Il n’y a qu’un seul aspect positif au désintérêt d’Emmanuel Macron envers la francophonie. Pour la première fois depuis longtemps, un président français fait exactement pour la francophonie ce qu’il en pense : rien. La preuve : il n’y a pas de titulaire de la Francophonie dans son gouvernement. Cela a le mérite d’être clair.
Cela nous change de ce que tous ses prédécesseurs ont fait depuis 1986: une succession de 17 secrétaires d’État ou de ministres délégués nommés à la va-vite pour des mandats moyens de moins de deux ans.
Cette absence de titulaire de la Francophonie n’est pas une première. Pendant la présidence de Sarkozy, c’est arrivé dans deux des trois gouvernements Fillon, le premier et le troisième. Mais en début de règne, cette insistance à n’avoir aucun cadre francophone est d’un autre ordre.
On peut se désoler du manque de visibilité (et de lisibilité) que cela entraîne, mais il faut reconnaître que ce n’est pas un drame non plus. La francophonie n’a pas disparu du gouvernement. Simplement, elle est une direction parmi d’autres à l’intérieur du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, dirigé par le très capable Jean-Yves Le Drian.
De plus, la France aura toujours une action francophone même quand elle ne fait aucun effort en ce sens. Après tout, la France pèse lourd dans les affaires du monde, et son action favorise en général les francophones même en l’absence de dessein clair. À bien des égards, il est beaucoup plus important qu’Emmanuel Macron se préoccupe de la stature de la France que du statut de la francophonie.
Et puis, les Français sont entreprenants et des initiatives surgissent constamment. Une très grande réussite de la société civile française en matière d’action internationale a été Médecins sans frontières, suivie de peu par Médecins du Monde — dont le succès est tel qu’en anglais il est commun de parler tout simplement des « French Doctors ».
Ce n’était pas une première puisque, un siècle plus tôt, un groupe de citoyens a voulu compenser les carences de la diplomatie française en créant l’Alliance française, devenue aujourd’hui un vaste réseau de plus de 800 organisations locales dans près de 136 pays. Le développement de l’Alliance française fut si fulgurant qu’il a profondément infléchi l’action diplomatique de la France.
Donc, la situation de la francophonie est loin d’être désespérée, même si la francophonie n’a pas de ministère en titre dans le gouvernement français.
Aveuglement européen
L’obsession européenne du nouveau président m’apparaît plus préoccupante. Soyons clairs : l’Union européenne doit être la priorité de la politique étrangère française. Mais la France affaiblit sa position européenne en donnant l’impression de négliger la francophonie. D’abord parce que de nombreux pays européens appartiennent aussi à l’OIF. Mais surtout parce qu’à travers l’espace francophone la France fait la démonstration aux autres pays européens qu’elle est justement bien autre chose que l’Allemagne ou la Pologne.
Il y a dans l’obsession européenne de la France un déni de réalité. Car la France a engendré quelque chose de beaucoup plus grand qu’elle et de beaucoup plus grand que l’Europe. La France sans la francophonie renie la civilisation qu’elle a engendrée. (Alors même que la principale faiblesse de la francophonie mondiale est justement que la France refuse de se voir francophone.)
Toutes les fois où la France a été obsédée par l’Europe, elle s’est tirée dans le pied.
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