Le Canada et l’Europe sont en voie de conclure une entente commerciale bien meilleure que ce qu’on avait l’habitude de voir auparavant, assure le ministre québécois des Relations internationales et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée. « Ce n’est plus le libre-échange avec la dictature du marché. »
Le ministre a profité de son passage, lundi, devant le Conseil des relations internationales de Montréal, pour entreprendre sa campagne de promotion de l’éventuel Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. Il y a constaté, lors d’un point de presse en marge de sa conférence, que de l’Accord de libre-échange canado-américain à aujourd’hui, « les Québécois ont développé un sain scepticisme à l’endroit des accords de libre-échange au cours des trente dernières années ».
Il croit cependant qu’il saura les convaincre de l’intérêt d’appuyer la future entente avec l’Europe. « On pense qu’on arrive à un bon équilibre entre l’ouverture des marchés pour nos entreprises et pour l’emploi, d’une part, et la protection de notre démocratie et de notre capacité de décider de nos affaires sur tous les plans, d’autre part. Et donc, il faut l’expliquer. Ce n’est plus le libre-échange avec la dictature du marché. »
Négociable, pas négociable
Jean-François Lisée a dit avoir été, lui-même, agréablement surpris d’apprendre « les avancées considérables » effectuées depuis l’Accord de libre-échange nord-américain notamment en ce qui a trait au « sévère balisage » du droit des investisseurs de poursuivre les États.
Rappelant que la récompense visée est un meilleur accès à un marché d’un demi-milliard de consommateurs européens, il a répété, devant les quelque 650 personnes - gens d’affaires, universitaires et représentants d’organisations internationales - venues l’entendre, que « l’éducation, la santé, l’eau, la gestion de l’offre, rien de cela n’est négociable ou en voie de négociation ».
Il a aussi redit, cette fois-ci en point de presse, que le « principe » du système agricole de gestion de l’offre dans le lait, les oeufs et la volaille « n’est pas négociable », mais qu’il n’était pas exclu que le Canada doive accorder quand même aux producteurs européens des quotas d’exportation de fromage supplémentaires. Tout dépendra de l’impact que cela pourrait avoir sur l’emploi au Québec, a-t-il précisé. « On va juger au mérite. »
La demande des Européens de porter à quinze ans la durée de protection des brevets pharmaceutiques est aussi un enjeu délicat, a admis Jean-François Lisée. Les provinces pourraient devoir l’accepter, mais elles réclament, dans ce cas, qu’Ottawa compense les coûts supplémentaires que cela imposerait à leurs systèmes de santé.
Le ministre aime beaucoup que le Québec ait été invité à avoir son propre négociateur à la table des discussions. Cette présence des provinces était une condition exigée par l’Europe qui savait que plusieurs de ses demandes allaient directement les concerner. Devant le succès de cette innovation, Jean-François Lisée voudrait maintenant que l’expérience soit répétée dans les autres négociations commerciales entreprises par le Canada avec le Japon, l’Inde ou encore dans le cadre du Partenariat transpacifique.
Les négociations entreprises en 2009 entre le Canada et l’Europe seraient très près d’une conclusion selon lui. « Les acteurs veulent régler », notamment parce que les Européens voudraient passer à d’autres négociations, avec les États-Unis cette fois. « Les compromis politiques de dernières rondes vont se faire dans les semaines qui viennent. »
Transparence
Confrontés à de nombreuses plaintes quant au manque de transparence de ce processus de négociations, Jean-François Lisée et son collègue aux Finances et à l’Économie, Nicolas Marceau, ont tenu deux réunions d’information auxquelles ont participé, largement à huis clos, une cinquantaine de représentants de la société civile. La première réunion s’est tenue, en octobre, et la seconde a pris la forme d’une conférence téléphonique d’une heure le mois dernier. Le négociateur en chef pour le Québec, Pierre Marc Johnson, et son équipe ont aussi rencontré plusieurs des principaux acteurs concernés.
Toutes ces initiatives et tous ces arguments sont loin de convaincre les syndicats et les mouvements sociaux membres du Réseau québécois sur l’intégration continentale. « Si je me fie à la position exprimée par leurs principaux porte-parole, le projet d’AECG ne passe tout simplement pas », a déclaré en entretien téléphonique au Devoir son coordonnateur, Pierre-Yves Serinet. Outre le secret dans lequel se déroulent les négociations, leurs opposants craignent, entre autres choses, que le droit des investisseurs à poursuivre les États ne prive les gouvernements d’une part de leur souveraineté en matière d’environnement et de développement économique, et ne les pousse même à privatiser des services publics. Ils s’inquiètent également du degré de protection de la diversité culturelle.
« C’est vrai que ces enjeux semblent bien austères et qu’ils ne font pas la manchette, mais les choses pourraient changer », note Pierre-Yves Serinet. Après tout, il en était de même à-propos du projet de Zone de libre-échange des Amériques jusqu’à ce qu’un sommet se tienne à Québec en 2001. On dit que la conclusion de l’AECG amènera la tenue d’un sommet Canada-Europe. Cela pourrait être l’événement que les opposants attendaient.
Présenté comme un projet de traité commercial de « nouvelle génération », l’AECG porte un vaste ensemble d’enjeux, dont le commerce des biens et des services, l’harmonisation des normes, les contrats publics, la mobilité de la main-d’oeuvre, sans compter tous ceux évoqués précédemment.
Malgré le «sain scepticisme» des Québécois à l’égard de ces accords, le ministre assure que cette entente est dans leur intérêt
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