On l’a appris ce matin, Michel Gauthier, l’ancien chef du Bloc Québécois, rejoint le Parti conservateur. Il n’en sera pas candidat mais fera campagne pour lui lors des prochaines élections fédérales pour chasser Justin Trudeau du pouvoir. On peut lire ici et là sur les médias sociaux des commentaires extrêmement sévères à son endroit. On fait son procès avec les mots les plus durs.
Lorsque certains indépendantistes accusent de trahison tous ceux qui ont un jour espéré la souveraineté du Québec mais qui aujourd’hui, ne la croient plus possible et cherchent une solution de rechange dans le cadre fédéral, ils font preuve d’un malheureux sectarisme. Est-il interdit de ne plus croire réalisable l’indépendance dans un horizon historique tout en voulant croire encore en l’avenir du peuple québécois?
Qu’on me permette d’insister: Michel Gauthier ne fait pas la girouette. Il ne dit pas: je voulais l’indépendance, je ne la veux plus. Il ne dit pas: j’ai eu tort de la vouloir. Il dit: je voulais l’indépendance, mais elle n’arrivera pas, ou du moins, je ne la vois pas de mon vivant, et je veux quand même défendre les intérêts vitaux du Québec dans un parti qui a su historiquement lui tendre la main. Il semble dire: nous sommes dans un nouveau contexte historique, et le nationalisme québécois doit s’y adapter, ou du moins en tenir compte. Il constate, et qui dira le contraire, que le mouvement indépendantiste est de plus en plus réduit à son noyau dur (un noyau dur auquel je m’identifie, soit dit en passant), que la coalition souverainiste est décomposée et que le Québec n’a jamais été aussi éloigné que maintenant de l’indépendance.
Qu’on me comprenne bien: je ne dis pas que Michel Gauthier a raison. On peut croire qu’il se trompe, qu’il se fait des illusions. On peut même en être certain. Je dis que son geste est compréhensible et légitime. Les indépendantistes n’ont plus le monopole sur le nationalisme québécois. Des nationalistes peuvent se tourner pour de bonnes raisons vers d’autres options sans se faire faire la morale. Il y en a au Bloc et chez Québec Debout. Il y en a chez les conservateurs et chez les néodémocrates. De même, à Québec, on en trouve au PQ, à la CAQ et même chez QS, du moins dans l’électorat francophone. On peut se désoler de cet éclatement du nationalisme qui ne parvient plus à se fédérer autour d’un projet, qu’il s’agisse de l’indépendance ou d’un projet de statut particulier pour le Québec. Mais le réel a ses droits et dans la nouvelle époque où nous sommes entrés depuis un moment, il y a manifestement plus d’une manière de servir le Québec.