Vendredi soir, quelques heures avant que le premier ministre Justin Trudeau ne se rende dans l'un des plus grands temples sikhs du Canada, son gouvernement a accepté de changer la terminologie dans un rapport sur le terrorisme pour ne plus mentionner explicitement l'expression « extrémisme sikh ».
Le Rapport public de 2018 sur la menace terroriste pour le Canada publié en décembre avait soulevé l'ire de la communauté sikhe, puisqu'il indiquait pour la première fois que l'extrémisme sikh était l'une des cinq plus grandes menaces extrémistes du Canada.
Bien que les objections concernent en grande partie l'inclusion de sikhs dans ce rapport, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a fait savoir qu'il demanderait une révision de celui-ci, puisqu'une religion entière ne devrait jamais être assimilée à du terrorisme, a-t-il expliqué.
Le 7 avril dernier, M. Goodale a annoncé que le document de 2018 resterait tel quel, mais il a affirmé que les prochains rapports évoqueraient les idéologies et les intentions des extrémistes, et non pas leur religion.
Plutôt que les termes « extrémisme sikh », le gouvernement fera référence aux « extrémistes qui soutiennent les actions violentes pour établir un État indépendant en Inde ».
Ce mot d'ordre a changé vendredi soir, quelques heures avant que M. Trudeau ne participe à un événement avec son ministre de la Défense, Harjit Sajjan, dans un temple sikh de Vancouver.
« Le rapport a été mis à jour et reflète cette terminologie, qui sera utilisée dans les prochains rapports », est-il écrit dans un communiqué du ministère.
La communauté sikhe satisfaite
Balpreet Singh Boparai, avocat de l'Organisation mondiale des sikhs au Canada, a qualifié le rapport initial de « profondément blessant et insensible » et a bien accueilli le changement de cap du gouvernement.
Il croit toutefois que le gouvernement a trop tardé avant d'intervenir.
Et selon lui, le ministre Goodale passe à côté de la préoccupation plus générale selon laquelle le gouvernement n'a fourni aucune preuve de menaces extrémistes venant des Canadiens qui souhaitent voir naître un État indépendant sikh en Inde, le « Khalistan ».
« Prouvez-le ou retirez-le », a-t-il tranché.
Il n'a pas voulu se prononcer quant à savoir si cette dernière décision pourrait aider les libéraux à regagner la confiance de la communauté.
Un électorat important
Avec 16 députés sikhs élus sous la bannière libérale en 2015 et quatre ministres sikhs au sein du cabinet Trudeau, les relations entre la communauté et le gouvernement libéral semblaient être très positives.
Elles se sont toutefois détériorées lors du controversé voyage de Justin Trudeau en Inde, alors qu'il avait signé une entente avec le gouvernement indien pour combattre les menaces terroristes, dont deux groupes extrémistes sikhs : le Babbar Khalsa et la Fédération internationale de la jeunesse sikhe.
M. Singh souligne que certaines personnes de la communauté croient qu'il a signé l'entente avec le premier ministre Narendra Modi seulement pour sauver la face au terme de ce voyage.
Le séjour de M. Trudeau a notamment été marqué par la publication d'un reportage selon lequel le Canada avait invité à deux événements un homme appelé Jaspal Atwal, qui avait été reconnu coupable en 1986 de tentative de meurtre contre un politicien indien qui visitait l'île de Vancouver.
Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a adopté une résolution cette semaine pour convoquer le ministre Goodale à comparaître, avant le 21 juin, afin de réagir au Rapport public de 2018 sur la menace terroriste pour le Canada.