Les pressions se font de plus en plus fortes sur les dirigeants de la Bourse de Montréal pour qu'ils acceptent une fusion avec Toronto. Il y a quelques jours encore, des actionnaires des deux Bourses ont tenu une conférence téléphonique au cours de laquelle ils ont envisagé ce scénario. Québec doit veiller au grain!
Il y a huit ans, les Bourses de Montréal et de Toronto en venaient à une entente selon laquelle toutes les transactions d'actions d'entreprises de grande capitalisation seraient désormais concentrées à Toronto. Ce faisant, on venait de vider la Bourse de Montréal de son rôle historique, déjà lourdement affecté par le déplacement du centre des affaires de Montréal, devenu francophone, vers Toronto, l'anglo-saxonne, un phénomène unique au monde.
À cause de la vigilance minimale exercée par le gouvernement du Québec et la direction de la Bourse de Montréal à l'époque, Toronto avait dû consentir à céder l'exclusivité des transactions sur les produits dérivés jusqu'en 2009. Une concession somme toute mineure mais qui s'est révélée considérable au fur et à mesure que ces produits ont gagné en popularité.
Aujourd'hui, Montréal occupe une place intéressante et continue de développer cette niche d'avenir. Tout récemment, on annonçait la création d'une bourse du carbone où on échangera des crédits d'émissions de gaz à effet de serre.
Au contraire, la crise existentielle qui avait mené Toronto à éliminer Montréal du paysage n'a fait que s'accentuer entre-temps avec l'apparition de bourses électroniques concurrentes, dont la dernière en lice amorcera bientôt ses activités à l'initiative des banques canadiennes. Toronto doit donc réagir pour maintenir ses profits, et la façon de s'y prendre est simple: concurrencer Montréal dès la fin de l'entente, en mars 2009. Voilà qui contrevient clairement à l'esprit de cette entente par laquelle Montréal avait accepté de se retirer du marché des titres traditionnels. Pas très fair play de la part de notre partenaire!
Le geste est typique de Bay Street, pour qui les dédoublements sont toujours regrettables quand il est question des autres mais de bonne guerre quand ils viennent de soi. Une seule bourse des actions à Toronto, une seule autorité des marchés pour tout le Canada... mais deux bourses des produits dérivés si Montréal refuse de céder le terrain par voie d'acquisition. La belle affaire!
Au cours des dernières semaines, la direction de la Bourse de Toronto a tenté de conclure une entente avec Montréal pour une fusion des deux institutions. Fusion ou acquisition? La différence est de taille.
À ce jour, ce fut l'échec, mais une poignée d'actionnaires s'active toujours en faveur de la concentration de toutes les activités financières d'importance à Toronto. Est-il besoin d'ajouter que pour des raisons dites d'«efficacité» et de «rationalisation», ce mouvement reçoit l'appui d'Ottawa autant que de Queen's Park?
Advenant l'acquisition de la Bourse de Montréal par Toronto, le risque est grand que nous assistions, impuissants, à la disparition de Montréal de la carte des services financiers spécialisés, avec les conséquences dramatiques qu'on devine sur l'industrie québécoise de la finance.
À Québec, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a commenté ce projet d'acquisition en précisant qu'elle n'interviendrait pas. Vraiment? Pourtant, si jamais une offre publique d'achat de la Bourse de Montréal était lancée, Québec devrait intervenir pour s'assurer que Montréal conserve l'exclusivité du marché des produits dérivés et de son développement pour une durée illimitée. Sans une telle exclusivité, tout projet d'acquisition déguisé en fusion bidon des deux bourses devrait être bloqué au nom de la souveraineté du Québec dans ses champs de compétence. Si le Parti libéral s'y refuse, il n'a qu'à céder sa place: d'autres s'en chargeront.
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