Donald Trump ne cède rien. « America First », et il vient de le prouver une fois de plus en empêchant Dassault de vendre douze Rafales supplémentaires à l’Égypte. Et cela, le plus légalement du monde, sans que l’avionneur français ne puisse protester. C’est le très sérieux quotidien Les Échos qui nous informe de cette dernière péripétie de notre cher (très coûteux, même) Rafale. L’auteur de cette révélation est une référence, puisqu’il s’agit d’Hervé Guyader, président du Comité français pour le droit du commerce international. Washington a opposé son veto à cette vente parce qu’une minuscule puce électronique de création américaine, mais fabriquée sous licence par l’entreprise européenne MBDA, filiale d’Airbus, ne peut pas être exportée dans un pays tiers. Pour quelle raison ? L’application de la norme ITAR (International Traffic in Arms Regulations) qui, en effet, permet au gouvernement de Washington de bloquer toute vente d’armes utilisant un composant américain. Lequel gouvernement se fait un malin plaisir, au nom du slogan « America First », d’invoquer ITAR chaque fois que c’est possible ou nécessaire. Après tout, les États-Unis n’ont-ils pas proposé au Caire d’acheter le Lockheed Martin F-35 ? Mais c’est notre ministre Le Drian qui, en février 2015, avait remporté le marché avec la vente de 24 Rafale et d’une frégate multimission FREMM. Alors, acte de vengeance sous couvert de guerre économique ou simple respect des règlements américains ? Il est un fait que cette norme ITAR est un des piliers de la puissance américaine dans les ventes d’armes car elle est tout à fait légale. Comme l’écrit Hervé Guyader, « cette norme n’est en rien utilisée ici pour prévenir ou sanctionner une quelconque fraude, mais pour protéger un intérêt américain. Le caractère légal de l’opération est parfaitement respecté. » Et notre spécialiste de souligner que « le juge ne sera jamais saisi, aucune incrimination pénale ne sera jamais utilisée ». Reste la possibilité, à Dassault, de lancer la fabrication de cette puce présente dans les missiles de croisière SCALP, mais cela repoussera d’autant la livraison de cet avion au Caire. L’autre solution serait de séduire Donald Trump. Lors de sa visite d’État à la Maison-Blanche, en avril, Emmanuel Macron pourra-t-il convaincre son hôte d’oublier d’appliquer la norme ITAR pour cette petite puce américaine ? Lui qui aime vendre au plus offrant nos prestigieux outils industriels aura, en effet, beaucoup de mal à faire valoir ses arguments pour que cette vente aboutisse, enfin, au bout de trois ans. Et qu’adviendra t-il des 36 Rafale vendus à l’Inde, et des 24 exemplaires promis au Qatar pour lesquels un bel acompte a déjà été versé ? Washington imposera-t-il cette réglementation locale ? La question de l’extraterritorrialité des lois américaines reste entière, affirment Les Échos, puisqu’elle oblige les gouvernements étrangers à « devoir courber l’échine ». Mais nous devons, alors, nous poser la question de savoir pour quelles raisons obscures la France n’a pas été capable d’inventer une norme RVIA (Règlement sur les Ventes Internationales d’Armement). Nous qui bradons, depuis des années, nos fleurons industriels, laissant des intérêts étrangers nous déposséder de ce que nous avions mis tant de temps et d’efforts à construire. Voilà une bonne nouvelle que nous aimerions entendre du locataire de l’Élysée. Mais, hélas, c’est un doux rêve que nous pouvons faire, car cette norme RVIA irait à l’encontre de la politique de mondialisation voulue par Emmanuel Macron.