Pour certains, la pétition dénonçant « l’islamophobie » est devenue l’équivalent du sparadrap du capitaine Haddock : ils ne savent plus comment s’en débarrasser. Il faut dire que signer un appel avec des islamistes revendiqués, des complices d’islamistes et leurs habituels idiots utiles, c’est une performance de haut niveau.
Quand bien même la chose serait-elle justifiée au nom de sentiments respectables, à commencer par le refus de la haine des musulmans, l’affaire est trop grave pour signer n’importe quoi avec n’importe qui. Dans ces cas-là, en général, le réveil est difficile et on finit toujours par s’en mordre les doigts. C’est ce qu'il se passe.
Le premier à s’être demandé ce qu’il allait faire dans cette galère est Yannick Jadot, eurodéputé écologiste dont on connaît les ambitions. Interrogé sur une pétition pratiquant l’amalgame sans filet, il a déclaré sur France Info : « Je ne valide pas l’ensemble du texte ». Encore heureux. Et de préciser dans la foulée qu’il ne se reconnaissait pas dans un appel dans Libération qui dénonce « des textes de lois liberticides » vis-à-vis des musulmans, sans préciser lesquels. C’est logique, vu qu’ils n’existent pas. Ou alors, il faut considérer que la loi de 1905, ou celle de 2004 sur les signes religieux à l’école, ou celle de 2010 sur l’interdiction de se masquer le visage dans la rue, sont attentatoires à la liberté, ce qui constituerait une grande première. De même, Yannick Jadot conteste la dénonciation d’un quelconque « racisme d’Etat », prenant ainsi ses distances avec la rhétorique des Indigènes de la République, lesquels ne sont ni indigènes ni républicains.
Mais alors, pourquoi avoir validé une telle escroquerie ? Réponse de l’impétrant : « Ce texte m'est apparu comme une nécessité de lancer une alerte auprès de nos concitoyens sur quelque chose qui monte dans notre société, qui est à la fois l'ensemble des racismes et un racisme vis-à-vis des musulmans ». Quand on veut lancer une « alerte », on le fait avec les bons mots et en bonne compagnie.
"Si la France insoumise avait eu à rédiger le texte… Le texte n’aurait pas été le même"
A la surprise générale, La France Insoumise a elle aussi embarqué dans cette galère, emmenée par un Jean-Luc Mélenchon ayant oublié ce qu’il disait naguère à propos de « l’islamophobie », terme inapproprié et instrumentalisé par les tenants de l’islam politique pour interdire toute critique de l’islam. C’est ce qui avait conduit Charb, directeur de Charlie Hebdo assassiné par les frères Kouachi, à écrire un livre intitulé fort opportunément : « Lettres aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des communautaristes et des racistes ».
A l’époque, Mélenchon était aux côtés de Charb. Il affirmait, en 2015 : « Je conteste le terme d’islamophobie quoique je le comprenne… Je défends l’idée qu’on a le droit de ne pas aimer l’islam, on a le droit de ne pas aimer la religion catholique et cela fait partie de nos libertés ». Aujourd’hui l’ex-candidat à la présidentielle s’apprête à défiler avec ceux qu’il dénonçait courageusement, quitte à semer le trouble au sein d’un mouvement qui a fait de la défense de la laïcité un principe majeur.
Comme les autres députés Insoumis, François Ruffin a apporté sa caution à l’initiative incriminée. Interrogé sur France Inter, il a déclaré qu’il avait fait ça distraitement, alors qu’il mangeait des gaufres avec ses enfants, bref un peu à l’insu de son plein gré. Mais il ne sera pas à la manifestation - « Pas mon truc » - car ce jour-là, comme tous les dimanches, il jouera au foot. Et si elle avait eu lieu le samedi ?
On a noté le même embarras (le mot est faible) chez Adrien Quatennens, coordinateur de la FI. Le député a déclaré sur BFMTV : « Si la France insoumise avait eu à rédiger le texte… Le texte n’aurait pas été le même ». Pointant, comme Jadot, la dénonciation de « lois liberticides » inexistantes, il a fustigé ceux qui dévoient la laïcité pour « stigmatiser » les musulmans, avant de préciser : « Les fondamentaux républicains, universalistes et laïques de la France insoumise ne peuvent pas être mis en doute ». Pourquoi, alors, aller manifester avec des personnes et des mouvements qui en sont les ennemis déclarés ? Adrien Quatennens a précisé qu’à titre personnel, il n’irait pas battre le pavé. Il aura ainsi le loisir nécessaire pour approfondir la notion de grand écart.
"Nous ne nous reconnaissons pas dans des mots d’ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme liberticides"
Il en est d’autres qui n’auront pas à se livrer à cet exercice. Tel est le cas de l’eurodéputé insoumis Emmanuel Maurel. Le transfuge du PS a tout de suite dénoncé la petite opération politicienne ayant consisté à surfer sur l’émotion légitime causée par l’attentat de Bayonne (entre autres) et diverses initiatives odieuses du RN pour tenter de rassembler la gauche derrière le flambeau de l’islam politique, ralliant au passage un PC qui ne sait plus où il habite.
On saluera également la position du PS qui a déclaré : « Nous ne nous reconnaissons pas dans des mots d’ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme liberticides ». Pour une fois, le PS brillera par son absence, ce qui lui permettra d’être présent avec honneur dans le débat. A défaut du grand remplacement tant craint par certains, on a le grand chamboulement.