Pour emprunter une expression aux amis saoudiens de Philippe Couillard, « Mektoub ! », en français, « Cétait écrit ! ». Un adversaire de Pierre Karl Péladeau à la campagne à la chefferie du PQ, Jean-François Lisée, s'est enfin rendu compte qu'elle était terminée avant même d'avoir commencer. Que cela lui ait pris quatre mois pour le comprendre et qu'il soit le premier à le faire nous fournit un triste indice du degré de déconnection des élus péquistes à la réalité qui constitue pourtant l'un des facteurs les plus importants de la défaite du 7 avril dernier.
Pourtant, cette réalité crève les yeux. Je l'ai décrite dès le 3 septembre dernier dans un article intitulé C'est marche ou crève, et ça presse que j'avais coiffé du surtitre suivant : « Le PQ peut-il secouer sa léthargie ? ». Je vous en cite quelques paragraphes dans lesquels j'expliquais la gravité de la situation et l'urgence de régler au plus coupant la question du leadership du PQ. Comme vous allez le voir, cette analyse n'a fait que gagner en pertinence vu les développements de l'actualité que j'avais correctement anticipés :
« Le PQ semble croire qu’il a quatre ans devant lui pour se préparer au prochain affrontement électoral. Il se trompe lourdement. Il a trois mois devant lui pour démontrer qu’il a encore sa place sur l’échiquier politique québécois, et six mois pour convaincre les Québécois qu’il constitue la meilleure alternative au gouvernement en place.
En effet, tous les signes pointent vers une détérioration rapide de la situation économique à l’échelle mondiale. À cet égard, l’indice le plus sûr est le cours du pétrole qui ne cesse de baisser depuis quelques mois, malgré une augmentation marquée des risques géopolitiques. La baisse de la demande est donc très forte.
Il fut un temps où toute tension géopolitique dans des zones sensibles de la planète se traduisait automatiquement par une flambée des cours du pétrole. Aujourd’hui, pas une semaine ne se passe sans que quelqu’un, quelque part, n’évoque la possibilité d’une Troisième Guerre mondiale. Pourtant, le cours du pétrole baisse, qu’il s’agisse du WTI (West Texas Intermediate), la référence dans la plus grande partie de l’Amérique du Nord, ou du Brent, le pétrole de la mer du Nord, la référence en Europe et dans l’Est du Canada.
Ça va donc très mal, malgré les tentatives pitoyables des gouvernements de nous faire croire le contraire pour minimiser les risques de conflagration sociale. Et au Québec, les choses vont aller encore plus mal qu’elles ne vont à l’heure actuelle avec les coupures additionnelles que les Libéraux devront faire dans le prochain budget pour atteindre le déficit zéro à la date annoncée.
Les tensions sociales vont atteindre des niveaux jamais connus. Déjà fortement en baisse sur les niveaux atteints au lendemain des élections, la popularité du gouvernement Couillard va s’effriter rapidement, jusqu’à ce que, lui comme d'autres et ici comme ailleurs, sa capacité de continuer à gouverner soit mise en cause. Il n’est donc pas du tout certain qu’il se rendra au terme de son mandat.
Le PQ doit être prêt à cette éventualité. Sa survie en dépend. Il ne peut donc pas se permettre le luxe de s’épivarder dans une longue course à la chefferie qui ne ferait qu’attiser les divisions ou en faire apparaître de nouvelles, en plus d’être exploitée au maximum par les autres partis et les médias fédéralistes pour le discréditer dans l’opinion publique.
Dans la situation actuelle, le sens de l’urgence et de l’intérêt supérieur du Québec exigerait que les députés du PQ se rallient au candidat le plus fort et soumettent ensuite cette candidature au plébiscite des membres de façon à donner au nouveau chef la légitimité démocratique requise.
La dernière chose dont le PQ et le Québec ont besoin en ce moment, ce sont des combats de coqs ou des débats, ou même des monologues, sur la date éventuelle d’un prochain référendum. La tenue d’un référendum est une formalité. L’essentiel n’est donc pas de préparer la tenue d’un référendum, c’est de préparer le Québec à l’indépendance.
Ce dont le Québec a un urgent besoin en ce moment, c’est d’un plan d’action qui va lui permettre de conserver le plus grand contrôle sur ses richesses et ses leviers de développement, qui va dynamiser ses forces, remédier à ses faiblesses, et promouvoir et défendre énergiquement sa langue, son patrimoine et sa culture, dans le respect de l’environnement, pour le plus grand bien de la population actuelle et des générations futures. »
Quelques semaines plus tard, le 27 septembre, Le Devoir rendait public les résultats d'un sondage Léger Marketing dans un article intitulé Péladeau éclipse ses adversaires au PQ qui débutait par ces mots :
« Même dans l’ombre, Pierre Karl Péladeau s’impose comme le favori du Parti québécois (PQ). Sans mener ouvertement campagne, le député et actionnaire de contrôle de l’empire Québecor éclipse tous les autres aspirants pressentis à la chefferie du parti, avec 53 % d’appuis chez les sympathisants péquistes. »
Dès ce moment, il était évident pour moi que le mouvement de l'opinion en faveur de PKP était irréversible, une conviction que j'allais exprimer dans l'éditorial de Vigile intitulé Chefferie du PQ : Les jeux sont faits !, publié le 27 septembre. Reprenant les mots du Devoir, j'enchaînais ainsi :
« La campagne à la chefferie du PQ est donc terminée avant même d’avoir commencé, tant l’avance qu’il détient sur tous les autres candidats, déclarés ou connus, est insurmontable. Face à lui, aucun d’entre eux n’est capable de se démarquer.
« Tous les autres aspirants-chefs suivent loin derrière, avec des grenailles par rapport à l’actionnaire de Québecor : Jean-Martin Aussant, Bernard Drainville, Martine Ouellet, Alexandre Cloutier et même Jean-François Lisée ont l’appui d’à peine de 2 % à 7 % des sympathisants péquistes. « Il y a des ego qui vont être meurtris au PQ », dit Jean-Marc Léger. »
Sans avoir cette information en mains, mais la pressentant quand même, évoquant l’urgence pour le PQ de se redresser pour démontrer aux Québécois qu’il demeurait toujours une alternative crédible, en particulier dans la perspective d’une détérioration rapide de la situation politique dans le contexte d’une crise économique mondiale susceptible d’éclater à tout moment, je suggérais déjà ce qui suit le 3 septembre dernier :
« Dans la situation actuelle, le sens de l’urgence et de l’intérêt supérieur du Québec exigeraient que les députés du PQ se rallient au candidat le plus fort et soumettent ensuite cette candidature au plébiscite des membres de façon à donner au nouveau chef la légitimité démocratique requise. »
Maintenant que tout le monde sait à quoi s’en tenir, autant chez les sympathisants péquistes que parmi les aspirants à la chefferie, il faut espérer que les instances du PQ et ses députés auront la sagesse de faire l’économie de débats désormais futiles et de divisions inutiles qui ne feraient qu’affaiblir le parti, tout en risquant de démolir la crédibilité et la carrière politique de ceux qui persisteraient à vouloir affronter Pierre Karl Péladeau dans de telles conditions.
Toute autre issue serait carrément suicidaire, tant pour le parti que pour les personnes concernées. Toutefois, le PQ étant ce qu’il est, on ne peut prendre ce scénario pour acquis. Ce qui apparaîtrait une évidence dans toute autre parti de pouvoir n’en constitue pas une chez lui, tant les petits ambitieux, les rêveurs et les utopistes y tiennent une place importante.
Pour le meilleur ou pour le pire, une forte majorité d’indépendantistes ont jeté leur dévolu sur Pierre Karl Péladeau, qu’ils estiment le plus capable de conduire le vaisseau de l’indépendance à bon port, en empruntant des chemins nouveaux, ceux utilisés jusqu’ici ayant failli. C’est en effet le sens qu’il faut donner au commentaire du sondeur Jean-Marc Léger lorsqu’il fait le constat suivant, toujours à propos du même sondage :
« ... à peine 45 % des souverainistes appuient désormais le parti de René Lévesque... Plus de la moitié des indépendantistes appuient désormais la CAQ de François Legault, Québec solidaire ou même le PLQ. Le Parti québécois a bel et bien perdu sa capacité d’attraction, même chez les souverainistes. »
« Le projet de souveraineté n’est pas dépassé, mais le projet de souveraineté du PQ, lui, est dépassé », dit Jean-Marc Léger. Ceux qui appellent à « refonder le PQ » semblent avoir raison. »
Aucun des aspirants à la chefferie du PQ n’a, plus que Pierre Karl Péladeau, la capacité de transformer le projet de souveraineté du PQ. Sa seule présence est transformationnelle, sans même qu’il n’ait à prononcer un seul mot ! Il est tout ce que le PQ n’a jamais été, à commencer par la réussite.
Et c’est cette réussite qui rassure les Québécois. D’instinct, ils ont compris que l’indépendance ne pouvait pas être confiée à des amateurs, des fantaisistes, des illusionnistes. des carriéristes ou des chauffards. À la tête d’une grande entreprise, Pierre Karl Péladeau a eu à prendre des risques, mais il les a bien choisis, et il a livré les résultats. Qui peut en dire autant ? »…
Trois jours après la parution de cet article et devant les réactions inconscientes des divers aspirants au leadership, je revenais à la charge avec l'éditorial suivant :
PKP s’impose comme « l’homme de la providence ». Je le reprends ici dans son intégralité tant il n'a rien perdu de sa pertinence, de son actualité, et de sa force argumentaire :
« Il fallait que certains aspirants au leadership soient très déconnectés de la réalité pour ne pas avoir anticipé les résultats du sondage Léger Marketing – Le Devoir rendus publics samedi dernier, et il est assez pathétique de les voir malgré tout tenter de forcer leur chance en insistant sur la tenue d’une course à la chefferie dont il est non seulement assuré qu’ils vont faire les frais, mais qui risque en plus de creuser des divisions déjà suffisamment néfastes dans les rangs du PQ et du mouvement indépendantiste.
Qu’ils ne sentent pas non plus que la dernière chose dont les Québécois aient besoin en ce moment, c’est d’un énième psychodrame péquiste, a de quoi susciter les plus profondes inquiétudes sur leur sens politique.
Le sondage ne faisait que mesurer la notoriété des candidats potentiels, disent certains. D’autres invoquent la santé démocratique du PQ pour s’opposer à un couronnement, ou encore plaident la nécessité d’un débat sur les orientations du parti. Autant de prétextes cousus de fil blanc pour masquer des ambitions carriéristes mesquines ou des postures idéologiques revanchardes devant le « score » éclatant de Pierre Karl Péladeau, ci-devant patron de choc de Québecor.
Tout à leurs petits calculs personnels, ces aspirants ne voient pas ce que représente la candidature de PKP dans l’imaginaire collectif des Québécois.
PKP, c’est la revanche des Québécois sur l’histoire, un chef naturel qui a réussi dans les affaires et qui prend parti publiquement non pas pour les conquérants comme le font traditionnellement tous ceux qui sont parvenus à faire leur marque dans ce monde, mais pour le peuple dont il est issu et qu’il aime profondément, avec ses complexes d’infériorité, sa fierté réprimée, ses ambitions les plus légitimes niées quand elles ne sont pas tout simplement pointées du doigt comme un objet d’opprobre, ou carrément ridiculisées.
Nommez-moi un seul peuple qui n’est pas à la recherche d’un champion pour s’en faire un héros ? Les Québécois ont trouvé le leur en la personne de Pierre Karl Péladeau. Le voilà consacré « homme de la providence » dans la conscience populaire même si personne n’a encore osé l’expression, sans doute en raison du malaise que peuvent inspirer autant l’étiquette que la notion aux gens de raison, à commencer par lui-même.
Les Québécois reconnaissent instinctivement Pierre Karl Péladeau comme l’un des leurs et ils sont prêts à mettre leur avenir entre ses mains. Ses adversaires le savent et le redoutent, comme l’indiquent déjà leurs réactions quasi-hystériques à chacune de ses interventions.
Y a-t-il un seul autre aspirant à la chefferie du PQ capable d’inspirer autant de crainte aux fédéralistes et de fierté aux indépendantistes ? D’imposer le respect à tous ? De naviguer avec assurance dans les milieux les plus divers et les sphères les plus élevées ? De faire preuve d’une connaissance aussi intime des affaires et de l’économie ? D’articuler et de mettre en oeuvre une vision claire ? De négocier de manière experte les enjeux les plus délicats ? D’offrir la garantie qu’il sera à la hauteur des épreuves les plus dures ? De parler couramment le langage du pouvoir ? De se montrer fort et digne en toute circonstance ?
L’idée ici n’est pas de suggérer qu’il a toutes les qualités, mais plutôt qu’il en manque plusieurs importantes à ses rivaux. S’ils ont pour deux sous de jugeote, ils vont s’effacer et lui céder gracieusement la place. Quels que soient leurs mérites personnels, et ils en ont, ils ne sont pas de taille à se mesurer avec lui, tant sur le plan des réalisations que sur celui des symboles.
S’il fallait qu’ils se placent en travers de la volonté populaire sur une question d’importance aussi existentielle, car c’en est bien une tant pour le PQ que pour les Québécois vu les espoirs que soulève la candidature de Pierre Karl Péladeau, ils seraient les premiers à en pâtir. »
Jean-François Lisée
Ses rivaux n'ont pas eu la jugeote de s'effacer en octobre, ni en novembre, ni en décembre. Ils en ont pâti, et aucun d'entre eux davantage que Jean-François Lisée qui est parvenu à dresser tous les péquistes, ou presque, contre lui. Il croyait bien, pourtant, détenir un argument imparable pour forcer PKP à se retirer de la course. Mal lui en a pris, il passe désormais chez les indépendantistes pour « un pelé, un galeux », comme ces fins-finauds des fables de LaFontaine qui se retrouvent « honteux comme un renard qu'une poule aurait pris ». Difficile pour un homme si sûr de sa propre intelligence et si méprisant pour celle des autres de découvrir qu'il n'est pas le messie attendu.
Il ne faut d'ailleurs pas s'attendre à le voir accepter son sort gracieusement. Dans la vidéo qu'il a mise en ligne pour annoncer son retrait de la course à la chefferie, il précise qu'il demeure député de Rosemont, membre du caucus du PQ, mais qu'il ne se rallie pas au leadership de PKP, ce qui laisse augurer le pire de ses intentions.
Les observateurs aguerris de la scène politique québécoise ont toujours eu des doutes sur la solidité de ses convictions indépendantistes. Après tout, n'est-il pas l'ancien correspondant de La Presse à Washington, et était-il possible, même à la fin des années 1980, d'occuper un poste aussi stratégique dans l'Empire Desmarais sans avoir convaincu celui-ci sinon d'une parfaite loyauté du moins d'une totale communauté de vues sur les sujets qu'il considérait comme les plus cruciaux pour ses intérêts ?
Et n'est-il pas celui qui au cours des dernières semaines est allé jusqu'à déclarer sur son blogue} « On peut significativement transformer le Québec — le Québec-province — en nation exemplaire en Amérique du nord sur les plans économique, social et environnemental avec les outils incomplets qui sont à notre disposition. C’est ce que nous avons fait, collectivement, de Jean Lesage à Pauline Marois. », sans réaliser, ou alors en le réalisant parfaitement, que si tel devait être le cas, nous n'aurions aucune raison valable de vouloir faire l'indépendance ?
En fait, c'est faux. Si c'était vrai, nous ne serions pas en train de nous inquiéter de la pérennité des gains du Québec depuis la Révolution tranquille.
Pour en terminer avec Lisée, vous serez sûrement plusieurs à avoir remarqué que Denis Lessard de La Presse est le premier à avoir commenté la décision de Lisée dès vendredi matin, avant même la conférence de presse au cours de laquelle ce dernier allait l'annoncer. Seul signataire de la première version, Lessard était rejoint par Jasmin Lavoie pour la seconde, mise en ligne après la conférence de presse et désormais seule version offerte sur le site.
Ces petites précisions nous permettent de comprendre que Lessard, toujours à l'affut d'un scoop, avait bel et bien obtenu l'information de Lisée avant qu'il ne la rende publique. Lisée n'est-il pas un ancien collègue de Lessard à La Presse ? Et Lisée ne va-t-il pas avoir besoin d'un allié parmi les journalistes de la Tribune de la presse à Québec pour se mettre en valeur dans son nouveau rôle de trublion au PQ ?
En fait, Lisée et Lessard sont en contact régulier depuis l'entrée de Lisée au cabinet Parizeau en 1994, ce qui explique quelques uns des meilleurs scoops de Lessard pendant les mandats de Parizeau et Bouchard.
Bernard Landry
Reste maintenant à savoir si les autres aspirants à la chefferie du Parti Québécois vont suivre Lisée dans son retrait de la course à la chefferie. C'est certainement le conseil que vient de leur donner Bernard Landry après l'annonce de Lisée en déclarant sur les ondes de Radio-Canada La course au PQ est terminée. Mais, en bon maître de l'équivoque politicienne qu'il est, tout en évoquant la « domination incroyable » de Pierre Karl Péladeau tant au sein du parti que de la population en général, et en déclarant « Bien sûr, que la course est terminée », « il estime qu'un débat d'idées est une « bonne chose pour le parti » et il l'encourage. » Sacré Bernard !
Pour ma part, mon opinion n'a pas varié depuis le 3 septembre dernier. La situation est critique, le temps presse, PKP est l'homme de la situation, et le PQ doit vite régler la question du leadership s'il veut prétendre gouverner le Québec. Pas en mai. Dès maintenant. Et ça presse !
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