Mais de quel accomplissement voulez-vous bien parler, monsieur Couillard ?

Tribune libre


Il y a de ces déclarations qui rendraient un âne enragé. Mercredi 15 novembre 2006. Monsieur Couillard nous fait une confidence, presque une confession. Il a voté pour le Parti Québécois en 1976. La déclaration faite avec un air de contrition se transforme bien vite en ferme propos de ne plus jamais recommencer étant donné que le Québec s'est pleinement accompli pendant les trente dernières années dans la fédération canadienne. Évidemment, on ne peut pas demander au ministre libéral de dire autre chose étant donné sa position mais devant les faits qui s'accumulent depuis ce temps, il aurait été mieux avisé de ne rien dire du tout. Comment diable peut-on affirmer que nous nous sommes accomplis dans cette fédération depuis 30 ans ? Il faut bien admettre que pendant ce laps de temps, bien des Québécois ont réussi de beaux accomplissements autant au niveau national qu'international. Il faut s'en réjouir. Mais collectivement, qu'avons-nous accompli pendant toutes ces années ?
J'espère que monsieur Couillard n'avait pas en tête une certaine nuit qui a mené au rapatriement unilatéral et à la charte fédérale de 1982, cette charte qui contribua à diminuer les pouvoirs de l'Assemblée nationale et à rendre ainsi la loi 101 beaucoup plus vulnérable. Aucun gouvernement du Québec, y compris celui dont il fait partie, n'a accepté de ratifier cette entente ce qui fait que depuis un quart de siècle, nous vivons dans un pays dont nous n'avons pas accepté les dernier changements constitutionnels. Quel beau moyen de s'accomplir dans la fédération canadienne !
J'ose croire que monsieur a aussi oublié la tragi-comédie de Meech où l'on a refusé au Québec un minimum, une quasi-coquille vide. Robert Bourassa, selon son habitude, s'était contenté de quelque chose assez près du plancher. Même cela nous a été refusé. Il a donc fallu reporter nos modestes accomplissements à plus tard.
J'espère qu'il ne pensait pas non plus au fameux «Clarity Bill». La majorité canadienne nous a imposé cette loi qui intervient dans un processus de décision qui nous revient en affaiblissant au passage notre loi sur les consultations populaires. Question claire, majorité claire, qu'est-ce que cela veut dire ? Les avocats feront fortune. Voilà une autre belle occasion de nous accomplir !
J'imagine que le ministre ne songeait pas vraiment au déséquilibre fiscal. Les problèmes sont devenus plus criants tant en santé qu'en éducation quand le gouvernement fédéral a décidé de couper dans les transferts aux provinces pour éponger son déficit. Maintenant, le fédéral nage dans les surplus qu'il essaie de cacher tandis que nous, nous devons trafiquer les chiffres par certains processus comptables pour faire croire que nous réalisons toujours le déficit zéro. Plutôt curieux comme accomplissement.
Pensait-il alors à la coquille vide de notre présence à l'UNESCO ? Avait-il en mémoire la conférence des ministres de l'environnement à Naïrobi où monsieur Béchard doit jouer le grand muet et servir de faire-valoir à madame Ambrose et en même temps se montrer avec la coalition appuyant le protocole de Kyoto tout en espérant que la ministre fédérale mentionne le plan du Québec en environnement. Quel imbroglio ! On sait maintenant que le pauvre ministre Béchard s'est fait flouer. Tout un accomplissement !
Enfin, croit-il que nous nous accomplissons dans le Conseil de la Fédération ? Cette «trouvaille» de Jean Charest est en train de devenir une montagne qui n'a même pas encore accouché de sa souris. Blocage sur la péréquation, impasse sur le déséquilibre fiscal, quels accomplissements ! Il ne manquerait plus que l'on y aborde le sujet de la nation québécoise, question d'ajouter une autre coquille vide à notre collection.
Non, monsieur Couillard, depuis 30 ans, collectivement nous n'avons pas accompli grand chose d'essentiel à part survivre. Nous rafistolons notre système de santé sans grand succès, nous rapiéçons notre système d'éducation et nous «patchons» notre réseau routier avec ce qui reste. Pendant ce temps, nous gaspillons de précieuses énergies à patauger dans le cloaque constitutionnel de plus en plus fétide d'un pays qui a perdu, depuis 1982, la faculté de se renouveler. Nous nous enlisons lentement mais sûrement. Il n'y a plus de place ni pour le rêve ni pour la mobilisation dans cette province. Pendant ce temps, les gouvernements qui se succèdent à Québec doivent administrer à la petite semaine sans vision à long terme parce qu'ils sont pris dans un carcan financier qui contribue à faire de nous des dépendants et à développer ici une mentalité de quêteux. Quêteux, voilà peut-être notre plus grand accomplissement, monsieur le ministre.
Gilles Ouimet

Des Ruisseaux, Qc

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Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troupe de théâtre amateur (Troupe Montserrat) depuis 2000. Écriture pour le théâtre, notamment une pièce à l’occasion du centenaire de Mont-Laurier en 1985 (Les Grands d’ici), une autre à l’occasion du 150e anniversaire du soulèvement des Patriotes (Le demi-Lys...et le Lion) en 1987 (prix du public lors du festival de théâtre amateur de Sherbrooke en 1988 et 2e prix au festival canadien de théâtre d’Halifax la même année). En préparation, une pièce sur Louis Riel (La dernière Nuit de Louis Riel). Membre fondateur de la Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. Retraité de l’enseignement depuis 2005.





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