.
À la SIQ, des dizaines de millions en fonds publics se sont évaporés sous l’ère Charest. Des collecteurs de fonds libéraux en auraient même profité.
L’an dernier, dans un reportage cinglant d’Enquête sur la SIQ, Monique Jérôme-Forget, ministre responsable à l’époque, s’exclamait même sans vergogne que le sujet ne l’intéressait tout simplement pas.
N’en jetez plus. La cour de l’aveuglement volontaire est pleine. Or, la SIQ n’est qu’un cas parmi d’autres de ce que la VG qualifie timidement de « mauvaise gestion » et d’« imprudence ».
L’ensemble de l’œuvre
Dans ce Québec gouverné tout croche, la commission Charbonneau a aussi dressé le portrait d’une corruption et d’un financement politique illégal endémique jusqu’à tout récemment.
Sur le front identitaire, la VG révèle que la francisation de nombreux immigrants est ratée. Le français recule pendant que le gouvernement chouchoute la communauté anglophone à des fins électoralistes. Pour le seul État francophone du continent, c’est dramatique.
Selon le Conseil supérieur de l’éducation, notre système scolaire est également devenu le plus inégalitaire au pays. En santé, le diagnostic est à l’avenant. Les « réformes » Barrette et l’austérité ont affaibli et désorganisé des pans entiers du système public de santé et de services sociaux.
Pour faire oublier ce triste tableau aux Québécois, à moins d’un an des élections, le gouvernement Couillard leur offre une baisse d’impôt risible valant 76 cents par jour, par personne.
Envolée lyrique
Malgré l’ensemble de l’œuvre, les enquêtes de l’UPAC et l’arrestation des ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, Philippe Couillard reste de glace. Incapable de se dissocier de l’ère Charest, il l’embrasse maintenant de tout cœur.
Visé par une enquête de l’UPAC, l’ex-premier ministre Charest est en effet invité au congrès du PLQ. Hier, en période des questions, M. Couillard s’est même permis une envolée lyrique en hommage à son prédécesseur.
Jean Charest, disait-il, est celui qui « a littéralement géré une crise financière d’ampleur internationale de façon remarquable, qui a lancé le Plan Nord, le libre-échange avec l’Europe, l’équité salariale, la représentation paritaire des hommes et des femmes dans les conseils d’administration et au Conseil des ministres. Je pense que quand [François Legault] aura fait la moitié de ça [...], on pourra en reparler. »
Comme quoi, même en politique, on choisit ses amis, mais pas sa famille...