Les derniers sondages laissent entrevoir une victoire de la CAQ d’une ampleur telle que les partis d’opposition devraient se contenter de miettes.
Forcément, cela relance le débat sur la réforme du mode de scrutin, enterrée par le gouvernement Legault.
Il est vrai que ce gouvernement avait promis une réforme, qu’il n’ira pas de l’avant avec celle-ci, et on peut donc lui en faire le reproche.
Mieux?
La question plus fondamentale est de savoir si la réforme envisagée, si elle avait vu le jour, aurait été bénéfique pour le Québec.
Pas pour le Québec francophone, en tout cas. Je n’ai pas changé d’avis.
On peut à bon droit trouver problématique qu’un parti appuyé par moins de 50% des électeurs obtienne beaucoup plus que 50% des sièges et puisse gouverner à sa guise.
Mais les arguments en faveur du statu quo continuent à me sembler plus convaincants.
La réforme envisagée aurait augmenté les chances de produire des gouvernements de coalition faibles et instables, et la multiplication de petits partis radicaux.
Je ne voudrais pas qu’un parti comme QS puisse imposer ses conditions à une hypothétique coalition de gouvernement.
Un gouvernement de coalition, incluant QS ou le PLQ, aurait-il pu faire adopter la Loi sur la laïcité? Non, évidemment.
Les partis qui composeraient ce gouvernement de coalition pourraient-ils s’entendre sur une réforme sérieuse de la loi 101? Très peu probable.
Je pourrais multiplier les exemples.
Christian Dufour a fait plus que quiconque pour nous alerter sur le fait que la réforme envisagée aurait dilué le pouvoir de la majorité francophone du Québec sur le seul gouvernement qu’elle contrôle.
Les deux défaites référendaires des souverainistes, explique Dufour, ont affaibli le pouvoir du Québec au sein du Canada. L’évolution démographique accentue cet affaiblissement.
Les partisans du scrutin proportionnel, dit Dufour, font semblant de ne pas voir que le Québec n’est pas un pays souverain, mais une province en perte de vitesse dans le Canada.
Et on fragiliserait encore plus le pouvoir exécutif de l’État québécois avec des gouvernements de coalition?
On nous présente aussi souvent le scrutin proportionnel comme un remède au cynisme et la condition d’une revitalisation de notre démocratie.
Comment se fait-il, alors, qu’en Europe, où le scrutin proportionnel est en place à peu près partout, le désenchantement et l’abstentionnisme électoral soient encore plus élevés?
Les partisans de la réforme opposent un système connu – qui n’est pas sans défauts – à un système idéalisé et paré de toutes les vertus.
Derrière cette promesse d’un système plus «démocratique», je vois davantage de tractations opaques entre les états-majors des partis, un pouvoir accru pour les minorités de blocage, un gouvernement québécois affaibli.
Compromis
Loin de moi l’idée de nier les distorsions que notre système introduit entre le pourcentage de voix et le pourcentage de sièges.
Notre système n’est pas parfait, mais aucun ne l’est.
Le nôtre est un compromis entre la représentativité et l’efficacité, et il nous a globalement bien servis.