L’opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny a été arrêté dimanche à Moscou par la police, alors que des milliers de personnes en Russie ont manifesté à son appel pour dénoncer la «supercherie» de l’élection présidentielle du 18 mars.
Quelques minutes à peine après avoir rejoint ses partisans sur la rue Tverskaïa, dans le centre de la capitale russe, Alexeï Navalny a été interpellé par une dizaine de policiers et emmené de force dans un fourgon, selon des images diffusées par ses partisans.
«On vient de m’arrêter. Cela n’a aucune importance. Venez sur Tverskaïa. Vous n’êtes pas venus ici pour moi, mais pour vous et votre avenir», a-t-il écrit sur Twitter. «L’arrestation d’une seule personne n’a pas d’importance si nous sommes nombreux».
L’opposant a été inculpé pour «violation des procédures concernant l’organisation d’une manifestation», a indiqué la police moscovite dans un communiqué.
À Moscou, près de 4000 personnes, selon les estimations de l’AFP (environ 1000 selon un communiqué de la police), se sont rassemblées dans le centre-ville, entouré d’un dispositif policier impressionnant.
La manifestation s’est achevée vers 15H00 GMT, a annoncé l’équipe d’Alexeï Navalny sur Twitter et Youtube. «Vous avez le droit moral de rentrer chez vous avec le sentiment du devoir accompli», a-t-elle déclaré.
Une petite centaine de manifestants ont continué malgré tout à Moscou à crier des slogans contre le Kremlin, comme «À bas le tsar», devant le siège du gouvernement.
« Nous voulons la liberté, des élections justes et que Navalny soit présent aux élections », a déclaré à l’AFP une manifestante, Janna. «Ce ne sont pas des élections, mais un trompe-l’oeil.»
À Saint-Pétersbourg, dans le nord-ouest, quelque 1500 manifestants selon la police ont aussi scandé « La Russie sans Poutine » ou encore « Un, deux, trois, Poutine, tu t’en vas », encerclés eux aussi par d’importants effectifs policiers, avant de se disperser.
Des milliers de manifestants (3500 selon la police) se sont réunis dans près de 120 villes de province, dont Nijni-Novgorod, Tcheboksari (Russie centrale), Tomsk (Sibérie) ou encore à Iakoutsk, en Extrême-Orient russe, malgré une température de -45°C.
Selon l’ONG russe OVD-Info, au moins 257 militants ont été arrêtés dans tout le pays au cours de ces manifestations.
La police a fait irruption dimanche matin à Moscou dans les locaux de campagne de l’opposant et dans ceux de son organisation «Fonds de lutte contre la corruption» (FBK), ainsi que dans certains de ses bureaux en région. Plusieurs personnes ont été arrêtées, a annoncé l’équipe de Navalny sur Twitter.
«Duperie»
À moins de deux mois de la présidentielle du 18 mars, Alexeï Navalny a appelé les Russes à se réunir sous le slogan «Ce ne sont pas des élections, mais une duperie», pour dénoncer un scrutin selon lui joué d’avance.
Manifester contre le Kremlin, «c’est notre arme politique», a déclaré dimanche dans une vidéo le charismatique blogueur anticorruption. «Tant que nous ne réussissons pas à faire pression de manière efficace sur le pouvoir, nous n’obtiendrons rien.»
La mairie de Moscou, qui n’avait pas autorisé la manifestation de dimanche, a prévenu qu’elle exigerait «des mesures judiciaires» contre l’opposant.
Alexeï Navalny, 41 ans, a été détenu à trois reprises en 2017 pour avoir organisé des manifestations non autorisées réunissant parfois des dizaines de milliers de participants à travers la Russie, avec à la clef plusieurs centaines d’arrestations.
Boycottage
Déclaré inéligible en raison d’une condamnation pénale qu’il estime avoir été orchestrée par le Kremlin, Alexeï Navalny ne peut pas participer au scrutin du 18 mars.
Faute de pouvoir se présenter, il compte peser sur le taux de participation en appelant à boycotter cette élection.
«Il n’y a actuellement pas de vraies élections et nous exigeons qu’on nous les rende», avait-il expliqué dans un entretien exclusif avec l’AFP. Le scrutin «consiste de fait à renommer Poutine», estime-t-il.
M. Poutine devrait remporter un quatrième mandat qui le maintiendrait au pouvoir jusqu’en 2024, sauf énorme surprise.
Mais sa victoire pourrait être ternie par un faible taux de participation, véritable casse-tête pour le pouvoir, a dit à l’AFP Lev Goudkov, directeur du centre de sondage indépendant Levada.
En novembre, 58% des Russes se disaient prêts à aller voter, contre 69% lors de l’élection présidentielle de 2012 et 75% pour celle de 2008, d’après un sondage de Levada.