Le Caire — Les chefs d’État de la Ligue arabe ont annoncé dimanche leur intention de créer une force militaire conjointe pour combattre les « groupes terroristes », notamment l’État islamique (EI), se donnant quatre mois pour s’accorder sur ses modalités et sa composition.
Cette annonce survient au moment où une coalition arabe, dirigée par l’Arabie Saoudite et comprenant notamment l’Égypte, bombarde au Yémen les positions de la milice chiite des Houthis, alliés à l’Iran, qui occupent une grande partie du pays et ont chassé les autorités élues.
Les bombardements aériens de cette coalition regroupant neuf pays arabes, sont considérés comme un « test » pour la future force, mais rien n’a filtré au sommet arabe de Charm el-Cheikh en Égypte sur un éventuel déploiement de cette force conjointe au Yémen quand elle verra le jour.
En tout état de cause, l’opération durera jusqu’à la reddition des rebelles Houthis, a prévenu le secrétaire général de la Ligue, Nabil al-Arabi, à la clôture du sommet de deux jours.
Un «besoin pressant»
L’organisation panarabe présentait depuis plusieurs mois comme un « besoin pressant » la constitution d’une force conjointe face aux atrocités que multiplie l’EI en Irak et en Syrie et la progression de ce groupe djihadiste notamment en Libye et dans le Sinaï égyptien.
Mais c’est le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui oeuvrait avec le plus d’insistance à la concrétisation du projet. C’est d’ailleurs lui qui a annoncé avec un large sourire dimanche l’«accord de principe » de ses pairs chefs d’État et monarques.
Mais plus que la menace djihadiste, il aura fallu la montée en puissance des Houthis et la crainte de voir le rival iranien étendre son influence dans la région pour pousser les dirigeants arabes à surmonter leurs dissensions et entériner la création de la force conjointe, à laquelle les experts n’osaient croire jusqu’alors.
« Ce qui est important aujourd’hui, c’est qu’une décision majeure a été prise, au regard de tous les troubles dont souffre le monde arabe, des défis sans précédent posés par des groupes terroristes », s’est félicité Nabil al-Arabi.
Une commission de hauts responsables de chaque État membre, sous la supervision de leurs chefs d’État-major, auront un mois pour présenter des recommandations sur la composition de la force, ses objectifs, ses modalités de mise en oeuvre et son budget. Puis, ces recommandations devront être entérinées dans les quatre mois à venir par les ministres de la Défense, selon la résolution adoptée à Charm el-Cheikh et dont l’AFP a obtenu une copie.
L’Égypte, épine dorsale
L’Égypte, qui avait déjà fait savoir qu’elle était prête à envoyer des troupes au sol au Yémen « si nécessaire », devrait tout naturellement constituer l’épine dorsale de cette force si elle voit le jour : le plus peuplé des pays arabes dispose de l’armée la plus nombreuse et l’une des mieux armées de la région.
L’Arabie saoudite, comme elle le fait déjà au Yémen, devrait mettre à disposition ses armements parmi les plus sophistiqués au monde, notamment ses avions et ses chars, tout comme les Émirats arabes unis. Quant à la Jordanie, les experts estiment que ses commandos d’élite très réputés devraient également être sollicités.
Mais le chemin est encore long et pavé d’obstacles potentiels avant que cette force ne voie le jour, selon les experts soulignant que les divergences de points de vue entre les 22 membres de la Ligue pourraient ralentir le processus.
Des réserves
Si 21 des 22 membres de la Ligue ont adopté la résolution (le siège de la Syrie restant vide), certains diplomates ne se sont pas privés à Charm de livrer leurs réserves.
Le ministre des Affaires étrangères irakien Ibrahim al-Jaafari avait ainsi confié samedi que son pays « avait des réserves concernant la formation de cette force, car il n’y avait pas eu d’études préliminaires ».
Les dissensions sur ses objectifs peuvent également ralentir sa formation. Oraib al-Rentawi, directeur du centre Al-Qods pour les études politiques, estime ainsi que si la priorité de l’Égypte et d’autres est de combattre l’EI et ses avatars, celle de Ryad semble de « faire face à l’influence grandissante de l’Iran dans la région ».
« Pour l’instant, l’EI passe au second plan face à la menace d’extension du pouvoir chiite au Yémen, qui risque de modifier profondément la géopolitique de la région », estime aussi M. Guidère, professeur de géopolitique arabe à l’université de Toulouse.
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