30 %, c’est le pourcentage de personnes au Québec qui ne s’intéresse pas à la politique selon Pierre-Alain Cotnoir, un spécialiste de l’opinion publique.
30 %, c’est à peu près le pourcentage de téléspectateurs qu’a perdu Occupation double le soir où Marc Bellemare est passé à Tout le monde en parle.
30 %, c’est aussi le pourcentage qu’obtiendrait un parti politique dirigé par François Legault.
Le confort et l'indifférence?
On ne peut pas construire un parti politique sur la base d’un segment de l’électorat dont la principale caractéristique est de ne pas avoir d’opinion et aucune fidélité à l’égard d’une option. Des gens qui, manifestement, favorisent une troisième voie parce qu’elle leur évite de faire des choix déchirants - s’engager entre le fédéralisme et l’indépendantisme ou entre la gauche et la droite - et qui préfèrent le confort apparent du centre droit.
Des gens qui, paradoxalement, veulent plus de services, mais payer moins d’impôts et de taxes. Des gens qui, même s’ils souhaitent que la planète soit moins polluée, préfèrent prendre leur voiture pour aller travailler le matin. Le genre de personnes qui ne sont pas prêtes à faire les sacrifices nécessaires pour défendre leurs valeurs.
Or, le programme que nous proposeraient les Facal, Legault et Bouchard serait probablement rempli de ces sacrifices à l’image du dernier budget présenté par les libéraux de Jean Charest. Moins d’impôts collectifs, moins de services gratuits et plus de tarifications à la pièce pour ceux qui veulent plus de services.
Comme on l’a vu à la réaction des Québécois à la suite de la présentation du dernier budget provincial, à part les plus riches de la société québécoise, je ne crois pas qu’une majorité d'entre eux soit d'accord pour s’engager dans une voie semblable. Si les électeurs que vise François Legault veulent payer moins d’impôts, ils ne veulent surtout pas payer plus de taxes. En ont-ils les moyens d’ailleurs ?
L'engagement et la responsabilité collective, des valeurs québécoises ?
Comme bien des Québécois, j’ai longtemps payé beaucoup d’impôts, et ce, même si j’avais une famille nombreuse. J’ai toujours compris que cet argent profiterait non seulement à mes enfants, mais également aux plus pauvres d’entre nous. Nous sommes plusieurs à partager ces valeurs au Québec et à militer dans des partis dits de gauche où la clientèle est plus fidèle et engagée.
En leur for intérieur, à cause de leur passé pas si lointain, les Québécois savent d’instinct qu’on est toujours plus riche collectivement que riche individuellement. C’est ce qui nous distingue des Anglo-saxons du continent nord-américain. Nous sommes moins individualistes.
Bien sûr, il existera toujours des personnes avides de richesses qui veulent payer le moins d’impôt possible, ne pas payer pour les autres, faire de l’argent, toujours plus d’argent. Ces gens sont en général les plus riches de la société. Ils sont peu nombreux au Québec, comme partout ailleurs sur la planète.
Comme ils sont plutôt conservateurs, mais aussi élitistes, au Québec on les retrouve surtout chez les libéraux provinciaux. Iraient-ils dans un parti dirigé par d’anciens indépendantistes ? Il faudrait qu’ils puissent y trouver leur compte en payant encore moins d’impôts et en recevant beaucoup de crédits à l’investissement. Il faudrait aussi que ce parti ne parle jamais d’indépendance pour qu’ils puissent généreusement y souscrire.
Comment pourrais-je appuyer personnellement un parti qui ne me propose rien de transcendant, rien d’aussi fort que la liberté et l’indépendance? Si le Québec doit avancer, ce ne sera certainement pas vers plus d’individualisme, mais vers plus de partage, plus de liberté, ce que manifestement ce parti ne proposera pas. Comment pourrais-je alors y adhérer ?
Les appuis à ce parti me semblent bien incertains, surtout bien éphémères, comme cette poussée momentanée que l’ADQ a connue juste avant de s’effondrer aux dernières élections, un peu comme l’audimat d’une émission du dimanche soir qui s’adresse à un public qui souhaite se divertir, surtout pas réfléchir. Dès que ça devient trop sérieux, on change de poste !
Même si certains Québécois estiment qu’une telle occupation double soit possible entre fédéralistes et indépendantistes, je ne crois pas que ce parti pourra les divertir avec le même succès qu’a connu l’ADQ lorsqu'elle leur offrait le one man show de Mario Dumont.
À cette enseigne, je ne crois pas non plus que les objectifs avoués des Legault, Facal et Bouchard concernant la productivité des Québécois amuseront bien longtemps ceux qui s’y sont intéressés le temps d’une nouvelle et d’un sondage à TVA. Il faut plus que cela pour fonder un parti politique.
* Titre d'une populaire émission du dimanche soir à TVA
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Occupation double ?*
Dès que ça devient trop sérieux, on change de poste !
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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