En juin dernier, le gouvernement du Québec créait la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois. Notre commission, indépendante, doit dresser un état de situation des enjeux et des défis du secteur agricole et agroalimentaire. Elle doit aussi examiner l'efficacité des interventions publiques actuelles et formuler un diagnostic et des recommandations. [...]
Le mandat est vaste et important. La production agricole, la transformation et la distribution alimentaires, y compris l'hôtellerie, la restauration et les institutions sont des activités économiques génératrices de richesse, d'emplois et d'exportations. Le secteur agroalimentaire emploie au Québec 450 000 personnes. Les enjeux interpellent tous les citoyens du Québec.
Au cours des prochains mois, nous présiderons des audiences publiques et nous animerons sept tables rondes. La Commission sera présente dans 16 régions et 28 municipalités. Pour préparer la consultation, nous avons regroupé un certain nombre de constats [...], présentés dans un document de consultation intitulé Agriculture et agroalimentaire: choisir l'avenir. J'en retiens certaines lignes de force avec, à l'esprit, l'objectif de lancer et de susciter la réflexion et les échanges du plus grand nombre possible de citoyens. Cela sans préjuger des résultats d'un débat public qui reste à venir.
Un mode de vie en crise
D'entrée de jeu, il est important de se rappeler que, traditionnellement, l'agriculture, au Québec, est d'abord un mode de vie. Elle est aussi l'assise territoriale de la ruralité québécoise. Par définition, elle est le premier et le plus stable des facteurs d'occupation dynamique du territoire. Elle contribue largement à façonner son paysage et à développer son économie.
Parce qu'elle occupe une grande partie du territoire habité du Québec, l'agriculture a aussi un impact déterminant sur notre environnement. Des modes de production agricole respectueux de la qualité de l'eau, du sol et de l'air bénéficient à toute la population. L'agriculture et l'agroalimentaire sont également au coeur de toute stratégie de protection et de promotion de la santé. Bien en amont des soins médicaux, la consommation d'aliments sains et variés est un facteur déterminant de notre santé individuelle et collective.
Pour chacun de ces enjeux, nous observons des zones de difficultés et de turbulences. Plusieurs acteurs avancent même le mot crise. Au fil des années, les attentes de la société à l'égard des hommes et des femmes qui ont pour profession de nourrir la population se sont accrues et complexifiées. La santé financière précaire des fermes, les taux d'endettement, les niveaux importants de stress vécus par les familles agricoles, ainsi que les problèmes de relève font partie des problématiques les plus fréquemment soulevées.
La profession d'agriculteur est exigeante en temps, en formation ainsi qu'en investissements personnels et financiers. Nous attendons de ceux qui la pratiquent qu'ils produisent toujours plus efficacement en quantité et en qualité, qu'ils répondent aux goûts de plus en plus variés des consommateurs et qu'ils contribuent vigoureusement à la croissance de nos exportations. Cela, dans un contexte de compétition mondiale où les prix des denrées alimentaires ont tendance à stagner, voire à baisser, alors que ceux des facteurs de production augmentent.
Les entreprises de transformation alimentaire, quant à elles, se sentent littéralement coincées entre les producteurs et les distributeurs dont les centres de décision sont de plus en plus situés à l'extérieur du Québec ainsi que par les exigences de la concurrence internationale.
Tous concernés
Dans le monde rural, l'agriculture n'est plus seule ni même majoritaire. Des citadins s'y installent et les habitants des milieux périurbains ainsi que les autres citoyens ruraux affirment de nouvelles valeurs. Ils posent aussi de nouvelles exigences quant à la minimisation des impacts de la production agricole. La taille des fermes augmente alors que leur nombre diminue de façon constante, ce qui n'est pas sans conséquence sur le dynamisme des communautés rurales.
Les préoccupations croissantes de la population à l'égard de la santé et de la qualité de son alimentation interpellent aussi directement l'agriculture et l'industrie alimentaire. Des observateurs soulignent une certaine érosion du lien de confiance qui lie le consommateur à la chaîne bioalimentaire de production, de transformation et de distribution. Certains sont convaincus que des innovations technologiques, l'introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM), par exemple, constituent une menace pour la santé humaine, celle des troupeaux ainsi que pour la diversité biologique et l'environnement.
Certains analystes croient aussi qu'il est temps d'examiner la gouvernance des institutions du secteur. Les relations entre les acteurs et la définition de leurs rôles devraient-elles être actualisées pour mieux répondre aux défis de l'avenir?
Notre mandat n'est surtout pas de livrer au gouvernement et aux citoyens un compendium de problèmes, mais bien de mettre les potentiels en évidence et de suggérer des orientations pour l'avenir. Nous souhaitons que les gens viennent nous parler de leurs bons coups, de leurs succès, de leurs attentes et de leurs rêves. [...]
Comme son nom l'exprime bien, la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois a été créée pour dessiner une vision à long terme. L'avenir n'est pas écrit à l'avance. Il sera ce que l'on choisira d'en faire. Il dépend des choix que l'on fera après avoir bien disséqué, compris et décrit la réalité, les occasions comme les menaces. [...]
Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire
Les turbulences d'un secteur majeur
Par Jean Pronovost
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