MTQ: la culture du secret est tenace

Que révèle la crise de la semaine sur les changements post-Charbonneau?

18d512460bc9c4fbccb00b6bc8944ea4

«L’ex-enquêteur de l’Unité anti-collusion (UAC), Sylvain Tremblay, émet de sérieux doutes sur l’indépendance de l’UPAC»

Après la complaisance des années pré-Charbonneau, le ministère des Transports (MTQ) souffre aujourd’hui d’un mal contraire : la peur paranoïaque de voir son image ternie à nouveau. C’est le constat que fait l’ex-ingénieur du MTQ et lanceur d’alerte François Beaudry, qui déplore, comme plusieurs autres, l’opacité persistante du mégaministère.

François Beaudry était ingénieur au MTQ lorsqu’il a été informé de l’existence d’un système collusionnaire, en 2002. Ayant en main des preuves solides, il a multiplié les démarches, avisé ses supérieurs, des chefs de cabinet. Il est allé à la SQ, au Bureau du vérificateur général. En vain. Il aura fallu qu’il dévoile tout à l’émission Enquête (Radio-Canada), sept ans plus tard, pour qu’enfin on prenne acte de la situation dans les plus hautes sphères du pouvoir.

Aujourd’hui à la retraite, il regarde avec intérêt la nouvelle tempête qui secoue le ministère des Transports à la suite des révélations du magazine L’actualité cette semaine : des vérificateurs qui seraient victimes d’intimidation de la part de leurs supérieurs immédiats, dont ils doivent approuver les projets, une comptabilité créative pour tenter de camoufler les extras, des contrats de gré à gré scindés en deux accordés à d’ex-employés, des consultants issus de firmes d’ingénieurs qui ont encore accès aux bureaux du MTQ…

C’est l’enquêteuse Annie Trudel, ex-bras droit du policier devenu politicien Jacques Duchesneau, qui a trouvé ces irrégularités il y a quelques mois. Elle en a avisé le ministre des Transports de l’époque, Robert Poëti. Ce dernier a posé des questions à la sous-ministre, mais n’aurait jamais eu de réponses. Il a finalement été démis de ses fonctions en février dernier. Il est sorti publiquement pour faire part de ses préoccupations devant l’absence de suivi sur ces irrégularités.

Entre-temps, Annie Trudel a quitté ses fonctions. Dans sa lettre de démission, rendue publique cette semaine, elle dénonçait la « culture du secret » et le « contrôle de l’information » de ce ministère. « Je n’ai pas l’intention de continuer à travailler avec des gens qui mettent constamment des bâtons dans les roues et qui déploient tant d’efforts à gérer l’image plutôt que de prendre le taureau par les cornes et apporter les changements nécessaires afin de rétablir l’intégrité du ministère, de ses processus et des détenteurs de charge publique. »
Retour du balancier

Le lanceur d’alerte François Beaudry voit certaines « similitudes » entre cette histoire et la sienne, bien que celle d’aujourd’hui n’implique pas des sommes aussi colossales qu’à l’époque.

« C’est une tempête dans un verre d’eau. […] Mais ce que ça traduit, c’est que le pendule est allé à l’autre extrême. À vouloir montrer patte blanche sur toute la ligne, on en est maladroit. Ce n’est plus de la complaisance, c’est de la peur, c’est la peur de se faire accuser de malveillance pour le moindre petit dépassement de coûts qui serait pourtant justifié. Alors on essaie d’atténuer les extras plutôt que d’être clair et transparent. Et les politiciens jouent le même jeu. Un ministre qui arrive et qui voit des dépassements de coûts, il va faire une sainte colère, il va dire : “présentez-moi ça différemment”. »

Il estime que le gouvernement prend souvent des actions « symboliques » pour donner l’impression qu’il agit, mais qu’il « rate la cible ». Le stratagème mafieux de l’époque s’est effondré, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne réapparaisse « sous une forme encore plus raffinée », rappelle-t-il.

Le MTQ toujours à risque

À l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, on croit aussi que le MTQ est encore à risque. « Ça s’est amélioré depuis [le rapport] Duchesneau. Il y a eu de l’embauche pour renforcer l’expertise interne, mais le problème, c’est que le MTQ n’est pas capable d’embaucher des ingénieurs d’expérience », note le président, Michel Gagnon. L’autre problème, c’est qu’il se donne encore des contrats « à la pelletée » aux firmes de génie-conseil. Or, ces deux situations ont été relevées à maintes reprises, notamment dans le rapport Charbonneau, comme favorisant la collusion. « On est encore dépendants des firmes de génie, déplore Michel Gagnon. Ça s’est amélioré, mais il y a encore une culture très opaque au MTQ. Philippe Couillard nous avait promis un gouvernement transparent, mais il n’y a aucun changement de ce côté-là. »
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->