Projet de société

Modérer la croissance

Une plateforme cohérente pour le PQ

Chronique de Pierre Gouin

Je suis très heureux de voir le parti de François Legault mettre le paquet pour tenter d’obtenir des gains pour le Québec. Il est en train de faire la démonstration, pour ceux qui en doutent encore, que le reste du Canada ne fera jamais les concessions nécessaires à notre existence comme peuple.


Certains considèrent que la stratégie politique traditionnelle incarnée par le Parti Québécois n’est pas la bonne façon de réaliser l’indépendance mais concrètement le PQ conserve une force potentielle énorme, qui sera réanimée avec la prochaine campagne électorale. Son défi sera toujours de démontrer comment un Québec indépendant améliorerait la situation des Québécois. Les questions de la langue, de la laïcité et de l’immigration, sur lesquelles la CAQ va connaître l’échec, sont fondamentales mais leur impact serait renforcé si elles étaient intégrées à un projet de société spécifique au Québec.


Parmi les grandes préoccupations actuelles des Québécois il y a le réchauffement climatique et les pénuries de main-d’œuvre, particulièrement dans les services à la population. Des citoyens se mobilisent, le gouvernement recherche des solutions mais il apparaît terriblement impuissant. Il y a une relation directe entre ces problématiques et le niveau de l’activité économique. On dit qu’il faut limiter les mesures de protection de l’environnement pour ne pas nuire à la croissance économique et inversement plus de croissance génère davantage de pollution. De même, les mesures de stimulation de l’économie augmentent les besoins de main-d’œuvre des entreprises et amplifient les pénuries. Il en résulte un appel à l’immigration qui stimule encore plus la croissance et crée des pénuries de main-d’œuvre dans les services publics.


Le taux de croissance de l’économie devrait donc être pris en compte dans la réflexion sur les problèmes actuels. On fait maintenant comme si ce taux de croissance était une donnée hors de notre contrôle. Pendant des décennies le taux de chômage était élevé au Québec et il fallait miser sur la croissance la plus forte possible pour vaincre la pauvreté et enrichir les Québécois. L’aide financière aux entreprises pour la création d’emploi était justifiée et jamais remise en question. Il en est resté l’idée qu’il faut toujours maximiser la croissance.


Aujourd’hui, le Québec a une économie mature, pratiquement au plein emploi et n’est plus en situation de rattrapage par rapport aux autres économies développées. Les priorités ont changé. Cependant, les citoyens et leur gouvernement ne peuvent pas se donner des objectifs environnementaux ambitieux, contrôler l’immigration et assurer des services publics de qualité s’ils ne maîtrisent pas le rythme de la croissance économique.


Le parti de François Legault qui bénéficie de l’appui des milieux d’affaires semble avoir comme priorité une forte croissance économique, il subventionne sans retenue l’augmentation de la production des entreprises et accélère la construction d’infrastructures publiques. Récemment, le gouvernement a annoncé un allègement des contrôles environnementaux pour les grands projets publics afin de favoriser la croissance économique. Pourtant le secteur de la construction est déjà en surchauffe au Québec avec des manques de main-d’œuvre et de matériaux qui occasionnent des délais et des dépassements de coûts.


La pression pour une croissance sans limite provient aussi des milieux d’affaires internationaux qui prônent le déplacement de travailleurs pauvres vers les pays développés pour maximiser la croissance mondiale. Le Canada semble souscrire à cette vision du monde alors que le gouvernement libéral a annoncé une forte augmentation de la population canadienne par une immigration massive, sans même proposer un débat démocratique sur la question.


Il faudrait que le Parti Québécois propose de lancer un débat pour établir des objectifs modérés de croissance à long terme de l’économie. Toute décision de limiter la croissance entraînerait nécessairement des limites à l’immigration. En effet, à long terme l’économie croît sensiblement au même rythme que la population. Un enrichissement de la population est possible même avec une faible croissance, par une politique économique neutre à l’emploi, favorisant le déplacement de l’emploi d’entreprises à faible valeur ajoutée, souvent plus polluantes, vers des entreprises à plus forte valeur ajoutée.


Le choix d’une croissance plus faible rendrait plus facile l’atteinte des objectifs environnementaux. Il aurait aussi un impact positif sur la sécurité alimentaire des Québécois. Certains disent que le Québec a beaucoup d’espace pour accueillir plus d’immigrants mais la production agricole y est quand même limitée par des contraintes géographiques. Une croissance plus faible ferait disparaître progressivement les pénuries de main-d’œuvre et permettrait de fixer les seuils d’immigration au niveau voulu, sans pression du marché du travail et en fonction de notre capacité d’intégration des nouveaux arrivants. Elle réduirait aussi la spéculation immobilière liée à des attentes infinies quant à l’arrivée de nouveaux Québécois.


Il est aujourd’hui essentiel de décider démocratiquement de notre croissance économique si on veut être maître de notre avenir collectif. Le Parti Québécois pourrait déjà proposer au cours de la prochaine campagne un projet de société basé sur une croissance sous contrôle et attaquer François Legault sur son obsession pour le bien-être des entreprises, en contradiction avec ses positions de principe sur l’environnement et  l’immigration.


 



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