Il y a des dossiers où le débat éclairé est à peu près impossible. C'est le cas de l'immigration. Parce qu'on marche sur des oeufs et qu'on a peur de basculer dans l'intolérance, on a tendance à se cantonner dans les voeux pieux et les déclarations généreuses.
La ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Kathleen Weil, a dévoilé une nouvelle politique de l'immigration avec plusieurs idées très intéressantes, mais assez vague, beaucoup de mots et peu de détails. Dans le sillage de cette politique, le gouvernement Couillard veut augmenter de 50 000 à 60 000 le nombre d'immigrants qu'accueille le Québec chaque année. Ce n'est pas rien ; 20 % de plus pour une des sociétés où le taux d'immigration est déjà l'un des plus élevés de la planète.
Mais malheur à ceux qui voudraient intervenir. François Legault, chef de la CAQ, qui croit que les cours de français et sur les valeurs québécoises devraient être obligatoires, comme ça se fait ailleurs, s'est fait accuser par le premier ministre Philippe Couillard de souffler sur les « braises de l'intolérance ». Fin du débat. Et pourtant, il y a des choses à débattre.
La politique de l'immigration repose sur une grille essentiellement économique, pour contrer la baisse de la population en âge de travailler, les 20-64 ans, qui a déjà commencé au Québec. D'ici 2031, la baisse de ce bassin aura atteint 180 000 personnes. Cela a un impact. Des pénuries dans certaines industries et dans certaines régions, un taux de croissance économique plus bas, un niveau de vie plus bas. L'augmentation du seuil d'immigration réduirait cette baisse à 80 000.
Tout cela est exact, mais incomplet. Car le Québec dispose d'autres outils pour contrer cette baisse du bassin de travailleurs. Par exemple, s'attaquer à l'émigration nette de 13 000 Québécois par année vers le reste du Canada. Ou encore augmenter le taux d'activité des Québécois de 55 ans et plus, nettement plus bas qu'ailleurs au Canada en raison des retraites anticipées.
Mais surtout, le Québec ne réussit pas à bien intégrer les nouveaux venus au marché du travail.
En 2015, le taux de chômage de la population native était de 7 % au Québec. Il était de 18 % pour les immigrants arrivés depuis moins de cinq ans - 24,5 % pour les femmes et 13 % pour les hommes.
Il était encore très élevé, 11,4 %, pour ceux qui étaient arrivés depuis 5 à 10 ans. Un écart entre les nouveaux venus et la population d'accueil est inévitable. Mais il est plus grand au Québec qu'ailleurs au Canada. Pour le groupe des 25-54 ans, au pays depuis moins de cinq ans, le taux d'emploi est de 57,9 % au Québec et de 66,1 % au Canada.
Cela soulève plusieurs questions. Si nous ouvrons nos portes parce que nous manquons de travailleurs et que ces travailleurs ne travaillent pas, ça ne donne pas grand-chose. Et si ces nouveaux venus n'ont pas d'emploi, pendant un certain temps du moins, ils constituent plus un poids économique qu'un apport économique. Sans compter les grandes difficultés qu'ils doivent vivre, la pauvreté, l'isolement et l'insécurité.
Il me semble qu'il faudrait analyser très soigneusement les causes de cet échec relatif, trouver les moyens de faire mieux, avant d'accueillir plus d'immigrants. La nouvelle politique ne le fait pas de façon systématique. Elle évoque ce problème de chômage plus élevé, elle cible certains éléments, comme la non-reconnaissance des qualifications des immigrants. Mais pourquoi a-t-on plus de problèmes qu'ailleurs au Canada ? Réticences des employeurs, attitudes de la population, échec de l'immigration en région, origine des immigrants ? On évite d'en parler, jovialisme bien-pensant oblige. On préfère les formules vaseuses, du genre : « Viser l'égalité réelle en associant et concertant les acteurs économiques, les partenaires des milieux de vie ainsi que les ministères et organismes ».
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