Une fois n'est pas coutume, il convient de louer la nouvelle sollicitude de Carole Théberge pour les garderies à 7 $. Depuis sa nomination au poste de ministre de la Famille, elle donnait plutôt l'impression d'avoir ces créatures péquistes en aversion.
«Le règlement vient garantir aux parents d'avoir un service éducatif complet avec une contribution réduite. Ils n'ont pas à payer plus pour ce service», a déclaré Mme Théberge, qui a même brandi la menace de sanctions.
Soit, il lui fallu plusieurs jours pour répliquer publiquement au mouvement de contestation de l'Association des garderies privées, qui entend persister dans la surfacturation, mais on lui pardonnera ce retard.
Déjà, la semaine dernière, les journalistes avaient été agréablement surpris par la clarté des notes explicatives sur le financement des garderies fournies par son ministère. Dans le passé, les explications de la ministre se caractérisaient surtout par leur confusion.
Depuis quelque temps, chaque annonce du gouvernement Charest est présentée comme un indice supplémentaire de l'imminence d'élections générales, mais cette soudaine affection pour les CPE semble encore plus suspecte.
Dès le début de son mandat, le gouvernement s'est empêtré dans le dossier des garderies qui est rapidement devenu le symbole du démantèlement de l'État dont on prêtait l'intention aux libéraux. La maladresse de la ministre, pour employer un euphémisme, n'a fait qu'accroître les soupçons.
En affirmant haut et fort que le règlement interdisant la surfacturation adopté le printemps dernier entrera en vigueur jeudi, la ministre pourra maintenant se vanter d'avoir mis fin à une pratique que même le gouvernement péquiste avait tolérée pendant des années.
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C'est une vieille habitude chez les libéraux de se redécouvrir une âme social-démocrate à l'approche des élections. Immanquablement, ils se souviennent avoir été à l'origine de l'assurance maladie et de tous les bienfaits hérités de la Révolution tranquille.
En 1998, Jean Charest avait commis l'erreur de ranger dans un tiroir le rapport sur la pauvreté que Daniel Johnson, qui connaissait la chanson, avait pris soin de commander à Claude Ryan. Lucien Bouchard avait eu beau jeu de présenter le nouveau chef du PLQ comme un émule de Mike Harris.
M. Charest n'a pas oublié cette leçon. Devant 600 partisans libéraux de l'est de Montréal réunis pour un brunch-bénéfice en septembre 1999, il avait lancé : «La compassion, chers amis, ce sera le cheval de bataille du Parti libéral du Québec.»
Peut-être sur les conseils de Daniel Johnson, M. Charest avait de nouveau fait appel à Claude Ryan en prévision des élections de 2003. Son essai intitulé Les Valeurs libérales et le Québec moderne était devenu son livre de chevet, qu'il brandissait aussi régulièrement que son passeport canadien durant la campagne référendaire.
L'ancien disciple de Mike Harris s'est refait une vertu en dénonçant la «médecine à deux vitesses» préconisée par l'ADQ. Il tente aujourd'hui de refaire le même coup en assurant qu'il ne tolérera pas l'implantation d'un service de garde à deux vitesses, que son propre gouvernement a laissé se développer pendant trois ans. Au cours des prochains mois, parions que le livre de M. Ryan va de nouveau côtoyer L'Art de la guerre de Sun Tzu sur sa table de chevet.
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Tout autant que la détermination de Mme Théberge à défendre le principe de l'égalité des enfants en garderie, sans égard à la richesse de leurs parents, la nouvelle confiance de son collègue de la Santé dans la pérennité d'un régime public, universel et gratuit serait bien difficile à expliquer sans l'imminence d'élections.
Après avoir multiplié les consultations pour trouver un moyen d'assurer le financement à long terme du système, Philippe Couillard vient de découvrir que, avec un peu d'aide d'Ottawa, le Québec est tout à fait capable d'assurer sa croissance sans recourir à un ticket modérateur ou à une caisse santé.
Bien sûr, la santé accapare une part grandissante des dépenses publiques, et tout le monde s'entend pour dire qu'elle ira en grandissant, mais M. Couillard ne s'inquiète pas, puisque les sommes qui y sont consacrées demeurent stables par rapport au PIB.
Curieusement, ce raisonnement n'est pas recevable au gouvernement quand il s'agit du service de la dette. Pourtant, la dette a sensiblement décru par rapport au PIB au cours des dernières années. Cela n'a pas empêché Michel Audet d'annoncer la création d'un Fonds des générations pour la rembourser. Clairement, quelqu'un se paie notre tête.
Là encore, M. Couillard renoue avec une vieille tactique libérale, qui consiste à nier à la veille des élections une réalité qui a permis de justifier les bris de promesses et les compressions budgétaires durant les années précédentes.
Le PLQ avait eu recours au même stratagème en 1994. Au moment où il était président du Conseil du trésor, Daniel Johnson avait répété inlassablement que le Québec devait apprendre à «vivre selon ses moyens». Son collègue de la Santé, Marc-Yvan Côté, était catégorique : sans nouvelles sources de financement, le système de santé n'était plus viable.
Quand M. Johnson a succédé à Robert Bourassa et que les libéraux se sont retrouvés face à une échéance électorale, devinez ce qu'ils ont découvert et inscrit dans leur programme ? «Il est excessif aujourd'hui d'affirmer qu'il existe une crise majeure dans le financement du système de santé. La vérité, c'est que la part de la richesse collective québécoise consacrée à la santé est demeurée relativement stable en pourcentage du PIB.»
Un an plus tard, le gouvernement Parizeau en était réduit à fermer des hôpitaux. À six mois du référendum, il fallait que la situation soit grave. Quelqu'un pense-t-il sérieusement que le gouvernement Harper va se montrer si généreux envers les provinces que l'avenir du système de santé sera assuré ? Si c'était le cas, pourquoi M. Charest paraît-il si pressé de déclencher des élections ?
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mdavid@ledevoir.com
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