Le premier ministre britannique, Tony Blair, croyait bien étouffer les braises indépendantistes en accordant aux Écossais une autonomie accrue, chapeautée par un Parlement et un gouvernement distincts. Or, sept ans plus tard, le Scottish National Party (SNP), indépendantiste, est favori pour gagner les prochaines élections régionales, lui qui promet la tenue d'un référendum dans son premier mandat. De plus, de récents sondages indiquent qu'une majorité d'Écossais sont favorables à la séparation de leur territoire du reste du Royaume-Uni.
Que s'est-il passé? Tout Canadien s'intéressant le moindrement à l'actualité politique écossaise est frappé par les nombreuses similitudes entre les débats qui y ont cours présentement et les nôtres. Il se dégage un constat principal à cet égard : la force constante sinon croissante du courant indépendantiste dans les deux régions, et ce, bien que plusieurs des problèmes qui en étaient la source autrefois aient été réglés.
Comme le Québec aujourd'hui, l'Écosse est considérablement plus développée et autonome qu'il y a quelques décennies. Ces années-ci, comme le Québec, elle connaît une des périodes les plus prospères de son histoire. Le taux de chômage est même plus faible en Écosse que dans l'ensemble du Royaume-Uni. Difficile de prétendre de nos jours, comme le faisaient les nationalistes écossais dans les années 70, que l'Écosse n'est qu'une colonie de l'Angleterre.
Néanmoins, les leaders du SNP réussissent à faire croire à leurs partisans que, séparée de l'Angleterre, du pays de Galles et de l'Irlande du Nord, l'Écosse serait encore plus riche, l'un des pays les plus riches du monde en fait. Un argument qu'on entend souvent dans la bouche des souverainistes québécois et qui, étrangement, ne fait sourciller personne.
D'où viendrait cette richesse supplémentaire? Ici, on le sait, c'est la fin du déséquilibre fiscal et des dédoublements qui donnerait plus de moyens au gouvernement d'un Québec indépendant, selon le PQ et le Bloc. En Écosse, c'est le pétrole de la mer du Nord, qui, selon le SNP, reviendrait presque en totalité à l'Écosse séparée. Cette explication semble convaincre bien des Écossais malgré la publication répétée de données montrant que, même s'il encaissait la totalité des redevances de cette richesse pétrolière, le gouvernement d'une Écosse souveraine enregistrerait un déficit annuel substantiel.
L'autre argument central de la thèse indépendantiste écossaise, c'est la nécessité pour l'Écosse de parler de sa propre voix sur la scène internationale. " Sans l'indépendance, explique un pamphlet du SNP, l'Écosse doit se contenter de regarder pendant que les autres nations négocient et s'attaquent aux problèmes du monde. " Ça ne vous dit pas quelque chose? Les Écossais semblent sensibles à cet argument, même s'il paraît tout à fait illogique qu'une Écosse comptant 5 millions d'habitants (et en déclin démographique) ait plus de poids seule que comme partie d'un Royaume-Uni de 50 millions d'habitants, puissance nucléaire, membre du G8 et du Conseil de sécurité de l'ONU
Dans un discours passionné, l'automne dernier, M. Blair a tenté de convaincre les Écossais que l'union avec la Grande-Bretagne, vieille de 300 ans cette année, restait l'avenue la plus prometteuse : " L'Union est un message envoyé au monde. Nous sommes deux pays ouverts, l'Angleterre et l'Écosse. Ouverts l'un à l'autre. Ouverts au monde. Nous voyons bien le défi considérable auquel nous faisons face avec la Chine et l'Inde, peuplées de 1,3 milliard d'habitants. Pour nous, aujourd'hui, s'unir est une question de survie. "
Les Écossais en semblent parfois conscients et se retrouvent déchirés au sujet de leur avenir. Quand une firme de sondages leur demande s'ils seraient d'accord pour que l'Écosse devienne " un pays indépendant ", 52 % disent oui, contre seulement 35 % qui répondent non. Mais quand on leur propose de choisir entre le statut autonome actuel et " un État complètement indépendant hors du Royaume-Uni ", 50 % expriment une préférence pour le statu quo, contre seulement 31 % pour l'indépendance Les Écossais auraient-ils entendu les monologues d'Yvon Deschamps?
Conscient de cette ambivalence, le SNP compte, dans un éventuel référendum, poser une question douce. Le parti en a fait connaître le libellé il y a deux ans :
" Le Parlement écossais devrait négocier une nouvelle entente avec le gouvernement britannique de sorte que l'Écosse devienne un État souverain et indépendant.
Oui, je suis d'accord.
Non, je ne suis pas d'accord. "
Les Écossais ne se prononceraient donc pas sur l'indépendance comme telle mais sur un mandat de négocier!
Il n'est pas du tout certain que les Écossais choisiront prochainement de quitter le Royaume-Uni. Mais cette possibilité n'a jamais été aussi forte qu'aujourd'hui. On le voit, notamment, dans la diminution de l'attachement émotif des Écossais à l'endroit du Royaume-Uni : de la même façon que (selon les sondages) les Québécois se sentent de moins en moins Canadiens, les Écossais sont de moins en moins nombreux à s'identifier à la Grande-Bretagne.
On sent, chez les politiciens du Royaume-Uni, un désarroi qui n'est pas sans faire penser à ce qu'on peut voir dans le camp fédéraliste ici. Leur discours, qu'il mise sur des faits incontestables ou sur l'émotion, semble impuissant à affaiblir l'opinion indépendantiste. Ils en sont réduits à mettre la popularité de celle-ci sur le compte de la malhonnêteté intellectuelle des leaders nationalistes. Or, comme le soulignait récemment un chroniqueur du Times : " Nous devrions envisager la possibilité que la politique séparatiste en Écosse fasse appel à un sentiment réel et profond au sein de l'électorat, un besoin auquel on ne peut répondre par le mépris ou la négation. " Ce conseil vaut aussi, selon nous, pour les fédéralistes canadiens. Ne serait-il pas temps que ceux-ci remettent en question en profondeur leur argumentaire et leur stratégie?
Ce qui se passe en Écosse, en tout cas, devrait les porter à réfléchir. Ils doivent mieux comprendre que le nationalisme québécois, comme l'écossais, n'est ni une aberration ni le fruit d'un quelconque complot des politiciens, intellectuels et artistes souverainistes. L'appel de la nation est de nos jours extraordinairement séduisant; si les fédéralistes canadiens et les unionistes britanniques n'arrivent pas à présenter un argumentaire renouvelé, à la fois plus solide et plus attrayant, ils risquent de perdre, tôt ou tard, le pays qui leur est cher.
Enfin, contrairement à une opinion trop répandue, il y a urgence. Songeons seulement à l'impact qu'aurait, sur l'opinion québécoise, une transition réussie de l'Écosse vers l'indépendance.
Les leçons écossaises
17. Actualité archives 2007
André Pratte878 articles
[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8a...
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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]
[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.
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