[ première édition 26-08-2018 23: 20 - mis-à-jour 27 août 2018 - 14:35 ]
Bernier pulvérise le crédo du Canada post-national
Maxime Bernier s'est fait remarquer récemment pour être sorti du conformisme politique. Ça devient un rare réconfort de voir des politiciens risquer une carrière pour être en paix avec leur conscience. Somme toute, Bernier s'en est pris à tout ce qui forme le crédo du Canada post-national. Une lubie que peu prendraient au sérieux si elle n'était celle du premier ministre et si elle n'était pas à l'agenda mondialiste.
Justin Trudeau est bien connu pour favoriser une diversité sans limite. Un bienfait en soi « qui nous renforce », soutient-il. Si pour Trudeau le Canada peut-être fier de former le premier pays post-national de la planète, c'est qu'il aurait dépassé le stade de la nationalité. Ce pays serait dès lors formé de la simple juxtaposition des individus qui adhèrent à des valeurs diverses, voire opposées.
Post-nationalité et diversité imposée : les ingrédients explosifs de l'idéologie libérale
Bernier voit dans « le multiculturalisme extrême et le culte de la diversité » (1) une cause de la multiplication des ghettos ethniques. Le Canada de Trudeau nous ferait passer à la vitesse supérieure dans la construction d'une tour de Babel où tout le monde parle mais plus personne ne se comprend, dans un espace public appelé à se morceler toujours plus. Serait-ce un avant-goût de l'enfer..?
Or, comme on l'admet généralement, la condition de l'exercice d'une saine démocratie suppose un indispensable « vivre ensemble ». Ce n'est pas pour rien que la démocratie est apparue dans l'antiquité grecque, au sein d'une société passablement homogène; elle n'aurait jamais pu naître à Babel ! Un lieu par excellence de la démocratie est certes la nation socio-historique.
Le Parti conservateur, pas mieux
Maxime Bernier reproche au Parti conservateur de marcher dans les pas de Trudeau, en proposant rien de moins qu'une version plus modérée de la même politique. Il a décidé de quitter sa formation politique avant qu'on lui montre la porte.
Bernier s'ouvre un boulevard pour la formation d'un Parti des Nations du Canada (PNC)
Avec le départ de Bernier du PC, les jeux sont faits. Désormais, tous les partis fédéraux, accros du clientélisme identitaire, sont à quelques différences près sur la ligne de Trudeau. Le Bloc québécois patauge péniblement dans la même purée. Il a été incapable jusqu'ici de faire sa marque d'une franche opposition au post-nationalisme. L'arrivée de Bernier comme agent libre de la politique fédérale pourrait-elle y changer quelque chose ?
Tout dépend. La question qui se pose est de savoir si Bernier aura l'envergure pour amener son raisonnement plus loin. En particulier, s'il se demande aujourd'hui avec raison ce qu'est l'identité canadienne, il serait fort étonnant qu'il revienne au nation building canadian des lendemains référendaires. Mais où ira-t-il ?
S'il veut défendre l'identité canadienne il devra reconnaître que celle-ci n'est pas unitaire; qu'elle se rattache aux nations socio-historiques qui ont fait le pays. Le moment lui est favorable. Aucune formation politique ne semble plus vouloir défendre une identité unitaire comme à l'époque où la sécession du Québec était prise au sérieux.
Présentement, c'est la poursuite de l'utopie post-nationale qui a la cote. Comme elle va dans le sens contraire de la reconnaissance des nations, elle laisse libre le champ de l'identité canadienne à tout parti qui voudrait occuper le terrain. Un nouveau rapport de force tout à fait inédit pourrait alors se constituer opposant l'utopie post-nationale et le Canada réel des nations. S'il en a l'audace, ce qui se trouve au bout de la réflexion de Maxime Bernier pourrait bien s'appeler le Parti des Nations du Canada.
Le post-nationalisme radical a créé un besoin plus pressant pour la défense des nations constitutives du Canada. Le Bloc québécois avait pour mandat la défense d'une nation en particulier - ou en tout cas d'une province. Dans le recadrage politique évoqué, le Bloc pourrait trouver sa place en renonçant à représenter le Québec pluri-national, pour représenter à la place, plus logiquement, la nation socio-historique représentée par ses membres.
Nations et immigrants
Un parti des nations aurait le grand mérite de commencer à bien tracer la ligne entre ce qu'est une nation fondatrice et ce qu'est un immigrant. Des différences que le Canada post-national, plus fort dans la démagogie que dans les distinctions, cherche à nier en assimilant tous les individus à des immigrants, à l'exception des ethnies pré-européennes.
Corriger la liquidation ratée de l'héritage colonial
Comme pays pluri-national le Canada a toujours refusé ses réalités socio-historiques. Ce déni découle d'une liquidation ratée de son héritage colonial anglais. Et pourtant, la reconnaissance des nations reste la clé d'une résolution correcte de l'héritage inégalitaire du colonialisme anglo-saxon. C'est le seul passage, étroit mais obligé, pour atteindre un jour un équilibre social et politique au Canada.
Cette évolution ne peut se réaliser que par une nouvelle constitution qui accorderait un statut d'égalité aux nations constitutives: les Premières nations, les Québécois (foyer principal des Canadiens français et de leur diaspora), les Acadiens et leur diaspora, ainsi que les derniers venus que sont les descendants des vainqueurs de la Conquête de 1760, les Canadians. Ces derniers représentent aujourd'hui la majorité dominante. Ce sont les plus réfractaires à tout changement. Mais la montée du post-nationalisme commence à les inquiéter. Au final, un Parti des nations pourrait vite se trouver des appuis solides. Ce serait la première fois dans l'histoire du Canada qu'un parti politique reconnaît et fait place à toutes les nations.
Un premier pas vers une nouvelle constitution
La Fédération de Russie s'est dotée d'une constitution qui reconnaît ses dizaines de nations, un pays complexe sur ce plan. Ce n'est probablement pas le seul exemple. Pourquoi le Canada ne le pourrait-il pas ? Parce qu'il est de tradition anglo-saxonne me direz-vous ? Vous n'auriez pas tort. Mais une organisation équilibrée du monde de demain, plus peuplé et plus étroit, demande désormais que l'on mette de coté l'attrait atavique pour les régimes de suprématie. Il faut l'invoquer.
L'arnaque de la post-nationalité, un sommet dans les injustices nationales
À cet égard, la post-nationalité est une belle entourloupe. Elle donne au groupe qui a le plus de poids démographique les moyens de dominer la vie politique et les institutions. C'est effectivement ce qui se passe. Par le jeu du nombre de leurs électeurs les Canadiens-anglais occupent la majorité des sièges au Parlement fédéral, dans les législatures provinciales, au sénat, à la cour suprême et dans les centaines d'institutions et sociétés créées par le fédéral et qui en nomme les administrateurs : Radio-Canada, la Banque du Canada, le corps diplomatique, etc. Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre qu'au sein de la nation canadienne-anglaise, il y en a eu peu pour se plaindre - jusqu'ici - du Canada post-national. En vérité il s'agit d'une imposture politique, le faux nez de la nation canadienne-anglaise pour perpétuer sa domination sur les nations non reconnues.
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NOTE
1- Quelques extraits significatifs des tweets envoyés par Maxime Bernier :
Mais pourquoi promouvoir toujours plus de diversité? Si tout et n’importe quoi est canadien, que signifie être Canadien?
Accueillir des gens qui rejettent les valeurs fondamentales de l’Occident que sont la liberté, l’égalité, la tolérance et l’ouverture ne nous rend pas plus forts. Ceux qui refusent de s’intégrer et veulent vivre dans leur ghetto ne rendent pas notre société plus forte.
Le multiculturalisme extrême et le culte de la diversité de Trudeau vont nous diviser en petites tribus...
La balkanisation culturelle amène la méfiance, les conflits sociaux et potentiellement la violence comme on le voit partout. Il est temps de renverser cette tendance avant que la situation n’empire.
La politique identitaire est devenue omniprésente et est pratiquée par tous les partis qui tentent ainsi d'acheter des votes. Le débat politique a dégénéré en un conflit entre différentes façons de racoler des groupes spécifiques au lieu de faire appel à nos intérêts communs
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1 commentaire
Éric F. Bouchard Répondre
2 septembre 2018M. Verrier,
La remise en question du multiculturalisme ou du post-nationalisme est utile, mais non suffisante pour rouvrir des négociations constitutionnelles. Pour forcer la chose et s’inscrire dans une visée plus large, tant au point de vue politique que juridique, il faudrait bien davantage que nous puissions en appeler de la survie de la nation canadienne-française.
Or, selon l’étude démographique diffusée par Vigile depuis près d’un an, les Canadiens-Français sont en passe de minorisation au Québec. De plus de 80% de la population du Québec en 1970, les Canadiens-Français en forment 66% aujourd’hui et passeraient sous la barre des 50% vers 2035. Avec de tels chiffres (sans compter ceux de la diaspora hors Québec et ceux des Acadiens), la démonstration d’une menace d’assimilation pesant sur nous n’est plus à faire.
Et comme le régime canadien a réduit notre nationalité à la simple pratique du français, et que, de son côté, le Québec l’a limitée à la seule prépondérance officielle de cette langue, je crois qu’il y aurait là matière à dénoncer une acculturation coloniale structurelle et systémique inacceptable en regard du droit international.
Cette acculturation est particulièrement perfide, car demeurant masquée aux yeux mêmes de ceux qui en sont victimes. Elle s’est faite sous couvert de « québécitude », rupture identitaire qui devait en principe couronner notre émancipation nationale, mais qui, dans la pratique du pouvoir et dans les sphères socio-économiques et culturelles, s’est avérée la cause première de notre dénationalisation.
Ce constat, bien peu peuvent l’accepter, même chez les Vigiliens. Les plus vieux, parce que ce serait là reconnaître s’être faits bernés toute leur vie, ruinant ainsi l’image flatteuse qu’ils gardent d’eux-mêmes; et les plus jeunes, parce qu’ils sont eux-mêmes prisonniers de la québécitude. Ils ne peuvent plus se penser autrement qu’en tant que « Québécois de souche » ou « majoritaires historiques » braillant pour l’avènement d’un « Québec français » alors même que le fondement de la québécitude est précisément le multiculturalisme, un empêchement imparable, à la fois moral et légal, à l’avènement d’un quelconque État français. Sur ce point, les jeunes « nationalistes » sont bouchés, fermés. Ils sont conditionnés par la québécitude qui les a vus naître. Ils sont acculturés et dénationalisés, peut-être de manière irrémédiable. Et auquel cas…
Quoiqu’il en soit, il est là le défi qui se présente à nous, soit nous défendons à nouveau notre droit à l’existence en tant que nation canadienne-française (tout en dénonçant ce qui se fait et ce qui s’est fait pour l’éteindre), soit, nous nous effaçons dans le grand tout nord-américain comme nous y invite depuis 50 ans le Canada et surtout, le Québec des Lévesque, Bourassa et cie.