C'est une petite révolution au Parlement européen : les eurodéputés populistes pourraient enfin accéder à deux présidences de commission à la suite d'un accord avec les autres formations politiques. Il a été convenu que les présidences des commissions Agri (Agriculture) et Juri (Affaires juridiques) leur seraient réservées conformément à la répartition proportionnelle issue du principe de Dhont.
Tout juste fondé par Matteo Salvini et Marine Le Pen, le groupe Identité et démocratie (« ID ») se voit aussi réserver la 1re vice-présidence de la commission Afco (Affaires constitutionnelles), la deuxième vice-présidence de la commission Econ (Affaires économiques et monétaires) et de la commission Cont (Contrôle budgétaire). ID pourrait ainsi entrer dans le jeu politique européen. La politique du « cordon sanitaire » qui les tenait en lisière est-elle pour autant abandonnée ? Tout dépend des votes des députés des autres formations. Suivront-ils la semaine prochaine la répartition ainsi décidée par les groupes lorsqu'il s'agira d'élire tel ou tel député eurosceptique à la tête des deux commissions réservées ?
« Nous voulons participer au débat et peser sur les décisions », indiquait, du reste, la veille, l'eurodéputé Thierry Mariani, récemment rallié au Rassemblement national. Le Rassemblement national ne souhaite plus être perçu comme europhobe et a abandonné l'idée de quitter l'Union européenne et l'euro au cours de la campagne européenne. Reste à savoir jusqu'à quel degré d'implication les 73 eurodéputés du groupe Identité et démocratie seront prêts à aller, sachant que la concession réciproque est le ferment de toute vie parlementaire européenne. Nicolas Bay, le vice-président du groupe Identité et démocratie, avait amorcé ce mouvement vers une forme de normalisation des relations avec l'Union européenne, mais n'avait pas toujours reçu le soutien des siens lors du précédent mandat.
La PAC en question
La présidence de la commission Agri par un élu ID n'est pas tout à fait sans incidence pour la France, traditionnellement le pays qui soutient le plus fermement le budget affecté à la Politique agricole commune (PAC), car il en est le principal bénéficiaire. Or, Marine Le Pen s'oppose à la PAC et professe une renationalisation des aides aux agriculteurs. Une position qui rencontre le soutien d'une partie des Allemands... « Ce n'est pas un très bon signal », relève-t-on dans les rangs français des chrétiens-démocrates du PPE.
Pour Marine Le Pen, en quête de respectabilité dans la perspective de 2022, ce serait au contraire une excellente nouvelle. Le Rassemblement national pourrait prouver, à cette occasion, qu'il est capable de gérer la diversité européenne, de s'insérer dans un appareil institutionnel complexe sans créer de blocage et sans appeler à casser l'outil démocratique européen. Bref, un bon moyen de se montrer en capacité de tenir son rang en cas d'alternance. C'est précisément le cadeau que ne veulent pas lui faire ses adversaires... Il faut donc attendre de voir qui va réellement voter pour un président issu de la Lega ou du Rassemblement national la semaine prochaine.
Les sept présidences du PPE
S'agissant des autres formations, les chrétiens-démocrates du PPE, première formation du Parlement, obtient sept présidences de commissions (les Affaires étrangères, la Culture, le Développement, l'Industrie, les Affaires constitutionnelles, les Pétitions et les Contrôles budgétaires). Les sociaux-démocrates du groupe S&D présideront quatre commissions (Affaires économiques, Commerce international, Libertés civiles, Droits des femmes et Égalité des genres) et la sous-commission des Droits de l'homme. Les élus du groupe libéralo-centristes Renew Europe héritent de deux présidences de commission (Environnement, Pêche) et la sous-commission à la Défense. Le nom de l'ancien ministre Pascal Canfin est le plus souvent cité pour présider la commission Environnement.
Les Verts obtiennent la présidence de la commission du Marché intérieur et celle du Transport. Le groupe des conservateurs et réformistes (ECR, dont le PiS polonais) prendront deux présidences : la commission de l'Emploi et celle des Budgets. Rappelons que le parti Brexit de Nigel Farage n'a pas réussi à reformer de groupe parlementaire faute de troupes. Les Britanniques sont censés quitter l'Union européenne – et donc le Parlement européen – au plus tard le 31 octobre.