La chef de l'opposition, Pauline Marois, a fait une très grosse gaffe en intervenant pour enjoindre la Caisse de dépôt et placement de participer à l'achat du Canadien de Montréal.
C'est justement le genre d'intervention politique qu'il faut à tout prix éviter. Sans doute sans le savoir, Mme Marois a illustré de façon convaincante pourquoi il faut à tout prix prévoir des mécanismes pour assurer l'indépendance de la Caisse et la protéger contre les pressions du monde politique.
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Bado, Le Droit 28 mars 2008->http://photos.cyberpresse.ca/51-5986/#enVedette/0/recherche/Rechercher%20un%20album/0/onglets/51/0/album/5986/142564/]
Au premier abord, l'idée que la Caisse participe à l'achat du Canadien est certainement attrayante. Mais ce n'est pas aux politiciens de le dire. Ils ne doivent pas se mêler de la gestion de la Caisse, comme si les 125 députés se transformaient en autant de gérants d'estrade. L'Assemblée nationale n'est pas La zone.
Les fonds que gère la Caisse de dépôt ne sont pas un «pot», une espèce de cagnotte dans laquelle nos dirigeants peuvent piger. Il faut laisser la direction de la Caisse faire ses choix, en fonction de son expérience et de ses objectifs. Mme Marois aurait dû respecter cette nécessaire indépendance et aurait donc dû se taire.
Mme Marois n'est certainement pas la seule à blâmer. Il y aurait moins de dérives si la Caisse n'était pas en crise. Les erreurs de l'institution font qu'on a moins confiance dans son jugement. La déplorable gestion de ce dossier par les libéraux ne fait rien non plus pour convaincre des vertus de la non-intervention gouvernementale. Et le processus de nomination de Michael Sabia rappelle que c'est de toutes parts que l'indépendance de la Caisse est menacée.
Et c'est inquiétant. D'abord, parce que les choix des politiciens sont souvent dictés par des considérations... politiques. Il est évident qu'une intervention de la Caisse serait populaire, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Si Mme Marois prend fait et cause pour une telle transaction, c'est pour marquer des points: elle est du bon bord, celui de nos Glorieux. Et du même coup, elle met dans l'embarras le gouvernement Charest, qui doit s'imposer un devoir de réserve.
Il est par ailleurs difficile de ne pas voir dans le préjugé favorable de Mme Marois pour cette intervention de la Caisse une manifestation de nationalisme politique, pour que la Caisse investisse chez nous, plutôt qu'ailleurs, et que le Canadien appartienne à quelqu'un de chez nous, plutôt qu'à un Américain. Est-ce de cela dont la chef péquiste parlait quand elle voulait que le mandat de la Caisse porte sur le développement économique? Il faudrait se demander si le fait que George Gillett soit américain nous a nui. Et s'il n'y a pas, au Québec, d'autres acheteurs dont l'intervention dans le sport professionnel serait plus naturelle.
Les politiciens ne sont pas équipés pour évaluer la rentabilité d'un investissement majeur. «Selon toutes les informations que l'on a, a dit Mme Marois, le Canadien a plutôt connu de bonnes années et a eu de bons rendements. Donc, ça pourrait être un investissement qui pourrait être intéressant.» Qu'est-ce qu'elle en sait? Le rendement dépendra du prix que l'on paie. Il dépendra de facteurs comme le taux de change. La pertinence de l'investissement dépendra aussi du risque.
Mais, dans le fond, les interventions de Mme Marois montrent que le Parti québécois, sous sa gouverne, n'a pas rompu avec ses détestables habitudes, ce désir d'intervenir, même quand ce n'est pas nécessaire, de mettre la main sur le gros joujou. Si elle avait été premier ministre, Mme Marois aurait-elle téléphoné aux dirigeants de la Caisse pour leur «suggérer» de s'intéresser au Canadien? C'est une question qu'on peut se poser.
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