Murs, clôtures de sécurité... On ne fortifie plus les villes mais des pays entiers!

17. Actualité archives 2007


Si les bonnes clôtures font les bons voisins, alors le monde connaît actuellement une vague sans précédent de «rapports de bon voisinage». Autrefois, les villes étaient fortifiées. Aujourd’hui, ce sont des pays entiers qui sont murés.
Le dernier pays à avoir entrepris la construction d’un mur — pardon, d’«une clôture de sécurité» — est la Thaïlande. Elle vient d’annoncer son projet d’édifier une barrière physique le long des 75 km les plus inaccessibles de sa frontière avec la Malaisie. Le but, selon Bangkok, est d’empêcher les «terroristes» de traverser les provinces agitées, à majorité musulmane du sud de la Thaïlande (ils viennent du nord de la Malaisie, où les habitants partagent à la fois leur langue et leur religion). Si l’expérience ailleurs s’avère fructueuse, tôt ou tard, c’est sur toute la frontière qu’il y aura un mur.
En Inde, une barrière de 3300 kilomètres
L’Inde est également en bonne voie vers la fortification (sauf le long des montagnes de l’Himalaya où la nature a bien fait son travail). La barrière qui s’étend sur les 3 000 km de frontière commune avec le Pakistan est presque continue, à l’exception des régions du Cachemire trop escarpées et accidentées pour permettre la construction de la clôture classique à deux rangées de trois mètres de haut, dotée de fil de fer barbelé concertina et de mines au milieu. L’Inde s’est même lancée dans la construction d’une barrière plus longue encore (3 300 km) pour endiguer l’immigration venue du Bangladesh.
Entre la Chine et la Corée du Nord...
Alors que les «murs» indiens empêchent les intrus de pénétrer dans le pays, les clôtures autour de la Corée du Nord doivent retenir les Nord-coréens à l’intérieur de l’enceinte. Les premières fortifications qui longent la zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, lesquelles ont été constamment améliorées depuis les années 1950, avaient pour principal vocation de faire obstacle à l’infiltration des troupes nord-coréennes ou des saboteurs. Toutefois, la clôture que Pékin est en train d’ériger le long de sa frontière avec la Corée du Nord est une mesure préventive visant à empêcher une vague de réfugiés de pénétrer en Chine si le régime de Pyongyang venait à s’effondrer.
Un mur de fil barbelé et de mines au Sahara...
La majorité des murs qui fleurissent aux quatre coins du globe sont censés prévenir les attentats terroristes ou l’immigration illégale. Pourtant, ils servent parfois à matérialiser, de façon unilatérale, les frontières qu’un pays souhaite s’attribuer. C’est certainement vrai pour la vaste étendue de sable et de pierres (2 700 km), surmontée de fil barbelé et équipée de mines, de radars, de bunkers militaires et de bases d’artillerie et qui servent à «boucler» le Sahara Occidental. Ce territoire avait été annexé par le Maroc en 1975, depuis les camps d’Algérie où beaucoup d’anciens habitants ont mené une guérilla jusqu’au cessez-le-feu de 1991.
Un mur à géométrie variable en Israël...
C’est également vrai pour le mur qu’Israël est en train de bâtir dans les territoires occupés de Cisjordanie. Le pays dispose, depuis longtemps, de barrières bourrées de mines et surveillées le long de ses frontières externes avec l’Égypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban ainsi qu’autour de la bande de Gaza. Mais le mur de Cisjordanie ne respecte pas la ligne de cessez-le-feu de 1967 : au contraire, il s’étend au cœur des territoires palestiniens à certains endroits précis, de sorte que les colonies juives demeurent du côté israélien, et il isole complètement Jérusalem-Est (la partie arabe) de la Cisjordanie.
Une barrière entre le Pakistan et l'Afghanistan...
Le Pakistan construit actuellement une barrière de 2 400 kilomètres pour être séparé de l’Afghanistan ; l’Ouzbékistan a érigé une clôture le long de sa frontière avec le Tadjikistan ; les Émirats arabes unis sont en train de mettre en place une barrière sur leur frontière avec Oman et le Koweït renforce le mur de 215 km le long de sa frontière avec l’Irak. Mais les barrières les plus impressionnantes sont certainement celles qui entourent l’Arabie Saoudite.
Une barrière de 8,5 milliards $ en Arabie Saoudite...
Depuis quelques années, le royaume saoudien réalise, lentement mais sûrement, un projet de 8,5 milliards de dollars visant à ériger une barrière sur toute la longueur de sa frontière poreuse avec le Yémen. Néanmoins, la nouvelle priorité consiste à mettre en place une barrière ultramoderne sur les 900 km de frontière commune avec l’Irak.
«Si jamais l’Irak éclate, les gens se dirigeront massivement vers le sud», a déclaré Nawaf Obaid, directeur du projet d’évaluation de la sécurité nationale saoudienne. «Nous devons être préparés à cette situation.» Le nouveau mur sera équipé de capteurs souterrains de mouvements, de caméras UV à vision nocturne, de logiciels de reconnaissance faciale et très probablement d’armes automatiques… en plus des traditionnelles clôtures électrifiées, barbelés, fossés secs et autres mines.
Entre les États-Unis et le Mexique
En comparaison, le débat — apparemment sans fin — au sujet de la construction d’une clôture, d’une technologie relativement basique, le long des 3 360 km de la frontière qui séparent les États-Unis du Mexique pour mettre un terme à l’immigration clandestine semble être l’écho d’un passé innocent. Les vagues tentatives de L’Union européenne pour freiner l’immigration illégale venue d’Afrique (les clôtures autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sur la côte marocaine, des patrouilles navales au large des côtes canariennes) sont vraiment pitoyables. Mais nous vivons probablement les derniers instants de ce qui sera bientôt le bon vieux temps, du moins en Europe.
La raison pour laquelle les États-Unis sont incapables de contrôler leur frontière avec le Mexique est de nature politique et non financière ou technique : de puissants lobbys américains font tout pour s’assurer la disponibilité d’une main-d’œuvre de «sans-papiers», prêts à accepter des salaires dérisoires, car ils sont en situation irrégulière. Le président Bush a désormais l’aval du congrès pour construire un mur d’environ 1 125 km sur la frontière avec le Mexique. Cependant, il repoussera l’échéance aussi longtemps que possible, pendant l’expérimentation de la fameuse «clôture virtuelle».
Heureusement, il n'y en a pas en Europe!
Au sein de l’Union européenne, il n’existe pas de lobbys de ce genre. Ce n’est donc qu’une question de temps avant que de véritables barrières n’apparaissent aux frontières du continent européen, en particulier avec la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et la Turquie. Les murs poussent un peu partout, et la plupart ne sont pas prêts de tomber, si tant est qu’ils tombent un jour.
Gwynne Dyer
Journaliste indépendant*
*Gwynne Dyer est un journaliste canadien indépendant, basé à Londres. Ses articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, Futur Imparfait, est publié aux Éditions Lanctôt.


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