Trois camarades de la revue À bâbord ! se fendent d’un texte courageux et perspicace, « Gauche politique : rebondir » (Le Devoir, 27 février 2017), pour s’inquiéter de l’arrivée du grossier Donald Trump à la présidence des États-Unis, qui ne serait que le prodrome d’une déferlante de la droite réactionnaire, particulièrement en Europe, disent-ils. Pourquoi le Québec échapperait-il à ce prévisible tsunami ? Et d’y aller d’un diagnostic qui dénonce avec raison les affairistes du PQ et du Parti libéral qui, pourrait-on préciser, travaillent depuis longtemps à privatiser le monde, à le déshumaniser, par sa vision gestionnaire de la nature comme des liens sociaux.
Le texte du trio se veut aussi mobilisateur en invoquant différents scénarios pour changer radicalement cette politique suicidaire, tous réalisables, si les hommes et femmes de la « gauche conséquente » rassemblés en réseaux chez les féministes et les écologistes, dans les syndicats et les groupes populaires, unissent leurs forces, inspirés par les propositions récentes de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) et du groupe Faut qu’on se parle (FQSP).
Hélas, et c’est extrêmement regrettable, pas l’ombre de la moindre autocritique dans leur texte : la gauche serait « conséquente » depuis toujours — et conséquente avec quoi au juste ? C’est sans doute ce qui explique que le consensus social au Québec soit si massif et qu’on a tellement l’impression, comme le remarquent avec justesse les auteurs, d’« une période morose et glauque », qu’ils comparent à la Grande Noirceur de Duplessis. Peut-être pire, dirais-je.
Il semble que la gauche de l’époque avait plus de mordant, une plus grande capacité d’unification et davantage d’affinités avec les classes populaires. C’est du moins la conclusion qu’on peut tirer des exemples mêmes avancés par le trio. Mais non : la gauche toujours et encore irréprochable.
Sortir du religieux
C’est sans doute cet esprit de conséquence sans faille qui explique pourquoi les syndicats, comme le déplorent d’innombrables « vieux » militants depuis plusieurs années, sont devenus de véritables partenaires de l’entreprise privée et des grandes sociétés d’État, à commencer par le système d’éducation ; que les secteurs du primaire et du secondaire ne semblent jamais préoccuper la gauche universitaire ; qu’aucune réflexion sur ce qu’est devenu le travail dans nos sociétés ne semble émaner des centrales syndicales, sinon pour revendiquer timidement un salaire minimum plutôt que décent.
Ne disons rien non plus du syndicalisme étudiant et de la tournure du Printemps érable, voire des tentatives critiques de ce soulèvement printanier, qu’on aime imaginer tout d’un bloc, sans conflits internes, irréprochable à tous égards. C’est encore grâce à cette gauche que de grands pans de la société québécoise, comme ailleurs dans le monde, sont tentés par d’effroyables populismes réactionnaires ; qu’on n’entend rien venant de la gauche officielle sur la destruction des liens sociaux quand il est question de racisme ou d’islamophobie. Quant à la question culturelle, au sens sociologique du terme, la vertueuse gauche a vraisemblablement décidé de tourner la page pour ne pas salir ses blanches mains sur l’identité nationale, forcément rétrograde et synonyme de frilosité mesquine : sujet de discussion et de discorde gênant à l’ère de la mondialisation, d’un engouement fébrile pour le multiculturalisme, la diversité et la culture numérique — ne pas confondre avec la pluralité sociale.
La gauche officielle
Se pourrait-il que le malaise dans la démocratie qu’on déplore dans nos institutions politiques concerne tout autant les organisations de la gauche officielle ? « Bien sûr que non. Pas nous ! »
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